Passer au contenu

Comment ça marche ?

Le législateur n’y est pas allé de main morte. Avec la loi Hadopi a été instituée une procédure fastidieuse faisant intervenir beaucoup de monde et nécessitant de nombreux allers et retours de données et de courriers prêtant à confusion. En langage courant, c’est ce que l’on appelle une véritable usine à gaz. En voici les rouages.

Étape 1 : contrôle des œuvres

Tout débute avec l’établissement d’une liste précise d’œuvres à surveiller, actualisée régulièrement, que les ayants droit transmettent au prestataire technique Trident Media Guard (TMG). Les œuvres surveillées y sont encore en quantités limitées.

Étape 2 : envoi d’un constat

Le prestataire TMG observe les échanges qui s’effectuent sur les réseaux peer to peer. Lorsque cette société trouve une copie pirate échangée, elle se connecte à l’ordinateur repéré pour télécharger elle-même une partie du fichier. Elle dresse alors un constat contenant l’adresse IP de l’ordinateur, le fichier incriminé, la date et l’heure de l’échange, qu’elle transmet aux agents assermentés des ayants droit.

Étape 3 : saisie de la CPD

Les agents assermentés des ayants droit saisissent quotidiennement la CPD (Commission de protection des droits) avec les informations fournies par TMG. Le volume quotidien de saisines devrait passer de 25 000 à 150 000, une fois la procédure rodée.

Étape 4 : décision de la CPD

Pour chaque saisine, les trois magistrats de la CPD choisissent de donner suite ou non. Selon quels critères de décision ? Aucune information n’a été officiellement donnée à ce sujet.

Étape 5 : sollicitation des FAI

Lorsque la CPD a choisi les dossiers devant faire l’objet de poursuites, elle demande aux fournisseurs d’accès de lui transmettre les coordonnées des abonnés dont l’adresse IP a été repérée.

Étape 6 : rôle des FAI

Les FAI recoupent alors les adresses IP et les dates et heures fournies par la CPD avec leurs fichiers d’abonnés. Cette procédure sera, à terme, automatisée pour éviter de surcharger les FAI.

Étape 7 : envoi d’un mail

La CPD fait envoyer par le FAI la première recommandation sous forme de mail. C’est justement cela que Free s’était refusé de faire. Depuis, un décret a été publié en urgence au Journal officiel l’enjoignant à s’exécuter, sous peine d’amendes.

Étape 8 : Actuellement – Premières recommandations

Les premières recommandations sont reçues par des internautes. Elles informent que l’accès à Internet de l’abonné a servi à commettre des faits qui “ peuvent constituer une infraction pénale ”. Le courrier rappelle l’obligation légale de sécurisation de l’accès, sans donner de moyens concrets de le faire. Vous pouvez d’ores et déjà réagir en demandant la liste précise des œuvres repérées et en faisant toute autre observation.

Étape 9 : réponse de la CPD

Les internautes peuvent réagir en demandant à la CPD des précisions sur les œuvres piratées et les recommandations. Celle-ci doit leur répondre par courrier.

Étape 10 : six mois après

Au bout de six mois, si aucune nouvelle infraction n’a été repérée, la CPD efface les données personnelles obtenues sur le titulaire de l’abonnement. Si une nouvelle infraction est constatée dans ce laps de temps, la CPD statue à nouveau. Les coordonnées seront alors conservées 12 mois.

Étape 11 : envoi d’une lettre RAR

La CPD envoie un deuxième mail accompagné, cette fois-ci, d’une lettre recommandée avec accusé de réception.

Étape 12 : demande d’audition

A réception de cette lettre recommandée, tout internaute peut, à nouveau, faire ses observations, contester les faits qui lui sont reprochés et demander une audition auprès de la CPD.

Étape 13 : menace de poursuites

Dans un délai de 12 mois après l’envoi du deuxième mail, si une troisième infraction est constatée, la CPD envoie alors une dernière lettre recommandée qui avertit de la possibilité d’être poursuivi en justice. En revanche, si aucune infraction n’a été constatée dans ce délai d’un an, la CPD efface alors vos coordonnées de sa base.

Étape 14 : saisine du Parquet

En cas de récidive, la CPD statue à nouveau et transmet, le cas échéant, le dossier au Parquet. Les modalités de cette transmission ne sont pas encore connues : le décret d’application devant les fixer n’a toujours pas été publié au Journal officiel !

Étape 15 : sollicitation du tribunal de police

Curieusement, une fois que le Parquet a reçu le dossier, il se contente de le transmettre au tribunal de police. En effet, une circulaire du ministère de la Justice, datée du 6 août 2010, demande aux procureurs de ne pas enquêter directement et de faire suivre le dossier… Le jugement est alors rendu sous la forme d’une ordonnance pénale, autrement dit d’une procédure simplifiée non contradictoire. Vous pouvez alors écoper d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 euros (3 000 euros en cas de récidive). Une coupure de votre abonnement à Internet pendant un mois maximum vous est également signifiée. Vous avez 30 jours pour contester l’ordonnance auprès du tribunal de police par lettre recommandée avec accusé de réception. Une enquête devra alors être ouverte : en matière pénale, c’est à l’accusation de prouver la faute.

Étape 16 : coupure d’Internet

Les FAI sont tenus de couper l’abonnement à Internet aux condamnés, mais pas les services de télévision et de téléphonie. Ce qui est techniquement impossible en l’état du réseau sur une grande partie du territoire français.

Étape 17 : fichier de fichés

Avant d’enregistrer tout nouvel abonné, les fournisseurs d’accès à Internet doivent dorénavant vérifier que leur éventuel futur client ne figure pas dans le fichier des internautes “ interdits ” d’accès temporairement.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Valérie Quélier et Stéphane Viossat