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Bart Decrem (Mozilla) : ‘ Des constructeurs pourraient préinstaller Firefox sur leurs PC ‘

Succès du navigateur web Firefox, sécurité, interopérabilité, Bart Decrem s’explique sur la raison d’être et la stratégie de la Mozilla Foundation. Et sur l’ouverture de l’open source au grand public.

Vous avez mis récemment en ligne un site web, SpreadFirefox.com, destiné à promouvoir Firefox. On peut y consulter en temps réel le nombre de téléchargements de Firefox. Etes-vous satisfaits de ces chiffres ?Bart Decrem : Quand nous avons diffusé la version 0.8 de Firefox, en février dernier, il y a eu 3,3 millions de téléchargements en trois mois. Par la suite, la version 0.9 a enregistré 6,5 millions de
téléchargements en trois mois. Enfin nous avons diffusé il y a un mois et demi Firefox en preview release et 5,5 millions de personnes l’ont déjà téléchargé.A chaque nouvelle version de Firefox, notre communauté d’utilisateurs double. Cet été, en prévision de la version 1.0 que nous devons lancer, le 9 novembre prochain, nous avions tablé sur 10 millions de téléchargements dans
les cent premiers jours. Maintenant je crois que ces prévisions seront facilement dépassées.Tristant Nitot (président de Mozilla Europe) : Pour la France la tendance est similaire. Pour vous donner un exemple, un site comme le Printemps.fr enregistre déjà près de 5 % de connexions sous Firefox et
Mozilla. Or, là, nous parlons d’un site plutôt grand public. Sur des pistes plus ‘ spécialisés ‘, comme Hardware.fr, ce pourcentage grimpe rapidement à 20 ou 30 %. Or cette proportion est importante car c’est cette
population qui est prescriptrice de Firefox.Justement, comment percevez-vous l’évolution, en termes de profil, des utilisateurs de Firefox ?Il y a cinq mois, les gens qui utilisaient Firefox étaient des bloggeurs, des programmeurs ou encore des lecteurs de 01net. par exemple, bref, des gens qui s’y connaissent en informatique. Maintenant, nous voyons
apparaître une nouvelle vague d’utilisateurs. C’est un internaute ordinaire qui en a assez des pop-up, des spywares et de tout ce qui pollue sa navigation sur le web. Il se tourne alors vers son entourage, et tombe le plus souvent sur quelqu’un qui
lui conseille de passer à Firefox. Et voilà un nouveau converti.Vous avez dû récemment corriger certaines failles de sécurité sur Firefox, des améliorations sont-elles aujourd’hui nécessaires ?La sécurité est l’une des raisons principales pour lesquelles les gens migrent vers Firefox. C’est l’un des points sur lesquels nous possédons un avantage sérieux sur la concurrence. Les problèmes de sécurité avec Firefox sont beaucoup
moins graves qu’avec Internet Explorer, et nous les résolvons plus rapidement.A cela trois raisons : nous avons une meilleure architecture sécurité (par exemple nous n’utilisons pas ActiveX). Nous n’avons pas ce concept des zones de confiance, sur Internet, qui expose vraiment les gens à tout type de failles
de sécurité. De plus la communauté open source a une bien meilleure approche des questions de sécurité. Chaque fois qu’un problème surgit, il y a débat et nous travaillons à les résoudre.Un autre sujet de préoccupation avec Firefox, c’est la compatibilité avec les sites web, d’une part, et avec certains programmes informatiques comme Acrobat Reader, d’autre part…La compatibilité avec les sites web diffère selon les pays. Mais plus nous gagnons de parts de marché plus les gestionnaires de sites font attention à être compatibles avec Firefox. Quant à la compatibilité avec les programmes, nous
venons de créer un service de plug-in pour, à terme, assurer une compatibilité totale avec Flash, Real, Shockwave, Java, Acrobat Reader, Windows Media Player ou encore Quicktime.Vous avez récemment lancé une collecte de fonds pour vanter les mérites de Firefox dans une publicité à paraître dans le New York Times Times, quelle somme avez-vous collectée à ce jour ?Il y a quelques mois, un volontaire spécialisé en relations publiques est venu me voir pour me suggérer de passer une pleine page dans le New York Times pour célébrer le lancement de Firefox 1.0. Or, nous
n’avions pas d’argent pour ce type de projet. D’ou l’idée d’une collecte de fonds, mais nous étions conscient que certains trouveraient étonnant de consacrer autant d’argent à une publicité dans le New York Times et pas aux
programmeurs.Donc nous avons décidé de réunir trois fois plus d’argent que ce dont nous avions besoin pour le New York Times, soit au départ 100 000 dollars. Résultat : en une semaine, plus de
7 000 personnes ont donné de l’argent (à hauteur de 10 à 30 dollars chacune) et nous avons réuni plus de 120 000 dollars. En plus du New York Times, nous allons également faire de la publicité dans la
presse européenne.Tristant Nitot : Autre initiative, nous aurons un stand de 54 m2, au prochain salon Networld Interop, pour présenter Firefox 1.0 et en assurer la promotion.Quel est le sens de votre démarche ?Notre objectif est d’aider les gens à faire du bouche à oreille en faveur de Firefox. Pour exemple, aujourd’hui, nous avons déjà près de 100 000 sites web qui pointent sur Firefox (soit beaucoup plus que les sites web qui
pointent sur Netscape.com, Apple.com, ou la page d’accueil d’Internet Explorer). Nous avons donc créé une collection de 50 boutons et bannières publicitaires que les gens peuvent mettre sur leur site web. Si vous faites cela, vous pouvez avoir
un identifiant sur Spreadfirefox.com, et nous vous dirons combien de gens viennent télécharger Firefox à partir de votre site. Les sites les plus actifs seront récompensés.Quelle est aujourd’hui votre stratégie marketing pour Firefox ?Nous misons sur la qualité du produit, ce qui est logique. Mais la différence fondamentale entre la Fondation Mozilla et une entreprise de logiciels traditionnelle c’est que, chez nous, les gens du marketing ne s’occupent pas de
l’élaboration du produit lui-même, comme cela a pu être le cas dans Internet Explorer avec ActiveX. Ce sont les ingénieurs qui prennent toutes les décisions.Des partenariats sont à l’étude pour les prochains mois, avec des FAI, et certains fabricants d’ordinateurs pourraient aussi choisir de préinstaller Firefox sur leurs machines. En effet, aujourd’hui pour eux, 30 % des appels reçus
pour l’assistance technique concernent des problèmes de spyware. En conseillant simplement à leurs utilisateurs de passer à Firefox, ils pourraient ainsi faire d’importantes économies sur leur service d’assistance technique.Comment est financée la Fondation Mozilla et comment définiriez-vous son organisation ?Nous sommes une petite équipe d’une quinzaine de personnes aux Etats-Unis, en Europe et au Japon. A cela il faut ajouter 30 à 40 personnes (des ingénieurs et des programmeurs professionnels) qui travaillent à temps plein sur nos
projets mais qui sont employés par des sociétés comme IBM, RedHat ou Sun Microsystem. Nous avons aussi des volontaires, qui travaillent au marketing de spreadfirefox.com. Nous sommes une association à but non lucratif. Notre budget était de
2 millions de dollars l’an passé et nous comptons le doubler pour l’année prochaine.Nos revenus financiers sont divers. Ils proviennent de sponsors comme IBM, AOL ou Sun, de services (support technique) que nous vendons à des grandes entreprises qui installent nos solutions, de contributions de particuliers et de la
vente de goodies. Toutes les deux semaines, nous vendons ainsi 1 000 t-shirts aux armes de Mozilla/Firefox.Devant l’ampleur que prend le phénomène Firefox, vous devez vous attendre à une réaction de la part de Microsoft ?Dans un sens, ce que nous voulons, c’est provoquer une réaction de Microsoft. En tant qu’association, notre but est de préserver l’innovation dans Internet. Par conséquent, si Microsoft produit une nouvelle version améliorée d’Internet
Explorer, ce sera bon pour Internet. Cela dit, si le navigateur est important pour Internet, nous avons des projets dans le long terme qui vont bien au-delà du navigateur.Par ailleurs, la grande différence entre Mozilla et Microsoft, c’est que nous sommes open source et que nous avons un sens de la communauté. En clair, la ligne entre le consommateur et le producteur n’existe pas chez nous. Car nos
utilisateurs se considèrent un peu comme des actionnaires de Mozilla et s’investissent beaucoup dans nos projets. D’ou une possibilité d’améliorer nos produits en permanence et de réagir plus rapidement que Microsoft.

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Propos recueillis par Philippe Crouzillacq