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Attention, brouillard !

Désormais interdits, les avertisseurs de radars se sont mués en assistants d’aide à la conduite. Récit d’une métamorphose et précisions sur la nouvelle réglementation.

Vous possédez un avertisseur de radars ? Depuis la publication d’un décret le 4 janvier 2012, sa détention, son transport et son usage ne sont plus autorisés. Vous souhaitez acquérir un appareil de ce genre et braver l’interdit ? En fait, rien ne vous en empêche… Un paradoxe qui trouve ses racines dans les difficultés, principalement d’ordre technologique, pour mettre en place cette interdiction. Celle-ci implique en effet de nombreux acteurs (développeurs d’applis, fabricants de GPS, constructeurs automobiles…), avec des luttes de pouvoir et des actions que l’on pourrait qualifier de lobbying. Certes, aux dires de plusieurs interlocuteurs, un nouveau texte interdisant explicitement la vente des avertisseurs de radars est attendu au plus tard pour le 1er juillet 2012, voire avant l’élection présidentielle. Un épisode de plus dans ce feuilleton à rebondissements.

Retour en arrière

Le 11 mai 2011, le Comité interministériel de la sécurité routière annonce une série de mesures visant à sanctionner les écarts de conducteurs de moins en moins attentifs. Il y a urgence. Alors que la généralisation des radars automatiques aurait permis de sauver 11 000 vies depuis 2002, subitement la mortalité routière a bondi de 20 % en avril 2011 ! “ Les avertisseurs de radars, qui sont une incitation à enfreindre les règles en matière de limitation des vitesses, seront interdits ”, précise alors le communiqué de Matignon. Tollé général ! Pour les fabricants de boîtiers spécialisés, cette interdiction revient à anéantir tout ou partie de leur modèle économique et les 2 500 emplois qu’ils génèrent. Concurrents depuis toujours, Coyote, Inforad et Wikango se serrent les coudes et créent alors l’Association française des fournisseurs et utilisateurs de technologies d’aide à la conduite (Afftac). Après négociations, ils signent un protocole avec le Gouvernement. Cet accord a pris effet fin 2011, soit avant la parution du décret. “ On s’est demandé lequel des deux signataires était content de gruger l’autre, ironise Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière. Tout le monde serait choqué si un système permettait à des dealers d’être avertis de l’arrivée de la police. Il s’agit d’une immense hypocrisie ”, ajoute-t-elle.Il est vrai que, de prime abord, la principale modification qu’apporte le protocole semble d’ordre purement sémantique ; on ne dit plus “ avertisseurs de radars ” mais “ assistant d’aide à la conduite ”. Mais pas seulement. “ Nos produits sont aujourd’hui en conformité avec le protocole signé avec le Gouvernement sur la transformation de nos métiers, précise Loïc Ratier président de l’Afftac et PDG de Wikango. Nous nous sommes engagés à ne plus signaler le positionnement des radars fixes. En revanche, nous signalons les zones de danger où sont installés les radars fixes sur une distance de 4 km sur autoroute, 2 km sur route et 300 m en ville. ” Ce changement implique pour les fabricants de modifier notamment les algorithmes de leurs logiciels (voir encadré). Mais cette mise en conformité n’est pas tout à fait achevée. Et ce pour plusieurs raisons.Tout d’abord, le protocole n’engage que les membres de l’Afftac qui en sont signataires. Dans un premier temps, les fabricants de GPS et les constructeurs automobiles ne se sont pas sentis concernés, comme le rappelle Philippe Bern, chef de produits chez Garmin : “ Il faut bien considérer que l’avertisseur de radars n’était qu’une fonction d’un GPS en plus des infos trafic ou de l’état des routes. Alors que pour les membres de l’Afftac, il s’agissait de la fonction première du produit. ” Courant septembre, “ le ministère de l’Intérieur nous a expliqué que les produits GPS tombaient sous le coup de la loi ”, relate Arnaud Pezeron de TomTom. Branlebas de combat : l’équipe apporte les modifications conformément au protocole signé entre le Gouvernement et l’Afftac. Outre ces zones de danger, les fabricants devront aussi, dans les prochains mois, ajouter les zones de vigilance accrue (passages à niveau, sorties d’écoles…). Même si “ pour le moment, la loi ne mentionne aucune obligation pour l’intégration d’une base de données ”, souligne Arnaud Pezeron. Et pour cause : elle n’est pas prête. Le président de l’Afftac confirme que “ des négociations avec le Gouvernement sont en cours pour définir une nouvelle base de données. Certaines préfectures ont déjà commencé à préparer et à envoyer des fichiers. Mais ceux-ci présentent parfois des incohérences. Par exemple, un département a signalé une zone de danger de 21 km sur une autoroute qui en faisait 26… ” L’harmonisation de la base de données est cruciale. Car si les assistants d’aide à la conduite bipent incessamment sur certaines routes très “ accidentogènes ”, l’automobiliste pourrait en être agacé. Du côté de l’Afftac, on s’empresse de souligner que les négociations visent à éviter ce type de situation.

Un logo visible de l’extérieur

Tant que cette nouvelle base de données conçue par les préfectures n’a pas été validée, l’organisme de certification Infocert ne peut pas délivrer l’homologation aux fabricants, nous a expliqué une source proche du dossier. C’est la raison pour laquelle seule une attestation de conformité a été accordée à certains membres de l’Afftac. À terme, ce certificat permettra aux forces de l’ordre de contrôler la mise en conformité des assistants d’aide à la conduite, des GPS ou des systèmes de navigation. Pour ce faire, ces appareils arboreront un logo “ NF logiciels ” visible depuis l’extérieur de la voiture. Rappelons que les gendarmes sont autorisés à fouiller un véhicule uniquement en cas d’accident ou sur réquisition du procureur. Cependant, sachant que le décret interdisant l’usage d’un avertisseur de radars est bel et bien entré en application, l’automobiliste est en droit de se demander de quelle manière les forces de l’ordre peuvent vérifier s’il respecte la nouvelle réglementation. La réponse ? La consigne leur a été donnée “ d’agir avec discernement et pédagogie ”. S’agissant des applications installées sur un smartphone, le prochain texte devrait obliger les magasins en ligne (iTunes, Android Market…) à les retirer de la vente. Cependant, les forces de l’ordre ne devraient pas être autorisées à contrôler les téléphones mobiles des automobilistes… À suivre.

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Valérie Quelier avec Christophe Gauthier