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À Lille, le CHU fait tomber ses frontières

Dix ans. C’est le temps qu’il aura fallu à une équipe lilloise pour intégrer l’informatique et internet aux routines du centre hospitalier. Le résultat de tant dopiniâtreté? Des réseaux qui, des contacts avec les labos au télédiagnostic en neurochirurgie, permettent de mieux suivre les patients.

Quelle est la différence entre un hôpital à la pointe du progrès et une unité très en retard ? À l’?”il nu, aucune. “Nous avons justement fait très attention à ce qu’il n’y ait rien de spectaculaire dans notre fonctionnement : il s’agit là d’un processus industriel. Une fois lancée, l’informatique doit fonctionner sans heurt !“, répond le professeur Régis Beuscart, directeur du département d’informatique médicale (DIM) du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille. “ Ici, notre objectif est de soigner des gens, pas de tester des technologies ! “, poursuit-il. Toute la complexité est là : simplifier l’outil pour l’intégrer totalement au quotidien des médecins… et contourner les réticences. “ La sécurité des patients est un argument très facile à utiliser par les praticiens lorsqu’il s’agit de rejeter les innovations des informaticiens “, constate le professeur. Travail de longue haleine, donc, que d’informatiser un hôpital. “ Il faut près de dix ans “, soupire le responsable du DIM. Et d’expliquer l’attention particulière qu’il a portée à impliquer les équipes soignantes, bien en amont du processus, pour que le résultat soit adapté à leurs besoins.

Quinze-tonnes à moteur Ferrari

Le projet est là, bien avancé sur différents fronts, contrairement à ce que l’on constate dans beaucoup d’autres hôpitaux, “ qui ont parfois quinze ans de retard par rapport à l’industrie dans l’utilisation des technologies informatiques“, selon Bernard Albiges, directeur informatique de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (APHP). Les raisons d’un tel retard : outre la réticence du milieu médical, l’industrie du logiciel semble inadaptée aux applications spécifiques de la médecine. “ Les éditeurs s’entêtent à concevoir des quinze-tonnes avec des moteurs de Ferrari“, ironise Régis Beuscart. Résultat : les hôpitaux équipés doivent leur avance à la pugnacité des porteurs de projet. Contre vents et marées, les responsables de départements informatiques doivent tenir le cap, souvent avec des budgets très serrés, de l’ordre de quelques dizaines de millions de francs. À Lille, par exemple, le budget informatique est proche de 4,5 millions d’euros (30 millions de francs), pour quelque 4,5 milliards d’euros de budget total. “ Ici, on accorde à l’informatique près de 1 % du budget total, contre au moins 3 % aux États-Unis. C’est une misère ! “, assène Bernard Albiges.Mais le résultat est là : pas un des 170 services qui n’utilise, à un moment ou à un autre, l’ordinateur. Quelque 80 applications tournent déjà et 35 projets sont en cours. Pourtant, le CHU ne propose pas d’opération à c?”ur ouvert réalisée depuis les antipodes par le spécialiste du moment. Nous sommes très loin de la science-fiction. Mais tout patient qui met le pied à l’hôpital est accompagné par un dossier informatique qui regroupe ses radios, ses analyses, ainsi que les commentaires des différents praticiens à qui il a eu affaire. Pour assurer la confidentialité ?” loi informatique et libertés oblige ?” l’accès à l’information est régulé, mais le minimum commun comprend le profil administratif et l’historique du patient. Les différents services ont ensuite des logiciels spécifiques leur permettant d’accéder au dossier du patient et de l’annoter suivant les pathologies. “ Ce qui a commencé comme une contrainte administrative se révèle un outil qui permet de mieux connaître le patient et, par conséquent, de mieux le traiter “, constate un jeune chirurgien. Mais les équipes du DIM ont également mis l’accent sur la communication inter-hôpitaux, en créant des réseaux spécifiques pour certaines spécialités. En tête de pont, Telurge, pour les neurochirurgiens. Lancé en 1996, il rassemble désormais 17 hôpitaux.

Mutualisation des compétences

En effet, Lille est le seul centre disposant d’un service spécialisé de neurochirurgie, pour 4 millions d’habitants. Avant que ce réseau ne soit mis en place, les cas suspects étaient transférés à Lille. Désormais, les scanners sont envoyés par le réseau de santé au CHU lillois ?” sécurisé ?” où le chirurgien de garde donne son diagnostic en direct. Il prend alors la décision de transférer ou non le patient. “Si on décide alors de le déplacer, on a le temps de préparer les équipes pour l’intervention “, précise le neurochirurgien Étienne Louis. Une première évaluation du système Telurge, réalisée en 1998, estimait alors que près de 27 % des transferts avaient ainsi pu être évités.D’autres spécialités ont lancé leur propre réseau. Ainsi, les gynécologues et obstétriciens de 12 centres hospitaliers ?” bientôt 24 ?” se rassemblent chaque semaine pour une téléconférence où ils peuvent discuter de cas difficiles. Lille fait d’ailleurs partie d’un réseau franco-québécois de partage d’expertise dans la télémédecine comme de la visioréunion médicale regroupant Montréal, Toulouse et Strasbourg. Le CHU teste aussi ce qui sera le futur de la médecine : le réseau ville-hôpital.Avec l’assistance de la jeune pousse Planet Health Care, une des cinq sociétés issues du DIM, le CHU s’est aussi mis en réseau avec deux villes de la région (Armentières et Montreuil- sur-Mer), et il réunit également les laboratoires d’analyse et les médecins libéraux.

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Agathe Remoué à Lille