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Neutralité du net : la France défend l’usage des VPN et du peer to peer

Le gendarme des télécoms donne neuf mois aux opérateurs français pour se mettre en conformité avec le nouveau règlement européen garantissant la neutralité du net. 

Au moment même où les Etats-Unis s’attèlent à déréguler le marché des télécoms, la France prend le chemin inverse. L’Arcep a désormais pour mission de défendre la neutralité du net, en vertu d’un nouveau règlement européen et de la loi pour une République numérique.

Le gendarme des télécoms vient de livrer son premier rapport sur le sujet. Après un premier tour d’observation, il a décelé un certain nombre de mauvaises pratiques qui vont devoir cesser à court terme. « Nous voulons donner une chance aux acteurs de comprendre en commençant par une période de 9 mois de dialogue pro-actif », a annoncé le président de l’Arcep Sébastien Soriano lors d’une conférence de presse ce mardi 30 mai. Au-delà des 9 mois, l’autorité est très claire : elle sévira. « Nous disposons désormais d’un pouvoir coercitif et de perquisition donc nous sommes en mesure plus que jamais d’incarner cette posture de gendarme », a encore déclaré Sébastien Soriano.

Sébastien Soriano, le président de l'Arcep.
ERIC PIERMONT / AFP – Sébastien Soriano, le président de l’Arcep.

Il est interdit d’interdire .. le peer to peer

Les premières actions de l’Arcep ont consisté à débusquer et à faire retirer dans certains cas, des blocages de services et de type d’usage comme la fonction modem des terminaux, le peer to peer, la VoIP ou les newsgroups. « Dans les DOM, ces derniers mois, nous avons fait lever l’interdiction d’avoir recours à des VPN et au peer to peer chez certains FAI », cite en exemple le président de l’Arcep. Le service pilote TGV Connect, qui offre une connexion gratuite aux passagers, a aussi été rappelé à l’ordre car il bloque certains usages comme le streaming vidéo, ainsi que l’accès aux catalogues d’applications, comme nous l’avions constaté à son lancement en décembre dernier. On pense également aux clauses des box 4G qui prévoient de brider le débit des utilisateurs en cas de saturation réseau. Nul doute que l’Arcep ira vérifier la conformité de la chose.

Dans sa lutte, l’Arcep compte sur plusieurs atouts. Elle va d’abord s’équiper de nouveaux logiciels permettant de détecter des abus de façon automatique. C’est le cas de la méthode « record and replay » développée par l’Iniria et la Northeastern University. Elle permet de vérifier si un FAI pratique la différenciation, consistant, par exemple, à ralentir l’accès à YouTube ou Netflix.

L’autorité mise aussi sur sa coopération avec les autres pays membres au sein du BEREC et des collaborations internationales comme avec l’Inde, par exemple, qui s’est illustré récemment en interdisant le service Free Basics de Facebook.

Il est prévu, en outre, de lancer un espace de signalement pour les utilisateurs d’ici la fin de l’année, afin qu’ils y énumèrent les problèmes concrets qu’ils rencontrent « du simple défaut de qualité de la ligne ou de l’insuffisance de débit jusqu’à la prise de conscience d’un blocage ou d’un bridage sur une offre particulière », peut-on lire dans le rapport de l’Arcep. L’Autorité souhaite enfin pouvoir mettre à disposition de tous une plateforme  officielle permettant aux internautes d’évaluer la qualité de leur connexion. Elle sera basée sur des outils crowdsourcés. C’est déjà le cas en Autriche avec le site RTR Netztest.

Le zero rating sera-t-il combattu ?

Reste le cas épineux du zero rating, pratique qui consiste à ne pas décompter du forfait data des abonnés l’utilisation de certains services ou applications. On se souvient de Red By SFR offrant un accès illimité à YouTube dans un forfait il y a quelques années. Aujourd’hui, tous les opérateurs proposent des contenus ou des services en bonus, qu’il s’agisse de Deezer, Spotify ou SFR Presse. Des pratiques qui pourraient être remises en cause.

Le zero rating n’est pas interdit formellement par le règlement européen, même si mettre en avant commercialement un acteur revient à discriminer tous les autres. L’Arcep assure qu’elle examinera toutes les offres au cas par cas. Ce qui inquiète des associations comme la Quadrature du net qui observe déjà des dérives chez nos voisins, chaque pays interprétant cette question à sa guise. « Nous avons déjà constaté une dégradation de la situation au niveau européen et notamment en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas », a indiqué le cofondateur de La Quadrature du Net Benjamin Bayart, invité à s’exprimer sur le sujet lors de cette même conférence de presse.

Pour cette association, le zero rating est loin d’être la seule pratique qui pose problème. « Les opérateurs mobiles altèrent le contenu de leurs abonnés via des DNS ou des proxies, souvent pour afficher ou enlever de la publicité. C’est une atteinte à la neutralité du net comme le traçage des internautes », accuse Benjamin Bayart. Se pose également le cas de certains flux VoD ou VoIP qui passent par un accès priorisé. Actuellement, les FAI favorisent leur offre ou celle d’un partenaire, quand ils devraient le faire pour toutes les autres. Une situation en contradiction avec le règlement européen et que l’autorité va devoir trancher.

L’Arcep souhaite enfin engager une réflexion sur les terminaux et les grandes plateformes qui peuvent limiter la capacité des utilisateurs à accéder à certains contenus et services. Pas sûr qu’elle parvienne à se faire entendre des géants américains, d’autant qu’elle n’a aucun pouvoir sur ce périmètre.

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Amélie Charnay