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Michèle Alliot-Marie, lauréate spéciale des Big Brother Awards

La ministre de l’Intérieur, Eric Woerth, Frédéric Lefebvre ou encore Bertrand Delanoë ont été épinglés pour leur « mépris du droit à la vie privée » dans le palmarès français 2009 des prix Orwell.

Ce samedi 4 avril s’est tenue à Montreuil (93) la dixième édition française des Big Brothers Awards. Selon la tradition instaurée par l’association de vigilance sur la surveillance et les intrusions dans la vie privée Privacy International, ces prix sont attribués chaque année aux « institutions, sociétés ou personnes s’étant distinguées par leur mépris du droit fondamental à la vie privée ou par leur promotion de la surveillance et du contrôle des individus ». A la suite des propositions des internautes, une jury de personnalités vient de décerner les prix Orwell de cette année. Le cru 2009 a particulièrement récompensé les membres du gouvernement pour leur politique sécuritaire active et la création de fichiers en tout genre.

Michèle Alliot-Marie est ainsi récompensée par un Orwell pour « l’ensemble de son œuvre », en particulier pour « son goût immodéré des fichiers de police, qui ont augmenté de 70 % en trois ans, et sa promotion de la vidéosurveillance, etc. ».
Parmi ces fichiers, Ardoise et Edvige, qui devaient entre autres choses recenser l’orientation sexuelle, le handicap ou encore les opinions politiques ou les appartenances syndicales de personnes, y compris mineures, considérées comme suspectes par la police ou par les services de renseignement.

La levée de boucliers a obligé la ministre de l’Intérieur à revoir à la baisse ses ambitions en la matière. Mais dans la foulée deux autres fichiers, Cristina et Gesterex, sont nés. Ils ont « étrangement été passés sous silence », note le compte rendu des Big Brothers Awards.
Le premier (Centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux), déclaré au Journal officiel, est couvert par le secret-défense. Il a obtenu un « avis favorable avec réserves » de la Cnil.
Le second (Gestion du terrorisme et des extrémistes à potentialité violente), dont vient de se doter la préfecture de police de Paris, est également classé secret-défense.

Ironie du sort, la veille de la remise du prix – pour lequel étaient aussi nommés Xavier Darcos avec son fichier national des élèves, le ministère de la Culture pour la loi Création et Internet et le groupe de contrôle des fichiers policiers –, Michèle Alliot-Marie annonçait dans Le Parisien une augmentation de la vidéosurveillance en France.

Une mention spéciale pour Frédéric Lefebvre

Le prix Orwell « Etat et élus » a été attribué à un autre membre du gouvernement, Eric Woerth, accusé de vouloir, « sous couvert de lutte contre la fraude aux allocations, créer un répertoire commun de la protection sociale (RNCPS) ». Ce fichier central naîtrait de l’interconnexion massive de bases de données, et chaque personne y serait identifiée par un numéro d’inscription au répertoire (NIR) unique. 

Pour les Big Brothers Awards, ce fichier n’est pas sans rappeler le projet Safari, voulu en 1974 par Jacques Chirac, alors ministre de l’Intérieur. Safari devait interconnecter tous les fichiers administratifs dans une giganstesque base accessible. Ce projet, dévoilé en son temps par le quotidien Le Monde, avait provoqué un véritable tollé obligeant le gouvernement à créer un organisme indépendant, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). 

Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, n’obtient pas de prix mais une mention spéciale pour « son incompétence et son insistance à vouloir contrôler Internet par le biais du CSA, ses arguments iniques pour soutenir la loi Hadopi, pour vouloir traquer la délinquance dans les maternités et bien d’autres choses ». Et les Big Brothers Awards de conclure : « Au secrétariat d’Etat au numérique, il aurait fait un malheur ! »

Le prix Orwell « Localités » va quant à lui à la gauche. Il est décerné conjointement à Bertrand Delanoë et à Christophe Caresche pour avoir cédé aux sirènes de la vidéosurveillance. Sous la mandature du maire socialiste, la municipalité de Paris est passée de 330 à 1 200 caméras, pour un budget estimé à 55 millions d’euros.

Moins connu, le prix Orwell « Novlang » récompense depuis 2004 les « opérations de propagande politique, commerciale, publicitaire, médiatique ou autre ayant pour objet, ou pour effet, d’attenter au droit à la vie privée, etc. » Parmi les deux lauréats, le projet européen Humabio, dont l’objectif est de combiner la biométrie et des technologies sensorielles afin de développer de nouveaux algorithmes et d’améliorer les capteurs sensoriels (placés à l’entrée d’un bâtiment sécurisé, par exemple). Non seulement ces technologies prendront en compte l’identification des individus grâce à leurs caractéristiques physiques, mais elles établiront aussi des diagnostics sur leur état psychique du moment.

Des prix Voltaire pour les citoyens vigilants

Enfin, parmi les prix Voltaire, qui saluent la vigilance citoyenne, deux collectifs ont été récompensés. Le premier, « Non à l’éducation biométrique de l’Hérault », est formé de parents d’élèves et d’enseignants. Son objectif est de s’opposer à l’installation de bornes biométriques dans les écoles des communes. A la suite de son action, le conseil général, compétent pour les collèges, a décidé de suspendre tout financement pour ce type de dispositifs.

Le second, « Non au fichier Edvige », a obligé par sa mobilisation le gouvernement à faire marche arrière et à modifier le décret pourtant déjà publié au Journal officiel. Toutefois, comme le rappelle le collectif dans un communiqué du 21 novembre 2008, la « vigilance et la mobilisation restent plus que jamais à l’ordre du jour car la bataille contre les fichages liberticides et la surveillance totale n’est pas terminée : le projet de décret Edvige 2.0 (EDVIRSP) n’a pas été publié ».

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