Passer au contenu

La fiabilité des machines à voter de nouveau mise en cause

Une étude portant sur 143 communes souligne un taux d’erreurs plus important dans les bureaux utilisant le vote électronique que dans les bureaux classiques.

En mars dernier, le président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard, évoquait dans une interview sur France Inter les réticences des maires à utiliser
les machines à voter. Une étude dévoilée ce 9 juillet va peut-être conforter ce sentiment. Chercheuse du CNRS au laboratoire d’informatique de
Nantes-Atlantique, Chantal Enguehard a mené pendant un an, avec l’Observatoire du vote, une étude chiffrée sur l’efficacité des bureaux pratiquant le vote électronique. Et le résultat n’est pas brillant.L’étude porte sur un échantillon de base d’un millier de bureaux de vote observés lors des deux tours de l’élection présidentielle de 2007, du premier tour des législatives qui ont suivi et du premier tour des municipales (1) de
mars dernier. La chercheuse l’a ensuite complétée par des observations ponctuelles dans diverses communes. Au total, plus de 21 000 bureaux de vote ont été étudiés, dans 143 communes, dont 68 utilisaient un des
trois modèles autorisés de machines à voter.Premier constat : le taux d’erreurs relevé pour les bureaux équipés de machines à voter est plus important que pour ceux disposant d’une urne standard. Les erreurs concernent une différence entre le nombre de bulletins enregistrés
et les émargements sur le registre de vote. L’étude arrive à un taux d’erreurs de 29,8 % pour les machines électroniques, contre 5,3 % pour les bureaux traditionnels.Plus précisément, pour la présidentielle, le taux d’erreur des machines est 3,9 fois supérieur à celui des bureaux traditionnels. Pour les législatives, c’est 7,5 fois, et pour les municipales, 7,8 fois ! L’étude
note également que ‘ la proportion de bureaux “en erreur” diminue pour le vote électronique entre le premier tour de l’élection présidentielle et le premier tour des élections législatives, passant de 34,5 %
à 25,4 %, mais cette diminution est plus importante pour le vote à l’urne (diminution de 8,9 % à 3,4 %) ‘.

Manque de transparence

Chantal Enguehard, qui a fait du vote électronique son sujet de recherche depuis trois ans, n’avance pour l’heure aucune explication. Même les incidents ou les remarques notés sur les procès-verbaux (agitation des votants, colère,
foule, etc.) lors des scrutins ne parviennent pas à expliquer ce différentiel d’erreurs entre les deux types de vote.En revanche, la chercheuse souligne un certain manque de transparence. ‘ En relisant les procès-verbaux d’élection, on ne sait pas combien de machines ont été utilisées [par la commune, NDLR],
ni de quel modèle il s’agit, ni de quelle version du logiciel. ‘
Certaines villes, comme Reims ou Les Herbiers (Vendée) ont carrément refusé de communiquer leurs données.Plus troublant, l’étude révèle que des erreurs notées dans les procès-verbaux individuels de bureaux de vote disparaissent dans le procès-verbal centralisé, comme à Issy-les-Moulineaux, à Courdimanche ou à Boulogne-Billancourt. Les
données sont lissées, ou mal retranscrites, en tout cas non conformes à la réalité du scrutin. De quoi alimenter la
controverse, dejà vive, sur le sujet.Difficile, pour l’heure, de tirer des conclusions de ces résultats. Si ce n’est en menant une étude de plus grande envergure. ‘ Quand on met en place un changement dans l’élection, il faut mettre en place des
évaluations ‘,
plaide Chantal Enguehard. Son étude va être transmis à différentes institutions et au ministère de l’Intérieur.Le sujet n’est en tout cas pas d’actualité seulement en France. En mai dernier, les Pays-Bas annonçaient l’abandon définitif du vote électronique, faute de pouvoir bien contrôler son fonctionnement. Et un projet sur l’adoption du vote
électronique est à l’ordre du jour des parlementaires suisses, sur fond de vive polémique.(1) Comme certaines villes n’ont pas eu besoin d’organiser un second tour, en rester au premier tour a permis de ne pas fausser les résultats de l’étude.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Arnaud Devillard