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Akhenaton (IAM) : « La carte musique jeune n’est pas viable »

Internet offre la possibilité à des labels indépendants de
sortir du giron des majors de la musique. Dernier en date,
Me-Label est la création du chanteur rap marseillais
Akhenaton, membre du groupe IAM. Entretien.

Micro Hebdo : Avec Me-Label.com, vous vous affranchissez des canaux de distribution musicale classiques. Pourquoi ?
Akhenaton :
Je veux produire de la musique en toute indépendance, sans maison de disques et sans distributeur. Et pouvoir aussi proposer du contenu exclusif. Mais l’indépendance, c’est aussi ne plus avoir à démarcher les radios et les télés pour qu’elles diffusent mes morceaux et mes clips. Je ne veux plus faire ça.

Tous vos albums ne sont pas disponibles sur le site. C’est volontaire ?
Non. J’aimerais bien proposer tous mes albums sur le site, mais comme certains d’entre eux ont été distribués sous un label qui ne m’appartient pas, je ne peux malheureusement pas faire ce que je veux. C’est terrible ! Je suis dégoûté de ne pas pouvoir proposer tous mes classiques à mes fans.

Est-ce essentiellement à cause de cela que vous remettez en cause les circuits de distribution traditionnels ?
Oui. Parce qu’on n’y maîtrise rien. Prenez mon film, Conte de la frustration. Après y avoir travaillé pendant des années, je n’ai pas pu communiquer dessus. Un an et demi après avoir fini le tournage, France 2 ne l’avait toujours pas diffusé. Et comme le film n’était pas sorti, personne ne voulait en distribuer la bande originale. Quand je vois France 2 produire avec de l’argent public, les producteurs bénéficier d’aides, et moi, en bout de chaîne, qui ai payé la production de la BO, attendre que le bâton frappe… j’en tire la leçon.

« Mieux vaut être un artisan dans sa boutique »

Plus jamais ça ?
Oui, j’ai décidé que ça ne se passerait plus jamais comme ça. Mieux vaut être un artisan dans sa boutique plutôt que de travailler dans un supermarché où l’on te dit ce que tu dois mettre en rayon… et de fermer ta gueule.

Laisserez-vous alors d’autres artistes profiter de Me-Label ?
Bien sûr que d’autres artistes pourront profiter de mon label ! Mais il leur reviendra de gérer ce qu’ils mettront en ligne sur le site. Si je commence à m’occuper de tout, je deviens un label comme les autres. Et ce n’est pas l’objectif.

Sur votre site, la musique est au même prix que sur la plupart des boutiques en ligne. Qu’est-ce qui justifie alors de l’acheter ici plutôt qu’ailleurs ?
Déjà parce que les morceaux proposés en téléchargement sont au format Wav, de bien meilleure qualité que le MP3. Il faudrait que les gens comprennent ce que c’est que le MP3. Tu prends un morceau, tu lui retires ses basses et ses aigus… il te reste du son. C’est ça le MP3. Juste du son.

« Lorsque j’apprécie un artiste, je suis prêt à payer pour profiter de sa musique »

Et l’autre attrait du site, c’est sa partie Abonnements ?
Oui, c’est ce qui fait l’originalité de Me-Label. L’abonnement coûte 14,99 euros par an et donne droit à l’équivalent d’un album à télécharger au rythme d’un titre inédit par mois. Ces titres, l’abonné peut les récupérer sur douze pistes et les remixer avec le logiciel RealTimeMixer, disponible sur le site. Et ensuite proposer ses créations à l’écoute en les déposant dans l’espace Mix Sharing du site.

Ne craignez-vous pas que les abonnés s’échangent directement leurs fichiers , sans passer par le site ?
Moi, lorsque j’apprécie un artiste, je suis prêt à payer pour profiter de sa musique. Les abonnés de Me-Label font ce qu’ils veulent avec ma musique, tant que ça se passe sur le site.

A propos d’échanges de fichiers, quelle est votre position par rapport à l’Hadopi ?
Je ne suis pas pour la répression. Ce n’est pas à la police de réprimer le téléchargement illégal, c’est aux FAI de surveiller ce qui se passe sur leurs réseaux. Déjà en révisant leur discours. Quand on voit des publicités où l’on vous dit que vous allez pouvoir télécharger autant que vous voulez, il y a un problème à la base.

La Carte musique pour les jeunes constitue-t-elle néanmoins un bon début de solution ?
Ce dispositif n’est pas viable. Il n’existe pas d’outils statistiques permettant de savoir quels sont les albums les plus achetés sur Internet avec cette carte. Du coup, les subventions de l’Etat aux artistes sont réparties en fonction du Top Albums des plates-formes de téléchargement. Et ce ne sont pas les artistes les plus réellement téléchargés par les jeunes qui touchent de l’argent.

Votre prochain album We Luv NY ne sera donc disponible que sur Me-Label ?
Oui, mais pas seulement en téléchargement. Il sera possible de commander le CD et même le vinyle.

Interview publiée dans Micro Hebdo n°660 du 9 décembre 2010.

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Jean-Marie Portal