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Un euro le DVD !

Où trouver un Tarantino sur DVD à prix cassé trois jours après sa sortie en salle ? A Pékin, où le marché parallèle ravit les cinéphiles chinois.

Du revendeur à la sauvette sur son trottoir, au magasin cossu du quartier des ambassades, les DVD pirates sont partout présents en Chine. Pour les producteurs, aucun bénéfice. Pour les 25 millions de foyers chinois dotés d’un lecteur de DVD, c’est la garantie d’un choix plus vaste que ce que proposent les rares revendeurs officiels, à la barbe de la censure et à des prix défiant toute concurrence.

Fabrication à très grande échelle

Comme chaque jour, Chenglong se rend chez son grossiste pour approvisionner sa boutique de quartier. C’est là qu’il achète 5 yuans (environ 0,50 euro) des DVD qu’il revend 8 yuans (environ 0,80 euro). ‘ Ce marché a explosé en 1999. Moi, j’ai ouvert en 2001. Avant, je travaillais comme journaliste dans un magazine gratuit ‘, raconte-t-il. Ces DVD pirates, fabriqués dans des usines clandestines camouflées au c?”ur de grandes villes industrielles du Sud du pays, sont ensuite distribués par un vaste réseau dans toute la Chine et en Asie. ‘ Un film est disponible en moyenne trois mois après sa première sortie en salle ‘, explique Cheng-long. Pour les films à succès, on trouve même dans les bacs, en quelques jours seulement, la version filmée caméra au poing lors d’une projection en avant-première. Mais pour les cinéphiles, la qualité de ces DVD pirates est loin d’être parfaite. Sur environ 20 % des galettes, les images sautent et le film bloque parfois à un quart d’heure de la fin…Les passionnés sont aussi souvent déçus par l’absence de bonus. Les sous-titrages en anglais sont truffés de fautes. Pire, ce sont ceux d’un autre film qui ont parfois été copiés-collés ! Mais la nouvelle génération de pirates, les DVD-9, corrige ces défauts. Vendus plus chers (15 yuans, soit 1,5 euro environ), ils intègrent les bonus, l’image est de meilleure qualité et les sous-titres sont plus soignés. Chenglong n’en doute pas, ‘ ces copies conformes à l’original s’imposeront sur le marché ‘. Des copies légales existent pourtant. Mais selon la Motion Picture Association of America ­ le syndicat du film américain ­, elles ne représentent que 10 % du marché chinois. Pour un DVD ‘ légal’ , la création d’un master suppose un long travail de doublage, de sous-titrage et de certification, qui aboutit à un prix en magasin de 100 à 200 yuans (10 à 20 euros). ‘ Personne autour de nous ne s’intéresse aux DVD légaux ! En fait, on ne fait pas bien la différence… seulement avec le prix ‘, s’exclament Charline, Vanessa et Sarah, trois jeunes Chinoises, étudiantes en français. Sans compter que les cinémas et les DVD légaux forment aussi une piètre concurrence en ne proposant que quelques films ‘ tout public ‘.

Cinéma étranger et non censuré

Ainsi, les scènes d’horreur et d’érotisme, voire celles qualifiées ‘ d’agression culturelle ‘, y sont systématiquement interdites par la censure. ‘ Avec les copies pirates, on peut voir des films interdits ou des scènes coupées ‘, se réjouissent les filles. Pour le réalisateur chinois Jia Zhangke (Xiaowu artisan pickpocket, Plaisirs inconnus), ce sont ‘ les DVD pirates qui ont permis au public chinois de découvrir le cinéma étranger ‘.Pour lutter contre le piratage, la brigade culturelle (Wenhuabu) fait parfois des descentes dans les échoppes. Mais, explique Chenglong, ‘ ils pourchassent plutôt les producteurs et les grossistes ‘ qui, eux, risquent la prison. Pour son magasin ­ qui lui rapporte 10 000 yuans par mois environ (1 000 euros), de quoi vivre correctement à Pékin ­, il lui suffit d’offrir quelques paquets de cigarettes et de l’alcool de riz pour s’attirer les bonnes grâces des inspecteurs. ‘ Ils ne sont venus qu’une fois ! On s’est arrangé ‘, dit-il. Bilan : ‘ 500 yuans, et ils n’ont emporté qu’une centaine de DVD sur les deux ou trois mille que j’ai en rayon ‘. Une sanction bien moindre que l’éventuel passage au tribunal et les 10 000 yuans d’amende prévus par la loi.Depuis que la Chine s’est engagée envers l’OMC (Organisation mondiale du commerce) à réduire la contrefaçon, des rafles d’usines illégales, suivies de destructions spectaculaires de millions de DVD sont médiatisées. La police augmente la pression, fermant temporairement ou définitivement des boutiques, comme dans le quartier de Xinjiakou à Pékin dont la quasi-totalité des points de vente a disparu. Revers de cet effort, cette répression a renforcé le système de relation et de corruption nécessaire à la bonne gestion dune boutique* (à Pékin)

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Raphaëlle Pienne et Georges Favraud*