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Slamming quand les FAI s’arrachent les abonnés

Pour gagner des clients, les revendeurs de certains FAI n’hésitent pas à s’emparer des lignes ADSL de personnes qui ne leur ont rien demandé. Une escroquerie qui fait chaque jour de nouvelles victimes…

Un beau jour, votre box ne répond plus. Vous la débranchez, la rebranchez ; rien à faire, vous n’avez ni accès à Internet, ni téléphone ! Vous êtes peut-être victime de slamming (en anglais, ‘ to slam
a door ‘
signifie ‘ claquer une porte ‘). Alors que vous ne lui avez rien demandé, un FAI qui n’est pas le vôtre s’est ‘ emparé ‘
de votre ligne ADSL : vous êtes victime de ce que les spécialistes appellent un écrasement de ligne. Pour vous, c’est un véritable parcours du combattant qui commence. Sans mail ni ligne téléphonique, vous devez joindre votre FAI d’origine afin
de lui demander de rétablir votre connexion. Une fois votre demande de réouverture reçue (par courrier), remplie et renvoyée, il ne vous reste plus qu’à prendre votre mal en patience… tout en veillant à ne pas faire exploser votre facture de
mobile en attendant le retour de vos autres moyens de communication !Les écrasements de lignes ne sont pas tous intentionnels. Certains sont dus à des erreurs humaines (voir encadré ci-contre). Mais les 434 plaintes reçues en 2006 par l’Afutt (l’Association française des utilisateurs de
télécommunications), les 500 plaintes envoyées à la DGCCRF (la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) pendant la même période et les quelque 1 300 procédures judiciaires initiées depuis la fin
2005 par les clients de Free victimes d’un autre FAI témoignent qu’en matière d’abonnement ADSL, certains opérateurs sont prêts à tout pour gagner de nouveaux abonnés. Notamment à soutirer la signature d’une personne en lui demandant de remplir une
demande de renseignements ou un bulletin de participation à un concours, puis à transformer ce document en contrat d’abonnement ADSL ; ou à piocher directement dans un annuaire ou sur un site un nom, une adresse et un numéro de téléphone :
ces trois éléments suffisent pour remplir une demande de dégroupage et l’envoyer à France Télécom ! L’opérateur historique, seul habilité à dégrouper les lignes, ne vérifie pas le bien-fondé des commandes : les techniciens qui effectuent
les branchements ne connaissent ni le nom des clients à dégrouper, ni celui des opérateurs qui en font la demande. Ils respectent ainsi une directive de l’Arcep (l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), mise en place
pour rassurer les FAI qui accusaient France Télécom de faire passer ses propres branchements avant ceux de ses concurrents. Ironie de l’histoire : aujourd’hui, certains de ces FAI aimeraient bien que France Télécom procède à des vérifications
pour éviter d’écraser à tort des lignes d’abonnés !Une fois en possession d’une nouvelle box et d’une nouvelle ligne, une partie des abonnés ‘ malgré eux ‘ préfèrent profiter d’une liaison qui fonctionne plutôt que d’entamer de
fastidieuses démarches pour la résilier puis rétablir leur connexion initiale. Des clients facilement gagnés par des opérateurs qui, bien sûr, nient avoir recours à cette pratique ! Le sujet semble d’ailleurs tabou chez nombre
d’opérateurs : certains FAI, comme Club-Internet, ne nous ont pas répondu ; d’autres, comme Neuf et Alice, nous ont affirmé que le slamming est uniquement dû à des erreurs humaines et non pas au démarchage sauvage de leurs
revendeurs ; et, d’une façon générale, la plupart des responsables que nous avons interrogés préfèrent parler en ‘ off ‘, sous le couvert de l’anonymat. Certes, France Télécom et Free condamnent
ces pratiques déloyales qui, non seulement, conduisent au ‘ vol ‘ de leurs clients mais ternissent aussi l’image de la profession ?” qui n’a pas besoin de ce mauvais point supplémentaire. Mais ils
ne vont pas jusqu’à dénoncer nommément les FAI coupables de telles pratiques…

Pas de sanction légale pour les FAI coupables de slamming

Les deux opérateurs ont informé l’Arcep et la DGCCRF à plusieurs reprises depuis 2004, l’époque à laquelle le slamming a commencé à toucher Internet (il est d’abord apparu sur le téléphone, quand France Télécom a perdu son
monopole… et pas mal de clients, qui ont alors changé d’opérateur malgré eux). Mais sur cet épineux problème, la mesure la plus récente de l’Arcep remonte à janvier 2005, soit plus de deux ans : elle oblige les opérateurs, en cas de
slamming, à rétablir leurs services gratuitement et dans les meilleurs délais. Une injonction que Free et France Télécom jugent trop frileuse. Le premier a en effet demandé des procédures de câblage express pour les victimes de slamming, qui ont été
refusées par l’Arcep. Quant à France Télécom, il a réclamé la mise en place d’un régime de pénalités qui sanctionnerait les opérateurs coupables de slamming. Une proposition proche de celle de l’Affut, qui milite pour la création d’un fonds de
compensation alimenté par les opérateurs, en fonction de leurs responsabilités.Mais à l’heure actuelle, aucun texte ne prévoit de dédommagement pour les ‘ slammés ‘ ni de sanction pour les ‘ slammeurs ‘. Pourtant,
chaque cas de slamming fait trois victimes : l’abonné, qui perd sa ligne ; France Télécom, qui doit effectuer les branchements en priorité ; le FAI, qui perd ses clients et doit rouvrir, à ses frais, la ligne de son abonné. Quant à
l’opérateur qui vole la clientèle de ses concurrents, il n’a rien à perdre : car même si le poisson qu’il a ferré ne mord pas à l’hameçon, c’est l’opérateur initial qui paiera le rétablissement du service ! En fait, l’opérateur sans
scrupule ne s’expose à des poursuites judiciaires que si la victime décide de porter plainte. Ce qui se produit trop rarement pour l’inciter à abandonner une pratique illicite, mais rentable.

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Anne Lindivat