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Se divertir ou conduire, il faut choisir

Après les téléphones mobiles, une multitude d’appareils électroniques envahit l’habitacle de nos véhicules. Au détriment de la sécurité ?

Mois de juillet, autoroute A6. Régulateur de vitesse réglé à 130 km/h, monsieur Martin jette un coup d’?”il sur son navigateur GPS qui lui signale un accident droit devant. Madame Martin, elle, n’a rien vu, trop absorbée par la rédaction de son courriel sur l’écran tactile de la console centrale. Et à l’arrière, tout est calme, les enfants regardent un film téléchargé en VoD.Ce scénario est pour demain, mais tout est déjà enclenché : téléphone mobile, GPS, lecteurs de DVD/DivX portables avec écrans intégrés et, le nec plus ultra, centrales multimédias (voir l’encadré ci-dessous), on se trouve en voiture de plus en plus comme dans le salon. Au risque d’oublier de regarder la route. D’ailleurs, qu’en est-il au juste de la sécurité ?Déjà, pour le seul téléphone portable (dont 44 % des conducteurs reconnaissent qu’il leur arrive de l’utiliser tout en conduisant), plusieurs études étrangères (notamment celle du British Medical Journal, 2003) convergent : téléphoner en conduisant, avec ou sans le kit mains libres, multiplie par quatre le risque d’accident. Un rapport établi en mars 2007 par l’Observatoire national interministériel de sécurité routière (en collaboration avec l’Inrets, Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité) estime que le téléphone portable représente ‘ un enjeu non négligeable pour la sécurité routière, à hauteur de 7 à 8 % du nombre de victimes ‘.Certains experts préconisent d’ailleurs son interdiction totale, y compris avec un kit mains libres. ‘ Le gouvernement a loupé le coche dans son projet de loi de 2003 qui comportait beaucoup de mesures de répression. Le téléphone a été oublié et son usage toléré avec un kit mains-libres, souligne Geneviève Jurgensen, porte-parole de la Ligue contre la violence routière. Quand on voit les proportions que cela a pris et si l’on consulte sérieusement les avis d’experts déjà à l’époque, on ne peut que regretter de ne pas l’avoir interdit. ‘

Quand les habitudes s’installent

Quant aux constructeurs, ils tiennent bon, en affirmant qu’il sera difficile d’inverser la tendance du marché. Pour eux, il est devenu inconcevable aujourd’hui de se séparer de son téléphone mobile quand on prend le volant. Se basant sur la loi qui en tolère l’usage avec le kit, les constructeurs automobiles et les équipementiers redoublent d’ingéniosité pour faciliter la manipulation du mobile : commandes vocales, affichage déporté du téléphone sur l’écran de la console centrale, etc. En 2002 apparaissait déjà la Smart Orange, aux couleurs de l’opérateur de téléphonie mobile, équipée d’origine d’un kit Bluetooth, d’un mobile Sony Ericsson T68i avec abonnement et services dédiés (info trafic, itinéraires…). Aujourd’hui, la plupart des marques automobiles proposent des modèles équipés en série d’un kit mains libres.Mais d’autres avancées technologiques laissent entrevoir de nouveaux enjeux. Les écrans sont désormais présents dans l’habitacle, via le GPS : 1,23 million d’exemplaires ont été vendus dans l’année 2006, et le double est prévu en 2007.

Le GPS serait déstressant

Une des rares études sur le GPS publiée en avril 2007 par l’institut de recherche TNO aux Pays-Bas, notamment pour le compte du fabricant TomTom (à prendre avec prudence, donc… ) affirme que l’usage du GPS renforce la vigilance du conducteur du fait qu’il est ‘ libéré ‘ du stress de chercher sa route. Nos confrères du magazine Auto Plus l’ont d’ailleurs confirmé dans un test effectué en mai dernier. A condition, bien sûr, de ne pas manipuler l’interface ni de regarder l’écran en roulant…D’autres écrans qui servent à tout autre chose (Internet, DVD ou DivX) sont attendus. Sont-ils utilisables par le conducteur en roulant ? Impossible, s’écrient de concert les constructeurs : ces appareils intègrent des dispositifs de sécurité censés arrêter automatiquement toute diffusion de contenu (excepté l’affichage du GPS) sur l’écran situé dans la console centrale dès lors que le véhicule quitte son stationnement. Concrètement, un autoradio affublé d’un écran LCD compatible DivX ne fonctionne que si le frein à main est tiré. Du moins en théorie. Car détourner la protection pour que chacun (y compris le conducteur) profite de la lecture d’un DVD sur la console centrale tout en roulant est un jeu d’enfant, de l’aveu même d’un constructeur que nous avons interrogé… et qui préfère conserver l’anonymat.Rien n’empêche de toute façon un conducteur bloqué dans un embouteillage de regarder en direct un match de football à partir d’un appareil nomade ou sur son mobile 3G.

Des dangers encore à l’étude

Sur ces nouveaux usages et leurs éventuelles implications dans les accidents de la route, il n’existe pas encore d’études. Et, exception faite du téléphone mobile, les actions de sensibilisation menées par les différents acteurs de la sécurité routière sont également au point mort. ‘ Le phénomène est trop récent en Europe, les experts n’ont pas assez de recul. De plus, l’alcool et la vitesse sont bien plus préoccupants ‘, affirme Geneviève Jurgensen. Même son de cloche du côté de la préfecture de police de Paris et du ministère des Transports. ‘ Je suis de plus en plus souvent confronté à ce nouveau type de comportement : consultation de contenus sur un téléphone mobile, manipulation d’ordinateur portable, de PDA, de GPS…, nous confie un motard de la police nationale. A l’avenir, il faudra peut-être remettre au goût du jour l’article R412-6 du code de la route selon lequel tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les man?”uvres qui lui incombent. ‘

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