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Profession chercheur

Dans des laboratoires publics ou dans des entreprises privées, des chercheurs en informatique travaillent à repousser les limites du possible. Un métier qui mêle imagination et méthode.

‘ J’ai inventé la mémoire. ‘ En 1945, au laboratoire d’informatique de l’université de Cambridge, Maurice Wilkes construisit le premier ordinateur capable de stocker des données. L’engin occupait quelque 20 m2 et avait selon son inventeur ‘ de bons et de mauvais jours ‘. Maurice Wilkes est l’un de ces inventeurs géniaux qui ont marqué l’histoire de l’informatique. On a connu depuis bien des bonds technologiques, mais toutes ces invention sont un point commun : elles sont sorties de l’imagination fertile de chercheurs.Il faut distinguer la recherche publique de la recherche privée. La première a lieu dans des laboratoires de l’université ou d’organismes publics, tels que l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria). Les universités, mais également les IUT ou les écoles d’ingénieurs, comptent dans leurs équipes des chercheurs un peu particuliers : les enseignants-chercheurs, qui, comme leur nom l’indique, partagent leur temps entre l’enseignement et la recherche. D’autres, à l’issue de leur parcours universitaire, se dirigent vers le privé, où ils sont recrutés par des constructeurs, des éditeurs ou des opérateurs, dans leurs départements recherche et développement (R&D).Leurs travaux s’inscrivent dans les besoins stratégiques de l’employeur. S’étant rencontrés sur les bancs de l’université, chercheurs du public et du privé continuent d’entretenir des liens professionnels, d’autant plus que les partenariats entre les deux mondes sont de plus en plus courants.A noter qu’on fait également une distinction entre recherche fondamentale, qui cherche à produire de nouvelles connaissances sans se soucier d’applications immédiates, et recherche appliquée, aux objectifs pratiques. Une chose est sûre : sans chercheur, l’innovation s’arrête net

Un expert des langages

Emmanuel Chailloux, enseignant-chercheur à l’université Paris VI, 46 ansAlors qu’Emmanuel Chailloux poursuit un DEA de mathématiques, il se lance dans un cursus d’informatique, cette matière l’ayant toujours passionné. Ses deux DEA en poche, Emmanuel aurait pu rejoindre le privé. Mais il décide de suivre la voie universitaire : il soutient une thèse à l’issue de laquelle il obtient un poste d’enseignant-chercheur dans un laboratoire universitaire d’informatique. Enseignant-chercheur, Emmanuel divise son temps entre l’enseignement et la recherche au sein du laboratoire ‘ Preuves, programmes et systèmes ‘. ‘ Je développe des langages ou des extensions de langage pour écrire plus facilement des algorithmes qui soient plus sûrs et qui contiennent moins d’erreurs ‘, résume Emmanuel. Il a en particulier travaillé sur le langage Caml utilisé dans le monde universitaire et dans des centres de recherche privés.Au cours d’une journée type, Emmanuel passe beaucoup de temps devant l’ordinateur, à lire des courriels et des articles et à programmer des lignes de code. La vie du labo est rythmée par des séminaires où les chercheurs présentent leurs projets au reste de l’équipe. Plus tournées vers l’extérieur, les publications et les conférences internationales sont une autre façon de partager sa recherche. C’est aussi grâce à cette production que l’université juge les chercheurs. L’enseignement occupe l’autre moitié du temps d’Emmanuel. ‘ Transmettre des choses issues de la recherche est motivant pour moi et pour les étudiants. Ils voient s’ils ont envie de faire eux-mêmes de la recherche ‘, explique-t-il. Il cite volontiers le prix Nobel de physique Claude Cohen-Tannoudji : ‘ Une recherche sans effort de transmission devient stérile et l’enseignement doit être vivifié par la recherche. ‘ Les deux activités se complètent. Rien de commun, pourtant, entre un cours de première année devant plus de 200 étudiants et un cours de cinquième année ou la direction d’une thèse qui s’apparente à une forme de recherche

Un passionné de l’innovation

Michel Plu, chercheur chez France Télécom, 39 ans‘ La tête dans les nuages, les pieds sur terre. ‘ C’est ainsi que Michel Plu, ingénieur R&D chez France Télécom, décrit son travail. Michel n’était pas parti pour faire de la recherche. Après un bac+5, il se lance dans la vie active. Il débute à l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), où il conçoit des logiciels pour les chercheurs. Puis son service militaire l’amène à travailler dans un centre de recherche. Son profil intéresse France Télécom, qui l’intègre en 1992 dans ses équipes de R&D. ‘ Sans thèse, il me manquait une méthode de base et une intégration dans le tissu académique. Mais j’ai rattrapé ces lacunes, car j’ai toujours été passionné par l’innovation ‘, raconte Michel Plu. Il se sent à l’aise dans l’industrie car, dit-il, ‘ les besoins de l’entreprise cadrent notre activité. On a la liberté de rêver, mais il faut produire des démonstrations de faisabilité ‘. Car les chercheurs présentent leurs travaux aux Unités d’affaires de France Télécom, en particulier lors du Salon des résultats de la recherche. Les rencontres entre les chercheurs et les ingénieurs permettent d’orienter la recherche dans des directions concrètes. Comme leurs collègues universitaires, les chercheurs du privé sont aussi encouragés à publier des articles. ‘ La recherche isolée, c’est impossible ‘, affirme Michel. Responsable d’une unité qui comprend deux ingénieurs et une étudiante en thèse, Michel passe une partie de son temps à animer l’équipe lors de réunions communes ou individuelles. Quand il ne conduit pas ses propres travaux ?” l’indexation d’images personnelles est son sujet du moment ?”, il doit aussi partir à la recherche de financements et de partenariats, en particulier européens. Les qualités du chercheur ? ‘ Il faut aimer rêver et s’intéresser à beaucoup de choses, car les découvertes viennent par hybridation. Il ne faut pas avoir peur de l’inconnu. ‘

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Isabelle Boucq