Processeurs : la nouvelle course à la puissance

Turbulences chez Intel… Il y a un an, Pat Gelsinger, vice-président et ‘ gourou ‘ du fondeur de microprocesseurs, annonçait une petite révolution. La firme devait se préparer à
abandonner la course au gigahertz. ‘ En augmentant sans cesse la fréquence des processeurs pour améliorer leurs performances, nous suivons une mauvaise voie, affirmait-il. La chaleur dégagée sur un
centimètre carré de nos processeurs Pentium est déjà supérieure à celle dégagée par une assiette chaude. En poursuivant l’accroissement de la fréquence des puces sur le même rythme que ces dernières années, nous atteindrions la chaleur de la surface
du soleil en 2010, et ce n’est pas possible ! ‘. Il ne croyait pas si bien dire. Au début de l’année 2004, on pensait que le Pentium 4 passerait au-dessus des 4 GHz : cela n’a pas été le cas. Le PDG d’Intel a
dû présenter ses excuses (à genoux !) à ses clients au début du mois de septembre. Il faut dire que les procédés de fabrication des processeurs exigent de jongler avec contraintes de plus en plus importantes. D’un côté, la finesse de gravure
(exprimée en nanomètres, ou nm) doit sans cesse baisser pour faire tenir un nombre toujours plus important de transistors dans un espace constant. De l’autre, la chaleur dégagée par le processeur, dont la fréquence (donc la consommation électrique)
augmente, doit rester raisonnable. Si bien qu’Intel, AMD et IBM ont délaissé la course aux gigahertz pour s’investir dans une nouvelle mission, celle d’optimiser leurs processeurs : 64 bits, calculs distribués, travail en parallèle,
optimisation de la consommation… tous les moyens sont bons pour calculer plus vite sans augmenter la fréquence. Certains, comme HP, imaginent même d’abandonner à moyen terme le transistor dans les processeurs. Dans le Journal of
Applied Physics, le fabricant a démontré qu’une molécule pouvait ‘ contrôler ‘ des signaux électriques sans l’aide de transistors…

Distribuer les calculs

Conçu par IBM, Sony et Toshiba, le Cell repose sur une approche totalement nouvelle du traitement des données. Chaque Cell contient un processeur ‘ principal ‘ 64 bits semblable aux
PowerPC qui équipent actuellement les Mac G5 et huit processeurs ‘ secondaires ‘, les Synergistic Processor Element (SPE). Ces derniers n’ont pas accès à la mémoire principale de la machine, mais sont
équipés de 256 Ko de mémoire dédiée qui leur permet d’effectuer leurs calculs. L’ensemble, qui fonctionne à une fréquence supérieure à 4 GHz est, théoriquement, dix fois plus rapide que le plus rapide des processeurs PC actuels. Mais
l’originalité du Cell ne s’arrête pas là. En effet, ce processeur, qui équipera les futures consoles PlayStation 3 de Sony, des stations de travail d’IBM et des téléviseurs Toshiba, peut travailler ‘ en
équipe ‘. Lorsque la capacité de traitement d’un seul Cell est insuffisante, d’autres Cell (présents sur la machine la PS3 est équipée de quatre Cell ou sur un réseau local) prennent le relais. Les informations à traiter
ainsi que les opérations à effectuer sont encodées dans un ‘ apulet ‘, un paquet de données, qui est transmis au Cell disponible le plus proche. On peut ainsi imaginer un réseau local avec un
ordinateur, une console de jeux, un PDA, un téléviseur, tous équipés d’un ou plusieurs Cell, et qui se partagent les calculs à effectuer en fonction des sollicitations de l’utilisateur : c’est l’informatique
‘ distribuée ‘.

Travailler en 64 bits

Depuis les années 80 et l’apparition du 386 Intel, les processeurs pour micros travaillent avec un adressage et des registres de 32 bits. Passer à une architecture 64 bits permet de gérer davantage de mémoire vive
(1 000 Go au lieu de 4 Go) et de manipuler des ‘ mots ‘ deux fois plus longs, donc deux fois plus de données dans le même temps. En 2003, IBM et AMD ont lancé les premiers processeurs 64
bits pour ordinateurs grand public (respectivement, le G5 utilisé par Apple et l’Athlon 64, dérivé de l’Opteron). Intel, après avoir longtemps dénigré l’apport du 64 bits, vient aussi de s’y mettre. Dès la fin février, le fondeur devrait sortir sa
gamme 6xx déclinée en cinq versions : 630 (3 GHz), 640 (3,2 GHz), 650 (3,4 GHz), 660 (3,6 GHz) et 670 (3,8 GHz). Seul problème, pour exprimer pleinement son potentiel, l’architecture 64 bits doit être employée avec un
système d’exploitation et des logiciels compatibles. Et, pour l’instant, hormis quelques jeux comme Far Cry, peu de logiciels sont parés pour le 64 bits. Cela devrait changer avec la sortie de Windows XP Edition x64 en milieu
d’année (lire les Tendances) et d’Office 64 bits en… 2006 !

Multiplier les c?”urs

On déplace plus facilement des objets avec deux mains qu’avec une seule. Cela s’applique aussi aux données et aux microprocesseurs. Plutôt que d’augmenter la puissance de traitement élémentaire de leurs puces, les fondeurs ont
conçu des circuits contenant plusieurs processeurs travaillant en parallèle. Avec deux processeurs (on parle de ‘ double c?”ur ‘ ou de ‘ dual core ‘, en
anglais) dans une puce, on multiplie ses performances par deux ou presque , sans pour autant en augmenter la fréquence. Les premiers modèles ‘ dual core ‘ vont prochainement débarquer sur les étals
pour le grand public. Intel devrait sortir, au deuxième trimestre 2005, un Pentium Extreme Edition dual core avec hyperthreading capable d’effectuer quatre calculs simultanément. AMD, qui a déjà présenté une puce Opteron dual core pour les serveurs,
suivra au second semestre 2005 avec le Toledo, un processeur haut de gamme équivalent de l’Athlon 64 FX, et début 2006 avec le Windsor. Si le dual core permet d’augmenter significativement la puissance des puces, il ne résout pas un autre
problème : leur consommation électrique. Le Smithfield, le processeur dual core d’Intel pourrait ainsi nécessiter jusqu’à 130 watts ce qui le transformera, de fait, en petit radiateur !

Optimiser la consommation

Pour diminuer la consommation électrique des portables et donc accroître leur autonomie tout en conservant une bonne puissance de calcul, Intel a conçu, il y a plus d’un an, un
‘ couple ‘ comprenant un processeur et un chipset (l’ensemble des circuits qui gèrent les échanges entre les différents composants de l’ordinateur). Baptisée Centrino, cette plate-forme apporte un gain
évident d’autonomie (près de 4 heures en bureautique). Le processeur consomme en effet seulement 30 watts là où les processeurs de bureau en demandent près de 100. Mieux encore, en exploitant une architecture optimisée du Pentium III, le Pentium-M
de Centrino s’avère aussi performant qu’un Pentium4 cadencé à une fréquence plus élevée ! En 2005, Centrino évolue. Baptisé Sonoma, Centrino 2 apporte des améliorations notables comme la gestion de la mémoire DDR-2 (moins rapide, mais dont la
consommation est plus faible que la DDR classique). Et AMD s’engage dans une voie similaire : le fondeur devrait commercialiser cette année une plate-forme basse consommation pour portables baptisée Turion, sans rogner sur la puissance de
calcul.

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Alain Steinmann