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Pourquoi la mémoire flashe-t-elle ?

Comment la mémoire flash peut-elle retenir des informations sans qu’il soit nécessaire de l’alimenter électriquement ? Elle nous l’explique dans une interview virtuelle.

Mémoire flash, bonjour. Ravi de vous revoir, puisque nous nous sommes déjà rencontrés il y a quatre ans (*). Vous avez connu depuis un incroyable succès…Ce succès est surtout celui des clés USB, des baladeurs MP3, des téléphones mobiles, des appareils photo numériques, des PC de poche ou encore des GPS. Mais, effectivement, on fait de plus en plus appel à moi, dès lors qu’il s’agit de
stocker des informations sur un petit appareil mobile. Rien de très glorieux cependant : brancher une clé USB sur un PC pour y copier des fichiers, ou glisser une carte mémoire dans un appareil photo numérique est devenu un geste très banal. Je
crois que l’on m’utilise désormais sans vraiment s’en rendre compte, et que je n’intrigue plus personne.Détrompez-vous. Beaucoup de gens s’interrogent sur la façon dont vous vous y prenez pour conserver des données. Vous êtes donc une mémoire. Mais de quel type ?Je fais partie de la famille des mémoires dites ‘ non volatiles ‘, en anglais, Non-Volative Memory ou NVM. Cela signifie que je suis capable de
conserver les données que l’on stocke en moi, que je sois ou non alimentée électriquement. C’est le même principe qu’avec un disque dur, un CD ou un DVD. Sauf que je n’utilise pas de technologie magnétique ou optique : je suis une mémoire à
semiconducteurs, c’est-à-dire, en fait, un circuit électronique.Etes-vous de la même famille que la mémoire vive que l’on trouve à l’intérieur des PC ?Oui et non. La mémoire vive des PC est, elle aussi, constituée de circuits électroniques, mais elle est… volatile, justement. Coupez le courant, et vous perdez ce qu’elle contient. En ce qui me concerne, je suis donc non
volatile mais par ailleurs, sachez que je ne suis pas réinscriptible à l’infini. Toutefois, je préfère aborder ce point un peu plus tard, après vous avoir expliqué en détail comment je fonctionne. Partons, si vous le voulez bien, du petit dessin que
voici (voir shéma sur la page de droite, en bas).Que représente ce dessin ?Il s’agit là de la représentation, en coupe schématique, de l’une de mes cellules de base. Cette cellule correspond ?” d’un point de vue logique ?” à un bit d’information, c’est-à-dire soit un 0, soit un 1. Comme vous
pouvez le voir sur le dessin, une cellule comporte plusieurs éléments : la source, le drain, le substrat, la grille de contrôle, la grille flottante et des sections qui séparent les grilles.Physiquement, ces éléments sont composés de toutes sortes de matériaux : du silicium, de l’oxyde de silicium, des métaux… Le plus intéressant est ce qui se passe entre ces éléments, lorsqu’un circuit électrique est formé
avec les trois lignes source, mot et bit ?” ce sont en quelque sorte des fils électriques ?”, et que l’on fait passer du courant dans la cellule. Car le courant, ce sont des électrons qui bougent. Et les électrons sont l’essence même de
ma mémoire.Le fait que l’une de vos cellules corresponde à un 0 ou à un 1 est donc lié à la présence ou à l’absence d’électrons ?Exactement ! Et précisément sur la grille flottante que vous voyez sur le dessin. Cette grille est l’élément primordial d’une cellule de mémoire flash, car elle est capable de retenir des électrons indépendamment de la présence
ou non de courant électrique. Ainsi, je peux conserver de façon permanente une information binaire dans une cellule. Le principe est simple : si la grille flottante contient une charge d’électrons, la cellule contient un 0 logique. Sinon, c’est
un 1.Comment sait-on si la grille flottante est chargée en électrons ou non, et donc si la cellule contient un 0 ou un 1 ?Le système qui contrôle la mémoire forme un circuit électrique avec les trois lignes, et fait passer du courant en fonction d’un schéma précis qui permet alors de ‘ lire ‘ le contenu de
la cellule.Si la grille flottante lue est chargée en électrons (c’est un 0 logique, je vous le rappelle), la conception du circuit et le voltage appliqué aux différentes lignes font que le courant passe entre la ligne de source et la ligne de
mot. Il n’y a rien sur la ligne de bit.Le système qui contrôle la mémoire sait alors que la cellule contient un 0. Si la grille flottante n’est pas chargée en électrons (c’est un 1 logique), les électrons passent de la source au drain à travers le substrat. Il y a alors du
courant sur la ligne de bit : le contrôleur mémoire sait donc que c’est un 1 ! Comme vous le voyez, c’est assez simple… puisque très binaire.Pour écrire un 0 ou un 1 dans une cellule, il faut donc forcer des électrons à aller dans la grille flottante ou à s’en retirer ? Comment fait-on ?On forme également un circuit électrique entre les trois lignes, et on fait passer du courant selon le schéma d’écriture. Ce schéma stipule qu’il faut appliquer un courant d’une tension beaucoup plus élevée que pour la lecture, soit
sur la ligne de mot (pour écrire un 0), soit sur la ligne de source (pour écrire un 1). Dans les deux cas, cela a pour effet de forcer les électrons à s’amasser dans la grille flottante ou à s’en extraire, grâce à un phénomène physique qui s’appelle
l’effet tunnel Fowler-Nordheim. Ecrire et lire une cellule de mémoire flash, c’est donc une simple histoire de circuits à former et de courants électriques à appliquer… Pour former des octets, des kilo-octets, puis des mégaoctets de mémoire,
j’ai évidemment de très nombreuses cellules, assemblées dans un réseau matriciel complexe. Au passage, notez que les lignes et les colonnes de ce réseau sont… les lignes de mot et les lignes de bit de chaque cellule ! Vous voyez, ce
n’est pas si compliqué.C’est bien beau, ces électrons capturés dans la grille. Mais combien de temps peuvent-ils y rester ?Vous voulez savoir quelle est la durée de conservation des données sur une mémoire flash ? Mes constructeurs parlent de dix ans, voire vingt ans pour certaines technologies de mémoire. On évoque même une centaine d’années si la
mémoire est conservée à température ambiante ! Franchement, je vous garantis dix ans. Pour le reste, c’est un peu de la spéculation.Ce qui est certain, c’est que si vous tenez vraiment à vos photos numériques stockées sur une carte de mémoire flash, mieux vaut en faire une copie sur disque dur ou sur CD. Ne serait-ce que parce que vous pouvez perdre la
carte…Vous aviez mis de côté la question concernant la réinscription des données. Combien d’écritures successives supportez-vous ?En fait, mon ‘ endurance ‘ (c’est le terme consacré) est généralement évaluée par mes constructeurs à 10 000 ou 100 000 cycles d’écriture selon le type de mémoire flash.
Attention : pris tels quels, ces chiffres ne veulent rien dire. Il s’agit du nombre de cycles de programmation des cellules, c’est-à-dire le fait de mettre ou d’enlever des électrons de la grille flottante. Cela ne prend pas en compte la taille
des fichiers et les différentes techniques d’optimisation mises en ?”uvre par les contrôleurs de mémoire. Pour vous faire une idée de ce que 10 000 cycles représentent réellement, Toshiba, l’un de mes constructeurs, fournit des exemples plus
parlants. Sur une carte de mémoire flash de 256 Mo, il estime que l’on peut stocker 250 photos prises avec un appareil photo numérique de 4 mégapixels. Les 10 000 cycles correspondent alors à l’écriture d’approximativement 2,5 millions de
photos. Et sur une clé USB, une endurance de 10 000 cycles permettrait d’écrire et d’effacer l’intégralité de la capacité de la clé une fois par jour, pendant 27 ans. Comme vous le voyez, la marge est grande. Vous pouvez donc me faire
confiance, vous pourrez mutiliser pendant de nombreuses années(*) voir Micro Hebdo numéro 223-224, page 38

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Jean-Marc Gimenez