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Payés pour jouer

Au Mondial du Gaming 2008, tournoi international de jeux vidéo, les champions qui s’affrontent sont presque tous des joueurs professionnels.

Les gradins de la scène centrale, réservée aux combats ultimes, ne sont pas encore remplis. Pour l’heure, les acclamations des 30 000 spectateurs proviennent des arènes situées derrière. Agglutinés le long des barrières, les supporters encouragent leurs champions, casques-micros vissés sur la tête. C’est dans le Palais omnisport de Bercy surchauffé que se déroule le Mondial du Gaming 2008. Ce tournoi international de jeux vidéo attire, pour sa troisième édition, 750 joueurs issus de 50 pays, motivés par les 45 000 euros de prix à se partager. Particularité de ces gladiateurs du jeu vidéo : la plupart sont des professionnels.

À chaque joueur son jeu de prédilection

Parmi les participants, la Packard Bell Team est l’unique équipe professionnelle française. Lancée en novembre 2007, elle est dotée d’un budget annuel de 200 000 euros par le constructeur. A la différence des équipes étrangères comprenant des spécialistes individuels et des groupes pour le jeu à plusieurs, la formation tricolore ne compte que trois membres. Chacun avec son jeu de prédilection : Adrien, alias Dridrione, 20 ans, excelle à Trackmania, l’un des jeux de conduite les plus populaires ; Jérémy, alias Droodie, 23 ans, est champion des pelouses virtuelles sur Pro Evolution Soccer (PES), célèbre simulation de football ; Grégory, alias Faculma, 23 ans, collectionne les tirs mortels dans Quake, un jeu de tir en vue subjective.Loin d’être asociaux ou schizophrènes, les joueurs français sont des jeunes comme les autres. Dridrione justifie ainsi ses mauvais résultats récents : ‘ Entre le permis de conduire et la réussite de ma licence d’ethnologie, j’ai dû lever le pied sur l’entraînement. ‘ Et Faculma d’enchaîner : ‘ Pour moi, ça a été dur aussi parce que je fais une école d’ingénieur en informatique. Mais je crois qu’on vit un rêve : on est quasiment payés pour jouer. En plus des primes de matchs, le matériel nous est offert ! ‘ Droodie, lui, a carrément pris une année sabbatique pour se concentrer sur sa carrière de gamer. ‘ Je voudrais conserver mon titre de champion de France de PES et conquérir celui de champion du monde ‘, avoue-t-il. Et, pourquoi pas, entrer dans la Major Gaming League américaine ou décrocher un contrat en Asie. Là-bas, la profession de joueur rapporte des salaires tout à fait convenables. L’ex-champion français de Starcraft, Bertrand Grospellier, alias Elky, peut en témoigner. Il s’est expatrié en Corée du Sud un peu plus de deux ans, pour un revenu mensuel moyen de 8 200 euros et des primes de match de 5 000 euros. Aux Etats-Unis, les salaires varient entre 6 800 et 8 500 euros par mois, sans compter les avantages en nature : matériel informatique, périphériques et logiciels.

Coachés comme de vrais sportifs

Au fur et à mesure des matches, la tension monte. Au-dessus des arènes, un écran répercute en temps réel les scores ainsi que le classement général. L’objectif des joueurs : monter sur la scène centrale où se dérouleront les finales, notamment celle de la Coupe de France. Celle-ci sera disputée dans les différentes disciplines (Counter-Strike, Warcraft 3 ou encore Trackmania). Elle sera suivie de la phase finale française de l’ESWC (Electronic Sport World Cup), la Coupe du monde des jeux vidéo. Les gagnants participeront à la grande finale à San José aux Etats-Unis.Les athlètes électroniques, comme dans toute équipe sportive, sont suivis par un entraîneur. Julien, 25 ans, alias TontonXX, coache la Packard Bell Team. Venu du haut niveau amateur, il connaît bien les problèmes des joueurs : ‘ Je les accompagne sur les LAN parties [tournois en réseau local, Ndlr] ou sur les tournois en ligne. Je prends en charge tous les aspects logistiques et financiers pour qu’ils ne se concentrent que sur le jeu. Je joue aussi les stratèges et je suis leur manager pour un objectif unique : la victoire. ‘TontonXX a pris en charge le recrutement des membres de la Packard-Bell Team. ‘ En 2005, la marque est devenue partenaire de l’ESWC, la création d’une équipe est venue d’elle-même. J’ai donc écumé les tournois amateurs et les grosses LAN parties. Dans le dernier carré, on retrouve toujours les mêmes personnes. Dans la grosse centaine de candidats disponibles, j’ai choisi des personnes équilibrées ayant une vie sociale riche. ‘

Une courte mais belle carrière

Derrière un discours axé sur la personnalité des joueurs, les membres de la Packard-Bell Team possèdent aussi un sacré palmarès. Droodie, footballeur virtuel, a remporté de nombreux tournois régionaux et la Coupe de France 2008. Faculma, tireur d’élite sur Quake 3 et 4, a gagné la Coupe de France 2007 et quantité de tournois en réseau. Dridrionne, pilote émérite sur les tracés accidentés de TrackMania, a décroché la Coupe de France 2006 et a terminé troisième à la Coupe de Monde.En pleine vie rêvée, les membres de la Packard Bell Team s’inquiètent pour leur avenir. Réalistes quant à la limite d’âge, ils se sentent ‘ vieux ‘ par rapport à la jeune génération. ‘ Comme partout, je ne pense pas qu’on puisse rester en haut du classement sur le long terme ‘, lance Faculma. La carrière d’un joueur de jeux vidéo est comparable à celle des sportifs de haut niveau : elle dure au maximum dix ans. Les réflexes nécessaires s’émoussent avec le temps tandis que les champions sont de plus en plus jeunes. Sur les autres continents, d’anciens joueurs se reconvertissent dans le coaching des futurs professionnels. D’autres se tournent vers le design ou la programmation de jeux vidéo. En attendant la retraite de ses joueurs, Packard Bell envisage d’agrandir et de féminiser son équipe, dès lan prochain

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Cyril Valent