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Méfiez-vous des contrefaçons

La contrefaçon ne se limite plus aux grandes marques du luxe mais concerne de plus en plus le matériel high-tech. Internet est devenu la plaque tournante de ce trafic.

La saisie au mois de juillet dernier de quatre chargements de matériels électroniques contrefaits ?” barrettes mémoire, clés USB, lecteurs MP3, batteries, téléphones portables ?” à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle est révélatrice de l’ampleur du phénomène. Les douaniers ont fait main basse sur près de 22 000 produits high-tech illicites en provenance de Chine. Un record, selon la Direction générale des douanes, qui parle d’un volume exceptionnel d’une valeur estimée à 1,8 million d’euros au total. Des chiffres qui, pour être réalistes, seraient à multiplier par trois pour toute la période estivale. Du jamais vu ! La contrefaçon sévit dans tous les domaines ?” bien au-delà des produits de luxe ?” et les chiffres témoignent de la gravité du problème. Au cours de l’année 2007, les services des douanes français ont saisi 4,6 millions d’articles de contrefaçon d’une valeur globale de 401 millions d’euros (+ 15 % par rapport à 2006). Dans le monde, les copies illégales se comptent par milliards. Dans les faits, elles circulent pour une large majorité sur les sites marchands ou d’enchères accessibles à tous les particuliers. Un marché parallèle qui explose en 2008 sur les secteurs de l’électronique, de la téléphonie et du petit matériel informatique.Les raisons de cet afflux sont à chercher du côté du réseau Internet qui favorise l’écoulement des marchandises sur un marché mondialisé. Le Web abolit les distances et facilite les transactions.

2007 : 17 % de saisies de contrefaçons en plus

Chacun peut commander de chez lui des produits illicites à prix cassés et se les faire livrer à domicile. Les services de surveillance du site PriceMinister ont ainsi détecté de nombreux exemples, comme des iPhone vendus entre 90 et 150 euros, des iPod à 80 euros (certains même à partir de 20 euros !), ou encore de faux téléphones portables Nokia N95 ou N96 ‘ bradés ‘ à 200 euros. De plus, l’envoi de marchandises par la poste ou par le fret express simplifie les opérations. En 2007, les douanes ont enregistré plus de 43 000 interventions de saisie de produits de contrefaçon aux frontières de l’Union européenne, contre 37 000 en 2006 (+ 17 %). Pourtant paradoxalement, le nombre d’articles saisis est inférieur, du fait de l’augmentation des ventes par Internet et des envois en petite quantité par colis express ou postal. Quant à la provenance des articles, le constat est sans appel. 60 % de la marchandise confisquée provient de Chine, premier point d’approvisionnement en Europe (source CE).Prix attractifs, origines incertaines, le matériel électronique illicite qui fleurit sur la Toile est issu d’un piratage très actif qui cible les produits phares du moment. Les industriels d’Asie du Sud-Est sont à l’affût des dernières nouveautés, prêts à les copier dans des délais très courts. Aussitôt mis en vente sur Internet, les articles trouvent preneur auprès de réseaux de revendeurs ou de particuliers qui n’hésitent pas à enfreindre la loi pour écouler ces lots douteux au meilleur prix. Fort de cette constatation, le site marchand PriceMinister a fait de la lutte contre la contrefaçon son cheval de bataille. Il ressort d’une étude statistique menée par Benoît Tabaka, le responsable des affaires juridiques du site, que 30 % des produits contrefaits bloqués par ses services font partie de la rubrique Informatique et téléphonie : ‘ Sur les huit premiers mois de l’année, nous avons détecté un nombre important d’offres de faux iPhone et iPod d’Apple. Puis viennent ensuite des copies de logiciels Microsoft, des fausses cartes mémoires Sony et des téléphones portables, Nokia en tête. La contre-façon concerne surtout les articles phares et de haute technologie de ces marques. Notre enquête démontre que les vendeurs de produits contrefaits s’alimentent à 83 % sur Internet. ‘ Ces vendeurs peu scrupuleux passent d’un site à l’autre, sous couvert de différents pseudonymes, pour écouler leur marchandise. ‘ Nous les repérons facilement et avant d’autoriser la vente, nous leur demandons des factures prouvant l’origine des produits. Si celles-ci sont douteuses ou inexistantes, nous bloquons leur compte ‘, assure Benoît Tabaka.Pour différencier les copies des produits des marques d’origine, certains indices peuvent mettre la puce à l’oreille. Le prix tout d’abord, qui, s’il est affiché à ?”30 ou ?”50 % de celui du produit original, est un indicateur significatif de contrefaçon. Puis l’origine, avec une méfiance toute particulière pour tout produit provenant de Chine. Les usines chinoises sont devenues les premières pourvoyeuses de marchandises contrefaites. La crédibilité de la marchandise enfin, avec un design plus ou moins bien imité, des logos vaguement ressemblants, voire inventés, et une technologie médiocre. Des détails facilement repérables pour un ?”il vigilant. Les services des douanes constatent que les contrefacteurs font preuve de beaucoup d’imagination. ‘ On ne compte plus les imitations pour le moins fantaisistes d’appareils, dans des couleurs improbables et portant des marques surprenantes. Ainsi, nous avons saisi un lot de téléphones siglés Porsche ou Ferrari, et des lecteurs MP3 de la marque… BMW ! ‘, révèle Alexis Buliard, adjoint au directeur des douanes de Roissy Fret.

Douanes, entreprises et justice mobilisées

La Direction générale des douanes est sur la brèche et les contrôles se multiplient dans les aéroports, plates-formes de transit du transport express.‘ La saison estivale a été très prolifique. Nous avons multiplié les saisies dans des proportions étonnantes au regard du type de matériel appréhendé. Les copies d’appareils électroniques sont entrées dans une phase ascendante qui n’est pas près de s’arrêter, surtout avec les fêtes de Noël en perspective ‘, ajoute Alexis Buliard. Les douanes collaborent étroitement avec les marques qui leur fournissent des indications sur les livraisons. La coopération avec les entreprises est de plus en plus fructueuse, avec pour l’année 2007 plus de 10 000 demandes d’interventions douanières en Europe (contre 7 000 en 2006) pour des cas de suspicion de contrefaçon. Cela a représenté 80 % des interventions.L’Unifab, Union des fabricants, par la voix de son président, Marc-Antoine Jamet, dénonce un marché de niche qui met en péril les valeurs de qualité, de garantie, de sécurité, au profit d’effets de mode et d’évolution des produits. ‘ L’addition Internet + carte de crédit + transport express a dopé un modèle marketing basé sur l’escroquerie dans un marché parallèle très organisé. La répression s’est renforcée, mais les mentalités des consommateurs doivent évoluer. ‘Conjointement au très récent Plan français anti-contrefaçon initié par le gouvernement, l’Observatoire européen anti-contrefaçon vient de voir le jour impliquant les 27 pays de l’Union européenne. Les services des douanes européennes lancent des actions communes dans les ports et les aéroports, tout en renforçant leur coopération avec les institutions et les acteurs économiques. Douanes, entreprises, justice, la mobilisation est générale et les sanctions s’alourdissent.De leur côté, les fabricants contre-attaquent. En mai dernier, un réseau de fournisseurs et distributeurs de fausses licences d’utilisation Microsoft a été condamné à 1,83 million d’euros d’amende par la Cour d’appel de Paris, écopant respectivement de 4 et 6 mois de prison ferme. De quoi donner à réfléchir aux contrevenants qui sont dans la ligne de mire de l’Unifab, dont Microsoft est membre. Sur Internet, les sites marchands mettent en place des contrôles de détection censés décourager les vendeurs malhonnêtes ou inconscients. Il ne s’agit pas de tomber dans le travers du site d’enchères eBay qui s’est vu infliger une amende de 40 millions d’euros pour contrefaçon et violation du principe de distribution sélective (le préjudice portait sur des produits de luxe du groupe LVMH). PriceMinister, fer de lance de ce grand ménage, souhaite que les autres acteurs du Web s’alignent avec la même vigilance sur cette stratégie. Et au bout de la chaîne, un appel à la conscience citoyenne de chacun ne sera pas de trop pour endiguer ces vagues colossales de produits contrefaits qui s’abattent sur les marchés occidentaux.

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Frédérique Crépin