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Les sceptiques du vote électronique

Les 22 avril et 6 mai prochains, environ 1,4 million d’électeurs devront non pas glisser une enveloppe dans l’urne, mais appuyer sur le bouton d’une machine.

Adopté par quatre-vingt-deux communes dont Saint-Malo, Le Havre, Brest, ou encore Bourges, le vote électronique n’est pas sans soulever des inquiétudes, comme le montrent les 53 000 signatures déjà recueillies par la pétition du site Ordinateurs-de-vote.org pour le maintien du vote papier. Ou encore le moratoire réclamé par le parti socialiste au ministre de l’Intérieur, demandant ‘ d’interdire toute utilisation de machines à voter lors des échéances présidentielles et législatives ‘.Pourquoi une telle défiance ? Chantal Enguehard, maître de conférences à l’université de Nantes, l’explique en partie dans un rapport publié en juillet 2006 :‘ A aucun moment, l’électeur ne peut vérifier que son vote a été effectivement bien noté […], ni participer au dépouillement puisque l’ordinateur le réalise en toute opacité sans possibilité de vérifier ses résultats. ‘Mais la principale interrogation concerne la fiabilité et la sécurité. Ainsi, deux des trois machines validées par le ministère de l’Intérieur, l’iVotronic de l’américain ES&S et le Point &Vote de l’espagnol Indra Sistemas, ont déjà fait l’objet d’incidents à l’étranger : en 2003, en Belgique, 4 096 voix ont été comptabilisées en trop dans la commune de Schaerbeek ; en 2005, au Québec, 45 000 votes ont été par erreur enregistrés à deux reprises ; aux Etats-Unis, on se souvient des problèmes de comptage des voix en Floride lors des élections présidentielles de 2000, et en novembre 2006, lors des élections parlementaires, environ 250 incidents ont été signalés. ‘ C’est l’ensemble des procédures qui garantit la sécurité du vote, et non pas la machine seule ‘, veut rassurer ES&S.

La sécurité mise en doute

Ainsi, l’iVotronic dispose d’un système d’exploitation propriétaire dont le code source est secret. De plus, la machine peut être alimentée par une batterie autonome pendant douze heures et n’est connectée à aucun réseau. A l’intérieur, elle dispose de trois mémoires Eprom, indépendantes et redondantes, programmées en fonction du scrutin via une carte mémoire amovible. Les données des trois Eprom sont comparées en continu, et la machine se bloque si des différences sont détectées. Le jour de l’élection, le président du bureau reçoit d’ES&S, sous enveloppe, les mots de passe qui déverrouillent la machine. Puis il introduit un boîtier interactif portable (Bip) dans la machine et imprime un rapport attestant que les compteurs sont à zéro à l’ouverture du bureau de vote.Malgré toutes ces précautions, le doute subsiste. Les machines de Point & Vote ne sont ni plus ni moins que des PC fonctionnant avec Windows XP ?” un choix que nombre d’experts jugent peu judicieux.Quant à celles d’ES&S, Dan Wallach, spécialiste en sécurité informatique à l’université Rice et coresponsable du programme de recherche sur le vote électronique aux Etats-Unis, a démontré qu’un pirate aguerri pouvait y installer un logiciel piraté. A condition, bien sûr, de pouvoir intervenir sur la machine.Car, pour prévenir toute entrée par effraction, des numéros sont gravés sur la machine et des scellés y sont placés. De plus, une fois validées par la préfecture, les machines sont stockées dans un espace sécurisé ?” une enquête réalisée par le magazine Science & Vie montre toutefois que ce n’est pas toujours le cas !

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Valérie Quélier