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Les faiseurs de pixels

Longtemps cantonnés aux appareils photo d’entrée de gamme, les capteurs Cmos rivalisent désormais avec les CCD en terme de qualité d’image.

Excellent rendu d’image et parfaite maîtrise du bruit. Le verdict des ingénieurs de notre laboratoire sur l’EOS 30D, le dernier reflex numérique de Canon, équipé d’un capteur de type Cmos, confirme une tendance récente : la fin
de la suprématie des CCD en terme de qualité. Longtemps cantonnés aux appareils d’entrée de gamme en raison de leur piètre rendu, les capteurs Cmos ont en effet bénéficié de nets progrès pendant ces dernières années. Ainsi, depuis 2000, ils équipent
certains appareils haut de gamme chez Canon, Nikon ayant même conçu un modèle doté d’un capteur Cmos de 12,4 millions de pixels.L’histoire des capteurs d’image commence en 1969, dans les laboratoires de recherche Bell (les fameux Bell Labs). Willard Boyle et George Smith, deux physiciens qui travaillent sur des circuits mémoire à base de semiconducteurs,
imaginent un système pouvant capturer puis transférer des charges électriques dans une plaque de silicium. Très vite, ils montrent que ce dispositif, baptisé CCD (Charged Coupled Device, ou dispositif à transfert de charge) est
aussi capable de capter la lumière et de la transformer en électricité, grâce à l’effet photoélectrique. Leur capteur se compose d’un ensemble de cellules sensibles à la lumière et disposées en lignes et en colonnes (on parle de matrice) : ce
sont les photosites. Quand ils sont éclairés, les photosites transforment l’énergie lumineuse qu’ils reçoivent en charges électriques qui s’accumulent temporairement dans le circuit de silicium. De la lumière à l’image, il n’y a qu’un pas,
allégrement franchi, et, en 1970, Willard Boyle et George Smith mettent au point un premier prototype de caméra vidéo équipée d’un capteur CCD. En 1974, l’entreprise Fairchild commercialise un appareil basé sur cette technologie avec une matrice, et
donc une définition de… 100 x 100 points !

Temps d’acquisition plus court avec le Cmos

Dans un capteur CCD, les charges récupérées par les cellules ne sont pas directement transformées en tensions électriques utilisables par des circuits électroniques : elles sont récupérées de façon séquentielle, rangée par
rangée, et transformées juste avant la sortie en tensions par un dispositif centralisé. Outre une relative lenteur, ce fonctionnement engendre un processus de fabrication complexe et coûteux. Dans les années 1980, des industriels ont cherché à
utiliser un procédé de fabrication pour réaliser des capteurs de façon plus simple et plus économique. Ils ont ainsi adapté la technologie Cmos (Complementary Metal Oxide Semiconductor), exploitée pour la fabrication des
circuits intégrés ?” notamment des microprocesseurs. Elle permet d’intégrer, dans chaque photosite, des composants électroniques chargés de convertir la charge électrique récupérée en tension et de l’amplifier. Sur le plan technique, on gagne
en réactivité en se débarrassant du fonctionnement séquentiel, chaque photosite produisant sa propre tension. Sur le plan industriel, l’utilisation des chaînes de fabrication destinées aux circuits intégrés a permis de faire chuter le prix de
revient des capteurs.En revanche, sur le plan qualitatif, le Cmos induit une différence. Du fait qu’ils sont associés à des composants intégrés, les photosites du capteur Cmos sont plus petits que ceux du CCD (ces derniers sont d’une longueur oscillant
généralement entre 5,4 et 24 microns ; sur les modèles Cmos, ils vont de 2,7 à 20 microns). Comme la surface d’exposition des photosites est plus importante, les capteurs CCD sont plus sensibles à la lumière que les Cmos. D’où la mauvaise
réputation du Cmos face au CCD.Le Cmos se rattrape par sa réactivité. Un capteur CCD ne dispose que d’un unique système électronique pour convertir, de façon séquentielle, les données de chaque photosite. Ce qui se traduit par un temps de traitement des
informations nettement plus long. Avec leur électronique individualisée au niveau de chaque cellule, les Cmos offrent un temps d’acquisition plus court. Plus indépendants, ils sont plus faciles à intégrer dans les appareils, notamment quand la place
manque : c’est pourquoi on les retrouve aujourd’hui fréquemment dans les appareils photo numériques d’entrée de gamme mais aussi dans les téléphones mobiles, les webcams ainsi que les caméras de vidéosurveillance.

De nets progrès en terme de qualité d’image

Mais tout le monde n’a pas besoin d’un traitement ultrarapide : les spécialistes en astronomie, par exemple, préfèrent faire appel à des capteurs lents mais qui leur offrent une image de qualité meilleure. Ainsi, le satellite
météo Spot recourt même à un système de barrettes CCD (avec non pas des matrices de photosites mais des lignes de cellules photosensibles, comme sur les scanners !) pour produire ses clichés…Toutefois, comme en témoignent les reflex des marques Canon et Nikon, le Cmos a fait de nets progrès en terme de qualité d’image ces dernières années. Et ce n’est pas fini. Des chercheurs de l’université de Rochester, aux Etats-Unis,
ont ainsi mis au point des convertisseurs analogiques-numériques plus performants, et surtout moins encombrants. Ils ont également simplifié le traitement du signal en adoptant une disposition irrégulière des photosites. De son côté, la start-up
californienne Pixim planche sur des temps d’exposition variables pour chaque photosite, en fonction de la quantité de lumière qu’ils reçoivent. D’autres travaux sont menés pour que la restitution des couleurs (voir l’encadré ci-dessus) soit
améliorée. Des expérimentations prometteuses, qui préfigurent la bataille serrée à laquelle prendront part les technologies Cmos et CCD dans les prochaines années.

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Pierre Martin