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L’écran des aiguilleurs du ciel

L’espace aérien français voit passer plus de 2,5 millions de vols par an. L’informatique joue un rôle essentiel dans la sécurité. Visite au centre de Reims.

Studieuses et concentrées, Florence et Christine ne quittent pas leur écran des yeux. A l’image, une dizaine de petits points se déplacent lentement. Le but du jeu est simple : accompagner chaque point pour qu’il atteigne l’autre côté de l’écran sans toucher un point voisin. Ce scénario à la Space Invaders n’a pourtant rien d’un jeu vidéo. Nous sommes dans la salle de contrôle du centre en route de la navigation aérienne de Reims, l’un des cinq chargés de réguler l’espace aérien français.24 heures sur 24, près de 350 contrôleurs se relaient ici pour assurer la sécurité du trafic. Par équipes de deux, ils prennent en charge un petit bout du ciel. Pas plus de 2 h 30 de travail d’affilée : le contrôle exige une attention soutenue.

L’ange gardien informatisé

Et le droit à l’erreur n’existe pas. Depuis quelques années, les outils ont heureusement beaucoup changé et les contrôleurs sont aujourd’hui largement épaulés par l’informatique. ‘ Avec l’ordinateur, le travail est plus facile ‘, résume Denis Goret, l’un des contrôleurs rémois. Situés juste sous la salle de contrôle, de puissants calculateurs assurent d’abord une première tâche essentielle : la ‘ corrélation ‘.A l’origine, le centre de contrôle recueille, en effet, deux types d’informations brutes : d’un côté, les radars renvoient l’image de la position des avions en temps réel sous forme de points et de codes chiffrés ; de l’autre côté, le centre reçoit les plans de vols déposés par les compagnies.L’ordinateur se charge alors de mettre en perspective les deux bases de données en attribuant à chaque point apparaissant à l’écran un numéro de vol, et donc une compagnie. L’image radar en devient beaucoup plus intelligible. Le contrôleur voit instantanément le trafic aérien et il peut appeler les pilotes par radio en sachant exactement qui est qui dans le ciel. Le gain de temps est considérable ! ‘ S’il fallait travailler à l’ancienne, en effectuant manuellement cette corrélation, nous ne pourrions pas suivre autant d’avions, reconnaît Denis Goret. Avec l’ordinateur, nous pouvons désormais accompagner une quinzaine d’avions à la fois en toute sécurité. ‘ Les nouvelles consoles mises en place début 2000 dans les centres français apportent aussi beaucoup plus de confort. ‘ Outre un meilleur affichage, nous avons toutes les informations à l’écran en quelques clics de souris ‘, souligne Michael Deley, contrôleur à Reims depuis 1995. Autre option précieuse : le ‘ vecteur vitesse ‘. L’ordinateur est capable de prédire la position d’un ou plusieurs avions dans les 3, 6 ou 9 minutes à venir si les paramètres du vol ne changent pas, permettant ainsi de pointer plus facilement ce que les contrôleurs appellent les ‘ conflits ‘, en d’autres termes les éventuels risques de collision. En cas de croisement dangereux, les aiguilleurs agissent instantanément : un appel par radio au pilote concerné suffit pour lui demander de modifier son altitude, sa vitesse ou son cap.Et si jamais les deux contrôleurs n’avaient pas anticipé un croisement difficile, le système informatique joue le rôle d’ange gardien via un système baptisé ‘ filet de sauvegarde ‘. Quand deux avions s’approchent un peu trop l’un de l’autre, leurs points se mettent alors à clignoter sur l’écran. Les contrôleurs n’ont plus qu’à intervenir.

Echanges insolites avec les pilotes

Dans quelques années, l’informatique devrait aller encore plus loin. Le système pourra bientôt filtrer les points affichés à l’écran en ne montrant que les avions dont les paramètres de vol présentent un risque de conflit avec un autre avion. Autre évolution en cours de développement : la liaison ‘ Data Link ‘. Au lieu d’entrer en contact avec les avions par radio, les contrôleurs pourront communiquer avec l’équipage d’un clic de souris, sur le modèle des messageries instantanées. ‘ Le but est de libérer l’homme des tâches routinières pour qu’il ne traite que ce qui est exceptionnel ou urgent ‘, explique Thierry Liabastres, chef du centre de Reims. Pas question en tout cas de remplacer l’homme par la machine. ‘ Cela n’est pas possible et pas souhaitable, poursuit-il. Dans certaines situations d’urgence, un malade à bord ou un problème mécanique, seul l’homme peut prendre les décisions. ‘Et puis, sans les humains, le ciel y perdrait en convivialité. La nuit, lorsque le trafic est moindre, certains contrôleurs avouent échanger quelques mots avec les pilotes… Contrôleur à Reims depuis 1996, Régis Collin sourit : ‘ Le dernier exemple en date, c’est un pilote irlandais qui nous a demandé par radio le score dun match de rugby. ‘ Le contrôle aérien sert à tout !

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Didier Forray