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Le piratage, non ! Le flicage encore moins !

Le projet de loi contre le piratage sur Internet divise la classe politique et fâche les internautes.

‘ Pirater tue les artistes ‘, le message diffusé en boucle sur le site gouvernemental www.jaimelesartistes.fr est extrêmement simple, voire simpliste. Et ne reflète en rien la complexité du débat qui devrait avoir commencé le 10 mars à l’Assemblée nationale pour l’adoption du projet de loi Création et Internet.

Coupure d’abonnement

Porté par la ministre de la Culture, Christine Albanel, ce texte vise à réduire le piratage des ?”uvres culturelles en instituant un mécanisme de coupure de l’abonnement à Internet. Le texte a déjà été adopté par le Sénat en octobre 2008 et n’y retournera pas : le Gouvernement a choisi la procédure d’urgence. Mais les débats risquent d’être vifs en ce mois de mars. Le texte est très loin de satisfaire les politiques et les acteurs de l’Internet, mais également, et surtout, les internautes.Quels sont les nouveaux mécanismes que prévoit la loi ? Une nouvelle autorité administrative indépendante, la Haute Autorité pour la diffusion des ?”uvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), est créée. Elle peut être saisie par les représentants des ayants droit de biens culturels lorsque ceux-ci présument qu’un téléchargement pirate a eu lieu. Les ayants droit, qui surveillent les communications sur Internet, relèvent les adresses IP des présumés pirates. Cette adresse IP est un numéro unique attribué à votre connexion, de façon temporaire ou permanente, par votre fournisseur d’accès à Internet. Normalement, seul un FAI peut rapprocher adresse IP et nom d’un abonné. L’Hadopi devient habilitée à effectuer ?” de façon automatisée ?” ce recoupement. Un premier courrier électronique est alors envoyé à l’internaute l’informant des sanctions qu’il pourrait encourir s’il persistait dans sa conduite.

Un an de mise à l’épreuve

La base des contrevenants est conservée par l’Hadopi. Si une nouvelle infraction est constatée dans un délai de six mois, un nouveau courrier électronique est envoyé, et éventuellement une lettre recommandée. Si, dans un délai d’un an, une nouvelle infraction est malgré tout constatée, l’Hadopi peut suspendre l’abonnement de l’internaute pour une durée de 2 à 12 mois, et celui-ci ne peut se réabonner chez aucun autre FAI pendant ce laps de temps. Cette sanction reste cumulable avec les voies d’action pénales et civiles existantes. En fait, la loi crée un nouveau délit : le manquement à l’obligation de surveillance de leur accès à Internet par les usagers eux-mêmes. C’est ce manquement qui est puni par la suspension de l’abonnement, et non l’acte de piratage lui-même.

Sécurisation de son accès

Avec cette nouvelle réglementation, les internautes doivent devenir des experts dans le domaine de la sécurisation de leur box Internet. La loi projette d’y pourvoir en obligeant les FAI à informer leurs abonnés sur les moyens techniques, et en fournissant une liste de logiciels considérés comme fiables. Voilà pour l’aspect jugé éducatif par les uns, répressif par les autres.Pour ce qui est de ‘ favoriser la diffusion de la création sur Internet ‘, le projet de loi table sur une obligation pour les moteurs de recherche de référencer préférentiellement les plates-formes de vente légales. Un label permettrait aussi d’identifier clairement les offres légales. L’abandon, par accord professionnel, des mesures techniques de protection (les DRM) est également invoqué. Dernière mesure, la ‘ chronologie des médias ‘, c’est-à-dire le délai entre lequel un film est sorti en salle et celui où il est disponible en DVD et en VoD serait raccourci.Entre les problèmes de droit que le texte soulève, l’incompatibilité éventuelle avec les règles européennes, les doutes sur son efficacité, ses difficultés techniques, les postulats économiques contestables dont il découle, et la réticence de la très grande majorité des internautes, on comprend mal pourquoi l’urgence ?” et donc la réduction du travail des parlementaires ?” était si indispensable… Affaire à suivre passionnément

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Stéphane Viossat