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La photo du jour

Collectionneur du quotidien, Philippe Lutz propose chaque jour, en ligne, son image déclic (day click), une image du monde qui existe et s’est révélée à lui….

Collectionneur du quotidien, Philippe Lutz propose chaque jour, en ligne, son image déclic (day click), une image du monde qui existe et s’est révélée à lui. Des milliers de photographies poétiques, intimes, drôles, vivantes composent aujourd’hui ‘ la trace visible de son émerveillement ‘. Cette formidable aventure, menée sans interruption depuis six ans, dépasse le simple défi photographique pour devenir un vrai ‘ projet de vie ‘.Micro Photo Vidéo :
La Photo du jour présentée sur www.declik.net, est votre journal photographique en ligne. Comment vous en est venue l’idée ?
Philippe Lutz : Dès le moment où j’ai fait l’acquisition de mon premier appareil numérique, un Sony Mavica à disquettes, d’une résolution de 640 x 480 pixels. C’était en 1999. Je faisais beaucoup de photos et d’expérimentations avec cet appareil (ça ne coûtait rien).MPV : Votre journal a une rare longévité de bientôt six années. Quelle est votre motivation pour continuer ?P. L. : Ce qui m’intéressait au départ c’était de voir ce qui se passerait si je m’imposais de prendre une image par jour. Aurais-je la persévérance nécessaire ? Quelle perception l’ensemble de ces photos me donnerait de ma vie ? Je ne savais pas où cela me mènerait. J’avais surtout envie de faire une expérience. Ce qui continue aujourd’hui à me motiver, c’est l’idée d’élaborer une sorte de témoignage sur la vie quotidienne d’un ‘ citoyen des années 2000 ‘ : l’ensemble des images que j’ai accumulé depuis 1999 me paraît constituer peu à peu un corpus intéressant, pour moi en tout cas, et peut-être un jour aussi pour d’autres. Dans ce sens, je n’envisage pas du tout d’arrêter, au contraire. Rendez-vous dans vingt ans…MPV : Pouvez-vous nous dire comment se déroule votre journée day click ?P. L. : Tous les jours, je prends au moins une photo ; en réalité, j’en prends environ trente à cinquante. Je photographie très vite, assez instinctivement. À la fin de la journée, je les range dans un répertoire du type année/mois/jour. Je jette les ‘ mauvaises ‘, j’en choisis une qui sera ‘ la photo du jour ‘, représentative de mon humeur, de la couleur du temps, d’une chose qui m’a frappé au cours de ma journée, d’une rencontre, etc. Je la conditionne pour le Net (réduction du format et du poids), la mets en page sur mon site, et procède au transfert des images et des pages sur mon site via un classique Ftp.MPV : Quelle est votre contrainte essentielle ?P. L. : Ma profession m’accapare beaucoup et ne me laisse guère le temps de faire beaucoup d’images. L’exercice de La Photo du jour est, de ce point de vue, parfois assez frustrant : il y a des jours où l’on a plusieurs bonnes prises, mais on doit en sélectionner une seule pour la mettre en ligne ; il y a aussi des jours où la pêche est mauvaise, et l’on doit alors se résoudre à choisir l’image la moins mauvaise. Actuellement, on peut voir plus de 2 000 ‘ photos du jour ‘ sur le site. Mais en tout, depuis 1999, je dois avoir réalisé environ 50 000 photos.MPV : Votre journal se décline en plusieurs rubriques. Expliquez-nous leur contenu et leur spécificité.P.L. :
La Photo du jour, par sa quotidienneté, est le fil conducteur du site. Les photos du mois et les archives permettent de retrouver les clichés antérieurs. Les séries sont des sélections thématiques sur des lieux, des sujets que j’ai beaucoup photographiés : les îles grecques, les Vosges, le Japon, etc. Depuis deux ans, j’ai ajouté une deuxième photo du jour thématique : l’an passé, j’ai travaillé quotidiennement sur le thème du repas, ce qui a donné Un Repas par jour. Cette année, je travaille sur les écrits, d’où Les Écrits du jour.MPV : Quel type d’image réalisez-vous le plus souvent pour le journal ?P.L. : Les images sont souvent des portraits, des objets banals, voire triviaux, issus de ma vie quotidienne. Il y a aussi des paysages ou des scènes de rue : les thèmes sont très divers, je ne m’interdis ni ne m’impose rien. Globalement, tout cela s’apparente plus au reportage qu’à une recherche plastique. Pour ce qui est de l’esthétique générale, j’aime bien les images qui disent autre chose que ce qu’elles semblent dire de prime abord. Je cherche souvent, aussi, quelque chose d’assez paradoxal : capter une image qui n’est pas du tout mise en scène, mais qui semble l’être très fortement.MPV : Quels moyens techniques utilisez-vous et quelle importance leur accordez-vous ?P.L. : Pour la prise de vue, j’ai toujours employé des appareils Sony : un Mavica au début, puis les modèles successifs de Cybershot : F505, puis F505V, puis F707, puis F717 et, depuis mars 2004, un F828. L’évolution technique a été fulgurante, en passant en quelques années de 300 000 à 8 millions de pixels. J’aime leur maniablité et la mobilité de l’écran de contrôle par rapport à l’objectif (je n’utilise presque jamais le viseur). Je cherche avant tout un appareil facile à transporter, polyvalent en focales, du grand-angle au téléobjectif, et rapide dans la mise au point et le déclenchement. J’utilise ensuite Adobe Photoshop pour retravailler les photos, Macromedia Dreamweaver pour le site, et Cute FTP pour le transfert des fichiers. Ces outils sont à la fois indispensables, et sans importance. Mais ce qui compte, c’est le résultat final.MPV : Quel apprentissage photographique vous offre cette expérience ? Avez-vous techniquement progressé ? Vos images ont-elles évolué ?P. L. : J’ai beaucoup appris, bien sûr, en faisant ainsi mes gammes quotidiennement ; mais il faut se méfier de ce que l’on apprend, pour ne pas tomber dans la recette, la ficelle, le systématique, et finalement la répétition. L’idéal serait de renouveler tout le temps son regard… Avec le temps, il me semble que mes images sont devenues plus denses, plus directes : en couleur, en sens et en impact visuel. Du moins je l’espère, parce que c’est ce que je souhaite atteindre.MPV : Considérez-vous Internet et la capture numérique comme un moteur de votre journal ?P.L. : Sans le numérique, un tel journal serait bien sûr irréalisable : c’est parce qu’on dispose des images le jour même que cette aventure est possible. Cette pression quotidienne des photos à faire et à livrer est bien sûr un moteur très fort qui me fait avancer et continuer.MPV : Quelle influence ont-ils sur votre écriture photographique ?P. L. : L’Internet et la taille relativement limitée des images que l’on peut disposer en ligne (pour cause de poids et de débit) m’oblige à créer des images simples, à l’impact visuel instantané. Je réalise donc des images sans trop de détails, immédiates, souvent assez colorées. Cette contrainte est aussi source de créativité et génère un ‘ style ‘. La mise en forme du site a aussi joué sur le format des images, toutes prises à l’horizontale, une contrainte que je me suis donnée dès le début, pour des questions de cohérence dans la présentation.MPV : Votre journal est une activité quotidienne. En quoi sa réalisation affecte-t-elle votre vie ?P. L. : Avec ce journal, j’essaie de constituer un corpus d’images, qui me sert d’aide-mémoire, mais aussi d’outil de communication avec d’autres personnes. Aller quotidiennement à la recherche d’images m’a permis de rencontrer un certain nombre de personnes que je n’aurais jamais eu l’occasion de croiser : des passants que je photographie dans la rue, auxquels j’explique ma démarche (je leur donne une carte de visite avec l’adresse du site et mon nom), d’autres qui s’intéressent à la photo, qui prennent contact sur le Net. Plusieurs sont devenus des a mis. Au bout du compte, tout cela constitue surtout une expérience humaine très enrichissante. Cela me fait aussi porter un regard actif sur le monde dans lequel j’évolue. C’est devenu aujourd’hui une nécessité dans ma vie.MPV : Avez-vous envisagé d’éditer ou d’exposer votre journal autrement que sur Internet ?P.L. : J’ai déjà fait des tirages papier, comme tout le monde. Mais parmi les différentes présentations que j’ai essayées jusqu’ici, il me semble que c’est le diaporama sur écran informatique, un dix-neuf ou un vingt-et-un pouces de préférence, ou encore sur grand écran, via un vidéoprojecteur, qui convient le mieux à mon travail. Les images y trouvent une belle lumière, et la succession des photos dans le diaporama est l’équivalent très exact de la succession quotidienne des photos sur le site. Cette présentation permet à la fois une dilatation du point de vue de la taille des images, et un raccourci du point de vue du temps, puisqu’on peut voir en vingt minutes les trois cent soixante-cinq photos qui constituent une année.MPV : Quel regard portez-vous sur les autres journaux photographiques ? Êtes-vous en relation avec eux ?P.L. : Je consulte bien sûr régulièrement les sites des ‘ collègues ‘, et suis en relation avec plusieurs d’entre eux. C’est aussi un des aspects sympathiques de cette aventure. J’attends leur livraison quotidien ne avec impatience, je me demande toujours ce qu’ils auront vu dans leur jour née. Par mi les sites français ‘ sérieux ‘, qui mettent vraiment une image du jour en ligne quotidiennement, j’aime beaucoup le travail d’André Bazin, très soigné dans les lumières, ainsi que celui de Guy Vacheret, très inventif. J’aime aussi beaucoup celui de Philippe Pavans, de Ricardo Gonzo, etc. Mon site donne plein de liens vers ces sites et vers beaucoup d’autres encore, également à l’étranger.

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Marilia Destot