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La légalisation des échanges P2P en question

Plusieurs députés soutiennent l’idée d’une ‘ licence globale ‘, qui rémunérerait les échanges de fichiers sur le Net au moyen d’une redevance. Le gouvernement y est opposé.

Ce que dit la loi

Contre toute attente, et grâce aux députés de la majorité, le double amendement 153-154 a été adopté avec 30 voix contre 28, sur 59 votants et 58 suffrages exprimés. Cet amendement vise à instaurer une
‘ licence globale optionnelle ‘ qui autoriserait tous les échanges non commerciaux sur Internet en contrepartie d’une redevance ?” de l’ordre de 4 à 7 euros par mois ?” sur les
abonnements aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI). L’internaute serait libre de souscrire ou pas à cette licence.Le texte précise simplement ceci : ‘ L’auteur ne peut interdire les reproductions effectuées sur tout support à partir d’un service de communication en ligne par une personne physique pour son usage privé
et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à l’exception des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde, à condition que ces reproductions fassent l’objet d’une rémunération telle que prévue à l’article L.
311-4. ‘
La mise en place de cette licence globale suppose l’adoption d’autres amendements qui, pour l’heure, n’ont pas été soumis au vote. De plus, le ministre de la Culture et de la Communication souhaite la rediscussion de cet amendement,
totalement contradictoire avec son propre projet de loi !

Les débats

Face à l’ampleur des échanges sur les réseaux de peer to peer (d’un poste personnel à un autre), les défenseurs de la licence globale estiment qu’il est vain de chercher à les limiter.
‘ Aujourd’hui, des dizaines de milliers de partitions musicales, de morceaux en MP3, de photographies et d’autres ?”uvres s’échangent entre les internautes, non seulement sur les réseaux peer to peer
mais aussi à partir de sites Web et de forums de discussion. Comment prétendre résoudre le problème de la contrefaçon sur les réseaux de pair à pair si nous ne sommes pas parvenus depuis près de dix ans à endiguer ce phénomène sur des
technologies moins récentes et moins performantes ? ‘
s’est interrogée Christine Boutin, députée UMP des Yvelines, partisane de la licence globale.‘ Quand une pratique qui est une infraction se généralise pour toute une génération, c’est la preuve que l’application d’un texte à un domaine particulier est inepte ‘, a renchéri
Patrick Bloche, député PS de Paris, pour qui il y a deux manières d’aborder la question de la rémunération des ayants droit : ‘ La première s’inscrit dans une logique de compensation du préjudice. On considère que le
téléchargement se substitue à l’achat des ?”uvres. L’ampleur de cet effet de substitution et du manque à gagner qui en résulte est très difficile à mesurer. La seconde se base sur le constat que les échanges d’?”uvres sur Internet n’engendrent
aucune rémunération pour les créateurs. Il faut dès lors étendre aux échanges de fichiers non commerciaux les principes de la rémunération forfaitaire qui existe pour les supports vierges ou la radio. ‘
Reste que la création
d’une licence globale optionnelle suppose, elle aussi, la mise en place d’un système de contrôle.Un point que n’a pas manqué de souligner Jean Dionis du Séjour (UDF) : ‘ Le paiement de la taxe serait optionnel, étant réservé aux internautes téléchargeant des ?”uvres sous droits
d’auteur. Soit, mais où sont les bataillons de fonctionnaires chargés d’assurer le contrôle d’une telle mesure ? ‘
Pour éviter d’avoir à mettre en place une telle armada, la solution consisterait à imposer cette
redevance à tous les internautes, qu’ils téléchargent ou non. Il y a quelques mois, l’Alliance public-artistes, qui réunit des associations de consommateurs et d’artistes, avait soumis cette possibilité au gouvernement. Mais de nombreuses voix se
sont alors élevées contre l’instauration d’une nouvelle taxe.De son côté, le gouvernement a rejeté la proposition de la licence globale pour trois raisons : elle est incompatible avec le droit européen et international (ce que contestent certains juristes) ; elle suppose une hausse
de l’abonnement pour le consommateur ; elle ne permet aucun modèle économique viable pour les artistes.Certains d’entre eux, ainsi que les maisons de disques (directement intéressées), ont d’ailleurs vivement protesté après le vote de l’amendement sur la licence globale. Tous redoutent que les revenus issus de redevance ne soient pas
suffisants pour compenser les éventuelles chutes des ventes de CD… même si nul ne peut apporter la preuve d’un tel rapport de cause à effet ?” certaines études auprès des internautes le contestent même. Dommage que, jusqu’à présent,
personne n’ait pris la peine d’étudier la question de la licence globale de manière non partisane. Peut-être le vote des députés offrira-t-il enfin loccasion de le faire ?

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Valérie Quélier