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Gutenberg s’en va-t-en ligne

Vaste bibliothèque numérique gratuite, le projet Gutenberg s’enrichit chaque jour de nouveaux livres grâce au travail de centaines de relecteurs bénévoles éparpillés dans le monde. Rencontre avec Sébastien et Piotr, deux des rares ‘ distributed proofreaders ‘ en France.

Les jours où Sébastien Blondeel se prend au jeu, il peut relire entre 300 et 400 pages. Pour ce Parisien de 29 ans, relecteur bénévole du projet Gutenberg, cela représente dix heures les yeux dans les yeux avec son écran d’ordinateur. Le projet Gutenberg est né en 1971 dans l’imagination de Michael Hart, un étudiant américain à qui l’université d’Illinois offre des créneaux sur un super-ordinateur. Il décide de taper la Déclaration d’indépendance américaine, puis la Constitution, la Bible et les ?”uvres de Shakespeare.

Un projet concrétisé par 12 000 titres

Au début, il se contente d’envoyer ces grands textes, transformés au format ASCII, aux quelques chanceux qui sont alors reliés au réseau. Mais bientôt lui vient l’idée de créer une énorme bibliothèque numérique, gratuite et accessible à tous, qui abriterait toutes les ?”uvres tombées dans le domaine public.Le projet Gutenberg prend véritablement son essor lorsque des bénévoles se mettent à épauler le doux rêveur. Si bien que, limitée à 100 ouvrages en 1994, la bibliothèque en contient aujourd’hui plus de 12 000. Lorsqu’il s’installe devant son ordinateur pour une séance de relecture, Sébastien se connecte sur un site spécial qui fédère les distributed proofreaders (DP). Ces correcteurs, éparpillés aux quatre coins du monde, se partagent le travail selon une procédure bien rodée. Sur le site, Sébastien récupère quelques pages d’un livre qui l’intéresse (les ouvrages sont numérisés à Las Vegas sur des scanners industriels). Sur son écran s’affichent l’image de la page et le fichier texte. Sa mission est de vérifier que le texte est bien fidèle à l’original. Comme deux paires d’yeux valent mieux qu’une, un deuxième correcteur relit les pages après que Sébastien les a renvoyées au serveur. Le travail n’est pas fini : une fois l’?”uvre entière relue et assemblée, deux nouvelles étapes de vérification ont encore lieu, le post-processing dans le jargon des DP, puis la mise en ligne. On ne s’improvise pas correcteur. Les DP suivent des feuilles de style qui leur indiquent comment signaler les fins de chapitres ou les coupes dans les mots. Quand ils rencontrent des difficultés (doit-on corriger une faute de frappe qui existait dans l’original ?), ils peuvent demander de l’aide dans divers forums sur le site.

Apporter sa pierre à l’édifice

Piotr Karwasz, lui, a une approche plus dilettante, mais tout aussi efficace. ‘ Tous les jours, même quand je suis très occupé, je passe 30 minutes à relire des pages ‘, explique cet étudiant en mathématiques de 23 ans, qui vit dans une chambre universitaire spartiate. Sa force vient du nombre de langues qu’il maîtrise. Outre le polonais, sa langue maternelle, Piotr peut relire des ?”uvres en français, en anglais et en italien. ‘ Je relis aussi un peu en latin et en russe, mais c’est lent ‘, ajoute-t-il modestement.Comme tout DP qui participe au post-processing, ce stade ultime avant la mise en ligne, Piotr voit parfois son nom inscrit sur l’?”uvre. ‘ En remerciement, mon nom apparaît dans trois livres ‘, révèle Piotr, fier et humble à la fois. Pas mal pour quelqu’un qui a découvert le projet il y a moins de six mois !Les utilisateurs du projet Gutenberg viennent d’horizons variés : universitaires qui ont besoin de vérifier rapidement un texte, adolescents qui découvrent des classiques de la littérature, amoureux des livres à la recherche d’une citation. Sébastien et Piotr participent tous deux à ce projet gigantesque qui leur donne l’impression d’?”uvrer pour le bien commun. Et comme aime à le répéter Michael Hart, ‘ si chacun d’entre nous relisait une page, vous imaginez combien d’?”uvres pourraient être ainsi accessibles ! ‘www.gutenberg.net

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Isabelle Boucq