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Ennemis virtuels pour arme réelle

Les soldats débutants s’entraînent à tirer sur un simulateur que nous avons pu tester. La précision des armes est millimétrique, le réalisme des missions perfectible.

Ceci n’est pas un jouet ! Le Sittal (Système d’instruction technique du tir aux armes légères) entraîne les soldats à tuer plus vite que l’ennemi. S’ils doivent commettre une erreur mortelle, mieux vaut la faire sur simulateur. Celui de l’armée de terre vise le réalisme sans compromis afin de ne pas fausser les réflexes des combattants.De véritables fusils en fin de vie, reconvertis pour le simulateur, sont utilisés. Des armes truffées d’électronique, au poids rigoureusement identique à celui des armes réelles. Un laser fixé sur leur canon projette dans l’axe de l’arme un rayon lumineux invisible sur un écran de 8 x 2,25 m et d’une définition de 2 560 x 1 024 pixels. Une caméra stéréoscopique capte son impact avec une précision d’un pixel. A partir de cette donnée, l’ordinateur calcule la trajectoire de la balle en fonction de la distance, du vent et du type de projectile, et détermine le point précis de l’impact sur la cible virtuelle.

Des sensations réelles

Direction le Fort de Vincennes pour une démonstration. A l’étage d’un bâtiment anonyme, dans une salle plongée dans l’obscurité. Quelques brèves explications, et c’est le test. Au moment de presser la gâchette, le tireur ressent un choc dans l’épaule : c’est le fameux recul. La sensation s’approche de la percussion produite par un tir à balle réelle. L’astuce ? A l’intérieur de l’arme, un vérin hydropneumatique se détend à chaque tir. La poussée nécessaire est assurée par un compresseur d’air qu’un tuyau relie à la série de fusils. Au moment du tir, quatre capteurs contrôlent la stabilité de l’arme : si le canon bouge, la trajectoire de la balle est déviée par l’ordinateur. Un autre capteur contrôle le chargeur ; lorsqu’il est vide, l’arme cesse de tirer. Il faut retirer le magasin puis le réinsérer pour charger de nouvelles cartouches virtuelles. Les soldats apprennent ainsi à compter leurs cartouches. Cependant un tireur expérimenté perçoit plusieurs anomalies. Il ne ressent ni l’onde de choc produite par la balle lorsqu’elle franchit le mur du son, ni la projection de poudre dans les yeux. Quant au bruit de la détonation, diffusé par quatre haut-parleurs, il est peu réaliste. Des inconvénients mineurs, le Sittal servant surtout à former les débutants.Les séances sur le simulateur se pratiquent en groupe de 7 à 10 combattants, sous l’?”il d’un instructeur. Sa mission ? Travailler leurs réflexes : ‘ 80 % des engagements ont lieu à moins de 100 mètres. A cette distance, ce qui compte le plus, c’est la rapidité ‘, confie l’adjudant Bourgoin, responsable du Sittal de Vincennes. Le simulateur sert aussi à travailler les bases du maniement des armes (les règles de sécurité et les postures de tir), puis les procédures de commandement, l’art de se déplacer et les règles de communication entre combattants.Dernier intérêt du Sittal : travailler des scénarios pédagogiques précis. Par exemple, apprendre à gérer la présence de civils mélangés aux ennemis.Six missions ont été imaginées par la Direction de l’étude et de la prospective du ministère de la Défense, et programmées par l’adjudant-chef Barrat, responsable du Sittal de Montpellier. ‘ Les cartes font entre 1 et 10 km2, explique-t-il. Nous y avons toujours intégré un blindé ennemi, parfois même un hélicoptère. ‘Mais six missions, n’est-ce pas un peu juste ? ‘ Effectivement, les soldats finissent par savoir exactement d’où va sortir l’ennemi. Mais nous avons programmé six variantes par mission. Dans la première variante, on peut, par exemple, glisser une maman et son fils au milieu du combat. Dans la deuxième variante, cette maman est remplacée par une dame armée avec un petit garçon. Par ailleurs, d’autres missions sont en cours de programmation. ‘

Encore quelques imperfections

Les combats simulés ressemblent-ils aux engagements réels ? Pas parfaitement. Pas de pluie, ni de gel. Le stress et la fatigue sont gommés. L’ennemi arrive toujours par-devant, alors qu’en réalité, il peut surgir de n’importe où. L’adversaire se déplace de façon linéaire : pas de courses en zigzag pour éviter les tirs par exemple. Les élèves soldats ne meurent jamais ; les balles ennemies ne sont pas simulées. Pire, ils sont statiques. Ils ne peuvent ni avancer, ni reculer, ni se retourner. Impossible par conséquent de travailler les déplacements de groupe. Des défauts qu’il n’est pas prévu de revoir.En revanche, d’autres problèmes seront corrigés. Depuis la création du Sittal dans les années 1990, l’armée travaille régulièrement avec son concepteur, l’entreprise Gavap, pour l’améliorer. Dans les prochaines évolutions, ‘ nous n’aurons plus besoin de brancher les armes à un compresseur : les soldats seront plus libres de leurs mouvements, se réjouit l’adjudant-chef Barrat. Les ennemis seront plus mobiles, alors qu’aujourd’hui, ils se déplacent toujours de la même façon. Nous travaillons à les doter d’une intelligence artificielle qui leur permettra de changer de tactique en fonction du comportement des élèves soldats. ‘Un fantassin travaille quotidiennement le combat en extérieur, sans tirer la moindre balle. Huit heures par mois, il vide quelques cartouches sur des cibles réelles. ‘ Rien ne remplace les man?”uvres sur le terrain, le stress, les intempéries, le relief, les problèmes de communication, de condition physique ‘, juge l’adjudant Bourgoin. Le Sittal nest donc pas destiné à remplacer les entraînements sur le terrain : il les précède, puis les complète

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Nicolas Six