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Démêler les fils de la LEN

La loi du 21 juin 2004 sur l’économie numérique jette les nouvelles bases d’un droit spécifique à Internet. Explications et décryptage.

Suis-je responsable lorsque ma messagerie électronique propage un virus à tous les membres de mon carnet d’adresses ? Que puis-je faire lorsque je tombe sur un site raciste ou à contenu pédophile ? Les publicitaires peuvent-ils vraiment me solliciter dans ma boîte aux lettres sans que je les y aie autorisés ? C’est à ces questions, et à tant d’autres, que la nouvelle ‘ Loi sur la confiance dans l’économie numérique ‘ du 21 juin 2004 (dite plus simplement la LEN) apporte des réponses. Mais, avec plus de dix-huit mois de débats parlementaires pour aboutir au texte final, avec même un passage devant la plus haute instance juridictionnelle, le Conseil constitutionnel, cela ne s’est pas fait sans heurts ! Il faut dire que, jusqu’ici, les questions de droit liées à Internet relevaient d’articles disparates, anciens et pas du tout prévus pour cette nouvelle forme de ‘ communication ‘. S’appliquaient donc pêle-mêle pour régler les litiges d’Internet, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse, le code pénal, la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, le code de la propriété intellectuelle, le code des postes et télécommunications, le code de la consommation, etc. Les 58 articles de la nouvelle loi mettent désormais au point les définitions nécessaires sur ce qu’est Internet, le courrier électronique, etc., corrigent les anciens articles de loi applicables et définissent de nouveaux délits spécifiques. La LEN transpose en droit français une directive européenne existante. En effet, tous les pays de l’Union européenne se dotent actuellement d’une loi de ce type.L’objet de la LEN, même si elle a été dénoncée comme liberticide par de nombreuses associations, est principalement d’accorder une meilleure protection aux internautes dans les domaines commerciaux par rapport aux dispositions précédentes du code de la consommation. Des obligations lourdes sont ainsi imposées aux commerçants en ligne, au bénéfice du consommateur. Mais la loi intervient également pour lutter contre la cybercriminalité.

Un Web responsable

La lutte contre l’apologie des crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale ainsi que la pornographie mettant en scène des mineurs sont dorénavant inscrites dans le cadre de la loi. Tous les fournisseurs d’accès de même que les hébergeurs sont tenus de mettre en place des dispositifs aisément accessibles et visibles. En clair, ils doivent mettre sur leur page d’accueil un lien permettant à toute personne de porter à leur connaissance les infractions de ce type. Tout un chacun, s’il repère un site offrant un tel contenu sera donc désormais en mesure de réagir rapidement. Les hébergeurs et les fournisseurs d’accès seront, quant à eux, tenus de rendre impossible l’accès aux informations ou activités illicites dont ils connaissent la présence. C’est cette partie de la loi qui a été la plus décriée, car elle semble imposer aux fournisseurs d’accès et aux hébergeurs de juger du caractère illicite des informations, sous peine de les rendre responsables. Ce qui pourrait amener à une censure automatique, dès lors qu’une simple dénonciation aura été faite, même si elle n’est pas fondée.En tout état de cause, il faudra attendre le détail des décrets d’application et des premiers jugements (qui feront jurisprudence) pour y voir plus clair, mais il ne semble finalement pas que ces dispositions impliquent un devoir de censure aveugle.La protection des mineurs est également renforcée par l’obligation imposée à tous les fournisseurs d’accès d’informer leurs abonnés de l’existence de moyens techniques permettant de restreindre l’accès à certains sites. Il peut s’agir d’explications et de liens à propos de logiciels de contrôle parental voire de la mise en place d’un système technique à disposition des abonnés, comme le font, par exemple, Wanadoo et AOL.Enfin, dans un autre domaine, les internautes ne peuvent être rendus responsables pénalement ou civilement s’ils ont été un vecteur passif de diffusion d’un virus par courrier électronique. Après avoir été infecté par un virus, vous ne pourrez pas être mis en cause si votre ordinateur a lui-même infecté d’autres ordinateurs.

Des achats plus sûrs

Les internautes sont maintenant assurés d’une bien meilleure protection dans le domaine du commerce électronique. Les sites commerciaux se voient en effet imposer de nouvelles obligations, allant toutes dans le sens d’un souci de meilleure transparence. En premier lieu, la publicité doit très visiblement être identifiée en tant que telle. Mais surtout, les prix des produits devront à l’avenir apparaître impérativement de manière claire et non ambiguë, avec la mention des taxes appliquées ainsi que de la prise en compte ou non des frais de livraison. Les méprises sur les prix affichés devraient donc totalement disparaître. Le prix de vente sera toujours indiqué en euros, ainsi que la durée de validité du prix et de l’offre associée. Il y a donc une obligation pour tous les commerçants en ligne de veiller à tenir leurs offres sur la Toile bien à jour.Meilleure protection également avec l’obligation de toujours mettre à disposition les conditions générales de vente. Mais surtout, les commerçants doivent maintenant faire apparaître sur leur site leur identité de façon claire, en mentionnant leur nom, prénom, raison sociale, adresse, adresse électronique, numéro de téléphone…La clarté étant de rigueur, toutes ces informations doivent être aisément accessibles, et non cachées au fin fond du site commerçant. La jurisprudence établira certainement la nécessité de la présence d’un lien direct sur la page d’accueil du site.

La guerre contre le spam

Toujours dans le domaine commercial, une disposition de la LEN met, théoriquement, les internautes à l’abri du spam. Les règles relatives à la publicité par voie de courrier électronique deviennent de plus en plus strictes et, a priori, signeraient l’arrêt de mort du spam commercial. La sollicitation publicitaire par courrier électronique passe en droit français dans le système de l’Optin. Clairement, cela veut dire que pour pouvoir vous envoyer des courriels publicitaires, le commerçant doit recevoir de votre part un consentement préalable. Votre accord pour recevoir des publicités devra maintenant être explicitement annoncé, par le biais d’une case à cocher par exemple.De même, les messages publicitaires devront être parfaitement identifiables. Les fichiers constitués jusqu’ici ont six mois, à compter du 21 juin 2004, pour être modifiés de façon à demander laccord des internautes à recevoir de futurs messages. Malheureusement, si ces mesures risquent bien de faire chuter une partie du spam, il ne faut pas oublier que la majorité provient de pays non européens. Les articles de la LEN ne pourront donc rien faire contre ces messages-là

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Stéphane Viossat