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Chasse à l’homme virtuel

A Krems, s’est déroulé un étrange jeu de course-poursuite mêlant monde virtuel et personnes réelles. Un jeu auquel nous avons participé.

Après l’avoir pistée au pas de course pendant près de 500 mètres le long de Julius-Raab Platz, c’est en obliquant dans Herzog-Strasse que Coureur 6 a fini par rattraper Clic-Clic. Il lui a suffi de se rapprocher à moins de 5 mètres de sa victime pour rendre la capture effective et l’annoncer sur le canal audio. Coureur 6 a ensuite pris un cliché du lieu de la capture, une des rues piétonnes de Krems, l’une des plus vieilles villes de Basse-Autriche, située au bord du Danube. Mais sur son ordinateur de bord, Coureur 6 a déjà repéré la présence d’une autre proie, à une trentaine de mètres de là. Celle-ci se permet même de le narguer d’un laconique message textuel qui apparaît sur son PDA : ‘ Alors, encore des forces, Coureur 6 ? ‘ Grâce aux données renvoyées par son GPS, Coureur 6 voit parfaitement sa position et celle de sa victime sur la carte qui s’affiche sur l’ordinateur de poche greffé à sa manche. Un appel à l’équipe sur le canal audio lui permettra d’être épaulé par Coureur 4 qui bloquera toute tentative de fuite.

Deux mondes sans frontières

En ce début de soirée, tout autre passant ne verrait qu’une rue vide, mais Coureur 6 et ses comparses savent que les rues de Krems sont peuplées de personnages virtuels. Ils sont en effet les participants d’un jeu unique, créé par Blast Theory, un collectif d’artistes britanniques venant de Brighton, qui abat, le temps d’un happening sous forme de chasse à l’homme, les frontières entre deux mondes a priori étanches, l’espace réel et l’espace virtuel. Et le résultat est là, avec, pour les joueurs assis devant leur clavier, l’impression très étrange et porteuse d’adrénaline de devoir composer avec les contraintes du monde réel. Car si les créateurs de BlastTheory ?” six personnes se relayant pour permettre d’avoir toujours trois ou quatre chasseurs actifs?” courent réellement dans les rues en costume de science-fiction, les quelque cent joueurs par heure qui tentent de leur échapper sont dans un autre univers. Le plaisir du jeu tient justement dans les frontières floues entre monde réel et espace virtuel.Connectés via le Web depuis d’autres pays, ou sur l’un des cinq ordinateurs placés dans le hall du Festival du Danube, ces 19, 20 et 21 avril 2007, les joueurs ne voient qu’une représentation virtuelle en 3D de la ville, leur terrain de jeu. Utilisant les flèches de leur clavier, ils tentent d’échapper à leurs poursuivants. Ils sont aidés en cela par la réception des conversations audio entre les coureurs qui tentent de les attraper.Mais cela ne suffit pas pour gagner : la clé du succès, à savoir survivre le plus longtemps possible, réside aussi dans l’utilisation des éléments du réel : jouer sur la fatigue physique des poursuivants ou avec les obstacles réels d’une ville, comme les rues à traverser en plein trafic. Des techniques que l’on comprend petit à petit, et qui m’ont permis de résister à la traque pendant… seulement douze minutes !Le succès du jeu et happening artistique high-tech Can You See Me Now ?, en français ‘ Pouvez-vous me voir maintenant ? ‘, n’est pas fortuit. Cette prestation à Krems est la treizième depuis que le jeu a été mis au point en 2002. Récompensés par de multiples prix au fil des ans, les artistes du collectif, dont la création remonte à 1991, sont des habitués de l’immixtion du réel dans le virtuel. Surtout depuis leur rencontre en 2001 avec le Mix Reality Lab de l’université de Nottingham, dont le domaine de recherche est justement ‘ les frontières entre les mondes réel et virtuel ‘. Fasciné par la créativité de BlastTheory, Steve Benford, responsable du laboratoire, a mis les logiciels développés par l’université à la disposition des artistes.

Un attirail branché, mais basique

Cette association a abouti à une première version du jeu, dotée d’une visualisation en 2D et accompagnée d’un déploiement technologique beaucoup plus délicat, nous raconte Nick Tandavanitj, l’un des trois meneurs du collectif : ‘ Pour la première représentation de Can You See Me Now ? en 2002, la modélisation du quartier où se déroulait le jeu nous a pris six semaines. Pour assurer la connexion en temps réel avec les coureurs, nous devions également déployer tout un réseau Wi-Fi fermé, en plaçant des antennes-relais un peu partout sur le terrain de jeu ! Aujourd’hui, les choses sont bien plus simples, les téléphones mobiles suffisant à assurer la connexion. ‘L’attirail technologique utilisé est assez banal : GPS, PDA avec carte téléphone mobile, appareil photo… Le tout communiquant avec un serveur Web et un serveur de stream audio (diffusion en direct) afin que tous les joueurs puissent écouter toutes les conversations à tout moment. Et bien que, désormais, l’interface du jeu soit en 3D, la modélisation du quartier utilisé ?” à Krems, un rectangle d’un peu plus de 500 mètres sur 400 mètres ?” et la préparation complète ne prennent plus qu’une à deux semaines. Photoshop, 13 Sketchup pour la création geapal 3D, Shockwave et Flash pour l’affichage de l’interface, la plupart des outils sont classiques.Du côté serveur, précise NickTandavanitj, ‘ les logiciels sont très particuliers, spécifiquement écrits pour l’occasion par l’université de Nottingham. Mais nous allons bientôt changer entièrement le système ‘.La version actuelle de cet étrange jeu a toutefois encore de belles heures devant elle : à peine le Festival du Danube terminé, BlastTheory partait pour Dublin, avant de poursuivre sa route en Asie puis en Australie. Aucune date n’est encore prévue pour la France. Mais est-il besoin daller si loin ? A défaut de jouer de visu, vous pourrez vous aussi, en tant que joueur, tenter la rencontre du virtuel et du réel sur le site www.canyouseemenow.co.uk.

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Stéphane Viossat