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Ces puces qui passent à la radio

Vous avez sans doute entendu parler de ces puces radio miniatures qui prolifèrent un peu partout. Mais savez-vous exactement de quoi il s’agit ? Zoom technologique et enjeux.

Elles sont presque invisibles, et on en trouvera bientôt partout. Elles, ce sont les puces RFID ?” en français, prononcer ‘ ère-f-idée ‘ ?”, des circuits électroniques miniatures couplés à de minuscules antennes plates, qui servent à l’identification par radiofréquence (Radio Frequency Identification). Les puces RFID permettent de stocker et de récupérer des données à distance, sans contact. Pour faire simple, elles sont les futures remplaçantes des codes-barres que nous connaissons tous, mais pas seulement. Leur petite taille leur permet de s’infiltrer partout : dans des emballages de produits alimentaires, des cartes de paiement, des vêtements ou dans les arbres de nos villes et même dans des organismes vivants. Mais avant de voir cela plus en détail, intéressons-nous un peu à la technique.

Qu’est-ce qu’une puce RFID ?

Une puce RFID est un élément minuscule, qui mesure souvent moins d’un millimètre. Le record appartient aujourd’hui à Hitachi, qui produit des puces de 0,15 millimètre de côté. Les antennes auxquelles les puces sont associées sont semblables aux étiquettes autocollantes à spires qui servent de systèmes antivol sur les produits comme les CD (voir photo page 62).

Comment ça fonctionne ?

Un système RFID est composé de deux parties distinctes. D’une part un marqueur ou tag ; d’autre part, un ou plusieurs lecteurs. Le tag intègre des données (celles qui sont contenues dans la puce), un dispositif de communication sans contact (son antenne), et un mécanisme de production autonome d’énergie ?” le bobinage de l’antenne qui fournit l’énergie nécessaire lorsqu’il est traversé par un champ électromagnétique. Les lecteurs, eux, se présentent sous la forme de portillons, de bornes fixes, d’appareils à main, etc. Ce sont eux qui émettent les ondes radio, qui vont activer les tags et servir à transmettre un code d’activation. Le tag répond en fournissant, toujours par ondes radio, les informations qu’il contient.Il existe toutes sortes de normes pour l’identification par radiofréquence, normes à la fois concurrentes et complémentaires. Et on distingue principalement deux types de puces. Les tags passifs sont les plus courants : ils se contentent de retourner l’unique donnée fixe implantée lors de leur fabrication. Les tags actifs, eux, sont équipés de batteries et permettent des échanges bien plus complexes et des opérations de lecture-écriture. La fréquence radio utilisée varie également, de 125 kilohertz à 2,4 gigahertz, avec des portées de quelques centimètres à plusieurs dizaines de mètres. Reste que toutes les sortes de puces RFID permettent de communiquer à distance, sans nécessité de manipuler l’objet (contrairement aux codes-barres), et sans que l’activation du tag ne puisse être repérée sans équipement adéquat. Sans le lecteur de puce RFID, vous ne pouvez pas être au courant de la présence de l’une d’entre elles, cachée dans l’étiquette d’un vêtement, dans l’emballage d’un produit contenu dans votre sac, etc.Et comme elles sont destinées à être utilisées de façon très massive, par exemple dans la grande distribution, le coût unitaire des puces RFID est extrêmement réduit. Elles reviennent à moins de 10 centimes pour les moins chères.

A quoi sert une puce RFID ?

Les premiers promoteurs de la technologie RFID sont les acteurs de la grande distribution, notamment pour la logistique (voir l’encadré Puces en stock ci-contre). Dans le commerce de détail, l’utilisation de tags RFID permet la mise au point de magasins sans caissières, dans lesquels le chariot du consommateur à peine parvenu à la caisse, le ticket est déjà imprimé (voir infographie ci-dessus).Qui plus est, les tentatives de vol deviennent bien plus facilement repérables, voire impossibles.Les applications marketing sont presque sans limites : les lecteurs n’étant pas cantonnés à la simple sortie de caisse, il devient possible d’afficher sur un écran des publicités ciblées, selon les articles qu’un client pose dans son chariot… Ainsi, Procter & Gamble l’a bien compris qui a incorporé aux Etats-Unis, à titre d’essai, des puces RFID dans des tubes de rouge à lèvres. Des caméras se déclenchent automatiquement dès qu’une cliente choisit le produit, ce qui permet au service marketing de la société d’étudier de près les comportements d’achat.Les services imaginables, dès lors que les produits peuvent être suivis durant toutes leur durée de vie, sont innombrables.

Et en dehors du secteur de la distribution ?

Dans le domaine de la santé, la FDA américaine (Food and Drug Administration) recommande d’équiper les palettes de médicaments dans le but d’éviter les contrefaçons. Cette même FDA a autorisé l’implantation de puces RFID dans le corps humain. La société ADS a ainsi conçu et commercialisé une puce, VeriChip (voir photo page suivante), qui peut être utilisée pour l’identification des patients dans les hôpitaux. ADS met en avant les avantages d’une telle solution, le dossier médical est implanté dans le patient, pour les équipes d’intervention après des catastrophes… Les questions de sécurité sont également au c?”ur des applications RFID : pour preuve, le passeport électronique contenant des données biométriques et une photo numérique, exigé par les Etats-Unis pour l’entrée sur son territoire des ressortissants de pays comme la France, dont les ressortissants n’ont pas besoin de visa. Toujours pour la sécurité, VeriChip a été choisie par la société CityWatcher pour l’accès à des données sensibles. Ici, ce sont des employés de la société qui se sont portés ‘ volontaires ‘ en février 2006 pour se faire implanter une puce dans le bras afin d’avoir accès à la banque de données de l’entreprise…Si l’implant humain reste très rare, les animaux sont, quant à eux, très largement déjà marqués : des puces remplacent les tatouages et contiennent également les données vétérinaires. Aux Etats-Unis, suite à l’épidémie de la vache folle, le marquage RFID de l’intégralité du cheptel bovin dans le cadre du projet NAIS (National Animal Identification System) a été lancé, avec l’objectif d’être finalisé en 2009, pour un budget de 600 millions de dollars. Plus anecdotique, les arbres de Paris sont équipés de puces RFID permettant de consulter rapidement leur ‘ dossier médical personnalisé ‘.Les transactions financières aussi sont un domaine de prédilection de cette technologie. Ainsi en est-il, par exemple, à Hong Kong et aux Pays-Bas, où des cartes de crédit sans contact, très proches du système français Moneo, sont déjà utilisées couramment.Aux Etats-Unis, American Express et Mastercard ont également lancé des cartes de paiement RFID.En France, le système de ticket électronique Navigo de la RATP utilise également la technologie RFID. Et cela n’étonne plus personne…

Un premier pas vers l’Internet des objets

Extrapolation à plus long terme qui fait saliver l’industrie : le couplage des technologies Internet et des puces RFID. Il s’agit ici en fait d’équiper petit à petit la quasi-totalité des objets courants qui, en communiquant entre eux, pourront offrir de nouveaux services intelligents. Les vêtements qui communiquent directement avec la machine à laver pour indiquer le cycle et la température idéale pour eux ; la cuisinière intelligente qui, couplée avec une fiche recette de cuisine et une casserole RFID, choisit toute seule température et temps de cuisson ; le terminal associé au téléviseur qui détecte la présence d’un appareil photo numérique, télécharge et affiche sans intervention quelconque les photos stockées…Il ne s’agit pas de science-fiction, mais bel et bien d’applications d’ores et déjà effectives, en développement ou déjà commercialisées.

Et la protection de la vie privée ?

Si la technologie est sans risques, la crainte de dérives est bien là, et souvent fondée. Dérives pour le respect de la vie privée d’abord. S’il n’y a pas de souci à se faire pour le marquage d’un seul produit, le risque devient plus sérieux quand la quantité d’objets marqués autour d’une personne devient conséquente. Le maillage massif des informations contenues dans les puces RFID permettrait une véritable traçabilité, utile à des fins de vente, mais dommageable pour la vie privée. Impossible de se leurrer sur les pratiques commerciales : la nécessité du profiling pour ‘ mieux vendre ‘ a déjà fait ses preuves. Tracer les us et coutumes des internautes est peut-être choquant, mais il s’agit d’une réalité. Et quid des procédés à classer parmi les frauduleux ? Pour générer du profit, certaines sociétés n’hésitent-elles pas à injecter des programmes espions dans les ordinateurs, sous la forme de spywares.Peut-on garantir que des ‘ marqueurs espions ‘ ne seront pas utilisés ? Des questions qui, bien que prises en compte par l’industrie, ne trouvent malheureusement pas de réponses clairement positives (voir encadré ci-contre).

Inquiétudes pour la sécurité

Pour atteindre des coûts de vente unitaires très bas, certaines concessions technologiques doivent être faites. Selon Adi Shamir, cryptographe et professeur d’informatique au Weizmann Institute, en Israël, ces concessions concernent les caractéristiques de sécurité des marqueurs. A tel point qu’il a fait la démonstration qu’un ‘ simple téléphone mobile possède tous les ingrédients nécessaires ‘ pour décoder les informations d’une puce RFID.Dans le même ordre d’idée, une équipe de chercheurs universitaires néerlandais a récemment pu créer, dans des conditions de laboratoire, le premier ‘ virus informatique RFID ‘.

La technologie est sous surveillance

Autre souci, le développement de ces technologies a lieu presque intégralement aux Etats-Unis, où les instances de contrôle du respect de la vie privée, telle la CNIL, sont quasi inexistantes.En France et en Europe, on semble rester vigilants face à ces problèmes. La commissaire Européenne chargée de la société de l’information et des médias, Viviane Reding, a d’ailleurs profité de son passage au dernier CeBit, où la technologie RFID était omniprésente, pour lancer officiellement une large consultation sur le sujet. Au programme, outre l’harmonisation nécessaire de la gamme des fréquences radio utilisées, la nécessité de garantir pour les consommateurs la sécurité du système contre les captations frauduleuses… et de le rassurer sur les dérives possibles.

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Stéphane Viossat