Passer au contenu

Xavier Niel, héros de roman ?

La sortie du roman La Théorie de l’information d’Aurélien Bellanger est l’un des événements de la rentrée littéraire. Son personnage principal est inspiré de Xavier Niel, le fondateur de Free. Pourtant, l’essentiel du livre est ailleurs.

Un roman à clef dévoilant les petits secrets de Xavier Niel, le fondateur de Free. C’était la réputation qui précédait la sortie du premier roman d’Aurélien Bellanger « La Théorie de l’information » chez Gallimard. Le parcours du personnage principal, Pascal Ertanger, ressemble effectivement beaucoup à celui de Niel. Silhouette ronde et cheveux longs, c’est un self made man à l’américaine et une personnalité majeure de la high-tech en France. Avec un passé un peu sulfureux : il a fait fortune grâce au Minitel rose et a été actionnaire de sex-shop et de peep-shows. Une activité qui lui a valu d’être  soupçonné de proxénétisme et condamné pour recels d’abus de biens sociaux. La comparaison pourtant s’arrête là. Car l’essentiel du roman est ailleurs : raconter en 500 pages quarante ans d’histoire technologique française de l’invention du Minitel à l’attribution des licences de téléphonie mobile 3G. Rencontre avec son auteur Aurélien Bellanger qui se réclame à la fois de Balzac et de Houellebecq.

01net : « La théorie de l’information » est-il une biographie de Xavier Niel ?

Aurélien Bellanger : Au début de la rentrée littéraire, j’avais décidé de nier que mon personnage principal était Xavier Niel et j’avais l’impression de mentir. Aujourd’hui, j’ai d’autant moins de mal à le reconnaître que je le trouve totalement différent de Pascal Ertanger. J’ai juste pris des points biographiques pour créer un personnage de littérature. Ce n’est pas l’histoire de Xavier Niel.

Savez-vous ce que pense Xavier Niel de votre roman ?

Non. Je n’ai jamais cherché à le contacter. Il a dit au magazine Le Point qu’il avait lu le roman, qu’il l’avait bien aimé et qu’il avait des réserves sur certains points. Et que finalement chez Free, ils n’étaient pas si forts que ça pour lancer des produits par rapport à la médiatisation dont mon livre a fait l’objet. C’est faussement modeste de sa part mais c’est flatteur finalement pour moi !

Alors pourquoi avoir gardé les vrais noms de tous les autres personnages y compris Alain Minc, Jean-Marie Messier ou Thierry Breton ?

Je ne pouvais pas inventer sept ministres de l’Economie successifs et des noms d’entreprise comme Alcatel ou France Telecom. Cela aurait été trop compliqué. Et mettre les marques sous leur vrai nom, ça permettait de faire ressurgir des choses qui avaient disparu.

L’un des paris de votre livre est de rentrer dans les détails techniques sans abandonner le fil de la fiction ni renoncer à un style poétique. Pourquoi vous être imposer cela ?

J’ai un acte de croyance fort envers le roman : on peut parler de tout même de théorie. Je me suis beaucoup amusé à mélanger des définitions scientifiques, de la poésie, des équations mathématiques et de faux articles. D’ailleurs, Cédric Villani, un mathématicien extrêmement talentueux, vient de sortir un roman avec plein d’équations.* Et puis, j’ai voulu éviter le gag des films de science-fiction genre : « On allume le fusil anti-protons ». Je voulais avoir une caution scientifique. Derrière l’histoire de Pascal Ertanger, il y a une histoire scientifique compliquée qui commence avec la thermo-dynamique au XIXe siècle et qui se transforme avec la théorie de l’information. Mais au début, j’avais l’idée de faire un roman ; ce qui était très prétentieux. Je voulais que mon livre ait une valeur scientifique et je voulais traiter des champs de la physique et des mathématiques alors que je n’y connais rien. Je suis forcément déçu par rapport à cet objectif [rires].

Mon autre objectif était de rester fondamentalement bienveillant face à la technique, tout étant critique. Où ce culte du progrès inquestionné nous mène-t-il ? La sortie de l’iPhone 5 est à cet égard édifiante. La technologie est vraiment devenue de l’ordre d’un événement historique. Ce qui m’a intéressé, c’est à la fois le génie et la bêtise de ce que représente l’iPhone. On accepte de fabriquer quelque chose qui est très couteux d’un point de vue écologique et énergétique. Et on se dit, « c’est pas grave » comme si on était sur un point de rupture. On part sans savoir où l’on va. C’est un peu la plaie et le couteau : un outil blessant profondément les écosystèmes et en même temps apportant une réparation. Il y a quelque chose d’un peu terminal dans l’iPhone qui pourrait être de l’ordre du dernier Dieu. J’exagère à peine.

*Cédric Villani, Théorème vivant, Grasset.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Amélie Charnay