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WWW 2012 : Tim Berners-Lee défend le Web à coeur ouvert

L’inventeur du Web était à Lyon le 18 avril 2012 pour la conférence annuelle du Web. Il en a profité pour rappeler les principes fondateurs de sa création et s’en est pris à ceux qui la menacent. Morceaux choisis.

On ne le présente plus. Tim Berners-Lee (TBL), l’inventeur du Web, était la star de la conférence annuelle du Web, qui se tient à Lyon du 16 au 20 avril 2012. Dans un discours prononcé le 18 avril, il s’est montré aussi passionné qu’offensif contre les systèmes qui, sous couvert d’une plus grande facilité d’utilisation, sont de plus en plus fermés… Et a évidemment vanté le Web en tant que plate-forme démocratique, décentralisée et ouverte. 

TBL a d’abord rendu hommage à l’éthique hacker, en critiquant vertement tous ces ordinateurs qui se répandent – tablettes, téléphones mobiles – et qui ne permettent plus à leurs utilisateurs de créer et de charger les programmes qu’ils désirent. Il a notamment fait référence au fameux discours de l’activiste-bloggeur-écrivain Cory Doctorow : « la guerre qui vient contre l’informatique traditionnelle ». Aux yeux de TBL comme de Doctorow « nous devons nous battre pour avoir le pouvoir complet sur la machine. Ce qu’ils essaient de faire, c’est de vous rendre impossible la programmation d’un ordinateur, même si celui dont vous disposez à la maison est très puissant. Car si vous avez la possibilité de le programmer, vous pouvez faire tout ce que vous vous imaginez. »

TBL s’en est également pris – sans en nommer – aux marchés d’applications, comme l’App Store d’Apple : « nombreux sont les gens qui ne voient pas la différence entre un système sur lequel on doit choisir parmi des applications dans une liste et un système sur lequel on peut télécharger ce que l’on désire. L’ouverture, cela ne concerne pas seulement les développeurs […], cela concerne aussi le marché. »

Le Web contre les plates-formes fermées

Nous sommes donc, selon TBL, au cœur d’une bataille « violente » pour savoir si l’ordinateur de demain sera aussi versatile qu’aujourd’hui, ou si les ordinateurs seront partout, fondus à nos objets quotidiens, « juste comme un réfrigérateur ». Or en ce cas, se posera le problème de leur programmation : « Je n’ai pas besoin, pour l’instant, de programmer mon réfrigérateur, il n’est pas assez puissant pour cela. Dans le futur, je voudrais cependant pouvoir le faire, s’il est capable de se connecter à Internet. C’est la même chose pour les tablettes : quand elles atteignent une certaine puissance, je veux être en mesure de mettre les programmes que je désire dessus. »  

Pour ne pas tomber dans le piège de cette informatique fermée, TBL a une solution toute trouvée : son invention, le Web. « Si vous n’aimez pas le monde des systèmes fermés, aidez à créer un monde d’applications mobiles Web ouvertes », s’est-il exclamé avant de détailler les avantages d’une application Web par rapport aux applications natives. L’ouverture, bien sûr, mais aussi la compatibilité immédiate avec tous les terminaux… Surtout que les technologies HTML 5 permettent désormais de faire des applications « aussi belles que les programmes natifs », selon lui.

TBL vote Open Data

Tim Berners-Lee a ensuite plaidé pour l’ouverture… des données. Notamment gouvernementales. Rappelant qu’il a conseillé nombre de gouvernements sur cette question, il donne un bon conseil aux Français en cette veille d’élection présidentielle : « si vous devez choisir un candidat dans une élection prochaine, quel que soit le pays, regardez ce qu’ils ont tous à dire sur l’ouverture des données ! Avant l’élection, exigez qu’ils prennent l’engagement de publier des données sur la Toile. » Pas sûr que le message soit bien passé auprès de nos dix prétendants à la présidence de la République…

Méfiance contre Acta et les industries culturelles

Ce n’est pas un secret : TBL est violemment opposé aux projets de lois qui prônent une surveillance accrue de la Toile. Il s’est offusqué de voir « un nombre incroyable de lois passant par les parlements » visant à limiter le Web, notamment Acta. Et s’est félicité de voir que des manifestations bien réelles avaient été organisées afin de défendre l’univers virtuel. « Voilà ce que nous devons faire : passer 90 % de notre temps à faire des trucs cools, à inventer de nouvelles choses […], mais passer les 10 % restant à protéger l’infrastructure sur laquelle tout cela est bâti. Car sinon, nous ne pourrons plus innover, parce que les plates-formes seront fermées, parce que les fournisseurs d’accès contrôleront le trafic. »

Plus tard, durant une conférence de presse, il a attaqué cette fois les industries culturelles qui dictent ces lois liberticides : « Avec toutes ces lois, on a l’impression que le seul problème sur Internet, ce sont les adolescents qui volent de la musique. Le monde, l’Internet est plus grand que l’industrie de la musique, le bénéfice économique de l’Internet est plus important que cette industrie », a-t-il plaidé.

Facebook, un monopole qui pourrait tomber

Interrogé à propos de Facebook, qui menace de devenir un « Web dans le Web » et correspond aussi à une plate-forme fermée (comme l’indiquait Sergey Brin récemment), TBL n’a pas paru spécialement inquiet. Pour lui, le Web avait déjà connu des monopoles dans le passé – à l’image de Netscape – qui ont tous fondu avec le temps. Et il a par ailleurs expliqué que « le Web reste là, de toute façon, il n’est pas parti ! Pourquoi donc créer une application dans cet espace clos quand il y a cette jungle sauvage (le Web ndlr) tout autour ? […] Et ce que vous trouverez dans cette jungle supplantera toujours ce qu’il y a dans les espaces clos. »

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Eric le Bourlout