Passer au contenu

Watermarking : la fin des lettres anonymes

Apposer un filigrane, ou watermark, à une image pour protéger son auteur, c’est simple et courant. Marquer les textes, selon le même principe, c’est désormais possible. Et problématique !

Le watermarking est une technique éprouvée et déjà ancienne. Elle permet d’associer à une image des informations relatives à son auteur ou propriétaire. Techniquement, le principe est simple.Partant du fait qu’une image est composée d’une multitude de pixels, on en modifie certains pour les remplacer par une information codée. L’image ne s’en trouve pas altérée (en tout cas pas de façon visible à l’?”il nu), et contient désormais des informations complémentaires. En appliquant le procédé à de nombreux pixels, on assure la ” protection ” de tout ou partie de l’image.Récemment, deux professeurs de l’université de Purdue, l’un informaticien et l’autre linguiste, ont associé leurs compétences pour tenter d’appliquer le principe du watermarking au texte. La chose est plus complexe que pour les images.” Dans le langage naturel, il n’y a aucune redondance. C’est-à-dire que chaque mot a une signification. Si vous le changez, vous changez le sens de la phrase. Toute la difficulté est là “, explique Victor Raskin, l’un des pères du procédé.Pourtant, la technique semble fonctionner. Les watermarks sont insérées par le biais de légers changements grammaticaux et syntaxiques. Les phrases obtenues, bien que d’apparence similaire, contiennent des éléments de chiffrage qui permettent, à l’aide de l’algorithme d’encryptage adéquat, de lire les informations complémentaires qui y sont ” cachées “.Par exemple, la phrase : ” Fire boundaries shall be set and maintained to prevent the spread of fire “ deviendra, une fois marquée : ” Set and maintain fire boundaries to prevent the spread of the fire. “ Un changement mineur, qui n’affecte pas le sens de la phrase, dont le watermarking est tout à fait indétectable.Cette technologie est apparemment parfaite. Comme pour les images, on peut répéter le procédé en de multiples endroits du texte. Un seul paragraphe, extrait d’un texte long, pourra ainsi contenir les mêmes éléments cachés que l’ensemble dont il provient. Et le remplacement de mots par des synonymes ou la suppression de phrases n’y changeront rien : le texte et ses différentes parties sont irrémédiablement ” marqués “.Les applications du procédé sont multiples et connues. Principalement, le respect du droit d’auteur (ce dernier pouvant sans doute un jour, presque automatiquement, être averti de l’utilisation abusive de l’un de ses textes, ou même de l’une de ses phrases), et le contrôle de l’intégrité d’un texte, notamment pour les documents officiels.Il n’empêche que, bien qu’admirable, la technologie a des aspects terrifiants. Il est intellectuellement difficile d’admettre qu’un texte contienne des informations cachées, non pas d’ordre sémantique, mais syntaxique. Du reste, on peut s’interroger sur l’utilisation future de la technique.Imaginez un instant que votre gestionnaire d’e-mails, à votre insu ou non, soit doté d’un tel procédé. Sans forcément que vous vous en rendiez compte, les messages que vous rédigez seraient altérés juste avant leur envoi, de façon imperceptible (surtout par les destinataires, qui n’auront jamais lu les originaux).Chaque texte comporterait en son sein des informations vous concernant, éventuellement votre identité, si vous l’avez transmise à l’éditeur du logiciel comme cela est souvent exigé. Pire, le watermarking s’appliquant à la syntaxe des phrases, et donc à l’ordre des mots et des lettres, vos messages vous seraient associés de façon définitive et absolue.Même après quun simple morceau de message aura été collé dans un autre fichier, imprimé, voire photocopié des dizaines de fois, son auteur sera toujours présent, de façon cachée…Un exemple complet de watermarking de texte : http://www.cerias.purdue.edu/homes/wmnlt/demo/index.phpProchaine chronique le mardi 12 juin.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Cyril Fiévet