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Wall Street et ses humeurs

L’échec ou le succès d’une fusion tient bien souvent à la confiance accordée par les marchés boursiers.

Rarement Wall Street aura réagi avec une telle férocité. Une semaine après avoir dévoilé son intention de racheter Compaq, HP avait vu le quart de sa capitalisation boursière partir en fumée. Alors qu’il est de coutume de voir le titre de la ” cible ” d’une OPA s’apprécier dans les jours suivant l’annonce de l’opération, l’action Compaq s’est effondrée de plus de 16 % en l’espace de cinq séances. Une véritable humiliation pour les instigateurs du projet, Carly Fiorina et Michael Capellas.De là à considérer que la fusion HP-Compaq est vouée à l’échec, il n’y a qu’un pas. Steven Kaplan n’est pas loin de le franchir. Ce professeur de l’université de Chicago a conclu de l’étude de 271 fusions qu’il existe un lien direct entre la réaction des investisseurs et l’issue d’une telle opération. “ Le marché ne croit pas que cela va marcher, et, le plus souvent, le marché a raison “, résume-t-il. Paul McGuckin, analyste au Gartner Group, enfonce le clou : “ On ne peut pas dire que le rachat d’Apollo Computer par Hewlett-Packard ait été un succès éclatant, et Compaq souffre encore d’indigestion après sa reprise de Digital Equipment. “Le monde de la technologie s’accommode mal des mois qui sont nécessaires pour procéder à l’intégration de deux groupes d’envergure. Pendant que les géants seront occupés à se réorganiser, le paysage concurrentiel “va évoluer à une vitesse très rapide“, souligne Robert Lamb, professeur à la New York University et spécialiste des opérations de fusions-acquisitions. ” Imaginez l’opportunité formidable que cela représente pour des groupes comme Sun, Dell ou IBM, observe Paul McGuckin. Ils ont beau jeu d’arriver chez les clients en disant : “Il vous faut des certitudes, venez chez nous.”””Dans la high-tech plus qu’ailleurs, le moral des troupes est fondamental, poursuit Robert Lamb. Ce sont des métiers qui demandent énormément de créativité, d’initiatives.” En développant leur projet en catimini par crainte des risques de fuite, HP et Compaq ont pris le risque énorme de mettre leurs meilleurs talents devant le fait accompli.

Paradoxale sanction

es deux Américains ont aussi été sanctionnés, paradoxalement, pour l’accent mis sur les avantages financiers à court terme de leur mariage. En substance : “Nous souffrons dans un marché qui va continuer de stagner dans les mois à venir, et la seule façon de faire grimper nos bénéfices est donc de diminuer les coûts grâce à la fusion. ” D’où la promesse de deux milliards d’économies dès la première année. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant, dit Robert Lamb, qui cite en contre-exemple le modèle des “Trois victoires faciles en cent jours” développé par l’Américain General Electric. “Chaque acquisition est justifiée à l’avance par trois avancées que l’une ou l’autre société n’aurait pas pu accomplir seule.

Voir plus loin pour y croire

es défenseurs du mariage HP-Compaq sont rares, mais ils existent. “On est obnubilé par le court terme, alors que la vraie valeur de cette opération se situe à deux ou trois ans, affirme Carl Howe, directeur de la recherche chez Forrester. C’est vrai, le marché des ordinateurs ne va pas se réveiller de sitôt, mais le nouvel HP a de quoi devenir l’un des acteurs majeurs du monde post-PC.” Sauf à être perfide, Michael Dell a estimé la fusion possiblement ” judicieuse “. Parole d’expert.

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homas Maurice à New York