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Voilà pourquoi le Galaxy Note 7 était un smartphone dangereux

Une société spécialisée dans l’optimisation des processus de fabrication des produits high tech a démonté et analysé la phablette mort-née de Samsung et découvert pourquoi elle était condamnée. Une histoire de batterie, mais pas seulement…

Pour la grande majorité d’entre nous, un smartphone se résume surtout à son apparence extérieure, à sa finesse et à la fluidité de son interface. On pense beaucoup plus rarement au tour de force que représente la conception de l’appareil. Le poids incroyable du design industriel et le talent époustouflant qu’il faut pour réussir à agencer tous les composants nécessaires à son bon fonctionnement dans des boîtiers toujours plus fins.

En septembre dernier, on en a vu une manifestation quand Apple a décidé de supprimer le port jack de son iPhone 7 pour des raisons d’encombrement interne et de finesse du boîtier. Sorti un mois avant, le Note 7 était lui aussi un bijou, destiné à briller haut et fort, jusqu’à ce que des utilisateurs rapportent que leur appareil avait pris feu. Assez rapidement, la batterie, fabriquée par Samsung SDI, a été pointée du doigt, mais les suppositions et enquêtes de Samsung n’ont finalement abouti qu’à un retrait total de la phablette. Une disparition qui a aussi laissé un gros point d’interrogation : quelle est la cause du problème ?

Un design “agressif”

Deux ingénieurs d’Instrumental, une société spécialisée dans l’optimisation des processus de fabrication de produits high tech pour des tiers, semblent avoir trouvé une réponse. Si les batteries étaient seules en cause, avancent-ils, leur remplacement aurait suffi. Le problème est donc plus global et tient à « un design agressif » selon Anna Shedletsky et Samuel Weis, respectivement directrice générale et directeur technique d’Instrumental. Une autre façon de dire que Samsung a poussé trop loin trop d’éléments lors de la conception de sa phablette, à tel point que les composants étaient trop instables pour permettre le bon fonctionnement de l’appareil.

Pour étayer ses dires, Instrumental annonce avoir mis la main sur un Galaxy Note 7 – tout en gardant un extincteur à portée de main. L’appareil a ensuite été démonté et passé au crible et les ingénieurs de la société de Palo Alto ont fait une découverte surprenante : le design de l’appareil peut compresser la batterie même dans des conditions normales de fonctionnement.

Une batterie trop confinée

Lorsqu’elles se chargent et se déchargent, les batteries lithium gonflent mécaniquement, à cause de la migration du lithium. « N’importe quel ingénieur en batterie vous dira qu’il est nécessaire de laisser un léger pourcentage d’espace libre au-dessus de la batterie », explique le post d’Instrumental. Généralement, on table sur une dizaine de 10% de l’épaisseur de la batterie. Pourtant, dans le cas du Galaxy Note 7, la batterie et son adhésif mesurent 5,2 mm d’épaisseur et reposent dans un berceau de 5,2 mm. « Il y aurait dû y avoir un espace de 0,5 mm », argumente Instrumental. Les concepteurs de Samsung ont donc méconnu cette règle de base et pour les deux ingénieurs d’Instrumental, cette décision n’a pu être prise que de « manière intentionnelle ».

Or, cette absence d’espace de « respiration » compresse naturellement la batterie, écrasant la fine couche polymère qui sépare la cathode de l’anode. Cela peut aboutir à ce que les deux couches soient en contact. Dès lors le flot d’énergie s’écoule dans l’électrolyte, ce qui provoque une surcharge pouvant mener jusqu’à l’explosion. 

Lors de ses communications, Samsung a indiqué que ce séparateur était plus fin que d’habitude pour permettre une plus grande finesse de l’ensemble. Dès lors, il est possible que la pression naturelle dans le Note 7, ajoutée à une pression normale exercée dans une poche fragilise la couche de polymère

Des précautions supplémentaires… mais insuffisantes

Anna Shedletsky et Samuel Weiss d’Instrumental poussent un peu plus loin leur analyse en mettant en avant ce qui dénote une « tension intellectuelle entre sécurité et limites repoussées ». Ainsi, les espaces autour de la batterie ont été rognés au maximum. Pour autant, Samsung l’a placé dans une sorte de berceau usiné, qui représente un surcoût significatif dans un produit fabriqué en large volume, comme ici. Le berceau est là pour protéger la batterie des autres composants qui l’entourent. Les ingénieurs de Samsung ont donc cherché à trouver un point d’équilibre entre les risques liés à cette batterie très fine et la sécurité des utilisateurs.

Pour Instrumental, les concepteurs de Samsung sont « très malins ». Ils savaient que l’innovation liée à la batterie requérait des précautions supplémentaires, qui ont dû être suffisantes à un moment du développement du smartphone. Mais, précise la société de Palo Alto, tester des batteries prend beaucoup de temps, parfois près d’un an. Et il faut en tester des milliers pour avoir une base d’informations valables. Il est donc possible qu’en cours de développement le processus de fabrication de la batterie ait évolué et que les derniers modèles n’aient pas bénéficié du même soin lors des tests.

En définitive, pour Anna Shedletsky et Samuel Weiss, si le Note 7 n’avait pas été retiré de la vente à cause de ses batteries instables et explosives, Samsung aurait certainement eu à gérer un autre problème d’ici quelques années : des Note 7 éclatés de l’intérieur par le gonflement des batteries. Dans tous les cas, le smartphone était un produit dangereux, lâchent-ils.

Evidemment, réduire la capacité de la batterie et adopter une méthode de fabrication classique aurait permis d’éviter le problème, selon les deux dirigeants d’Instrumental, mais dans ce cas, l’autonomie du Note 7 aurait été inférieure à celle du Note 5 et pire, inférieure à celle de l’iPhone 7 Plus.
Un résultat d’autant plus inenvisageable que Samsung aurait précipité le lancement de son Note 7 pour couper l’herbe sous le pied de son concurrent designed in Cupertino.

Source :
Blog d’Instrumental

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Pierre FONTAINE