Passer au contenu

Vivendiland

Les hommes, c’est comme les fromages : ça voyage plus ou moins bien suivant les pâtes. Certains attendent toute leur vie le maigre tampon nécessaire pour…

Les hommes, c’est comme les fromages : ça voyage plus ou moins bien suivant les pâtes. Certains attendent toute leur vie le maigre tampon nécessaire pour passer d’un pays à l’autre. Parfois, ils se lassent et finissent par se précipiter en masse dans le souterrain d’Eurotunnel, coursés par les CRS. À l’autre bout du spectre, il y a des individus qui ne sont plus d’aucun pays, qui ont déjà réalisé l’utopie internationaliste de l’homme sans frontière.Jean-Marie Messier, par exemple. Qui saurait dire aujourd’hui avec certitude de quelle nationalité il est ? Français ? Américain ? Vivendien ? Nasdaquien ? La rumeur universelle dit qu’il s’est définitivement installé à New York. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, il est allé donner spectaculairement son sang, tout comme des milliers d’Américains ou comme… Yasser Arafat. Et c’est encore de la plateforme new-yorkaise que J6M a lancé son fameux appel, son 18-juin à lui, qui tient en une seule phrase pour le moins antigaullienne : “L’exception culturelle franco-française est morte.” Ici, évidemment, au pays des cocoricos et des intermittents du spectacle, l’affaire a fait grand bruit, et les présidentiables, qui en étaient encore à se demander comment ils allaient entamer leur campagne tant que Ben Laden ne serait pas capturé mort ou vif, ne s’y sont pas trompés. Ils ont saisi la balle au bond, jurant leurs grands dieux que tant qu’ils seraient là, le petit village gaulois résisterait ardemment à la marchandisation culturelle d’un vilain Messier.Tout ceci est fort gentil, mais il semble bien qu’on ait occulté une dimension dans cette affaire. À savoir que Jean- Marie Messier ne nous parlait pas à nous, les Franco-Français. Qu’il y a belle lurette qu’il ne nous parle plus, parce qu’il y a belle lurette qu’il n’est plus Français, et encore moins Franco-Français. Si le thème de la Nation peut faire grimper un présidentiable dans les sondages, en revanche c’est typiquement le genre de thème qui fait baisser une entreprise à la cotation. Qu’on le veuille ou non, Messier préfigure le monde sur abonnement de demain, où lon ne sera plus Français, Allemand ou Américain, mais plus sûrement Vivendien, Berstelmannien ou encore Microsoftien.* Journaliste et essayiste

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Arnaud Viviant *