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Vivendi Universal, made in USA

Jean-Marie Messier confirme ses ambitions dans la communication. Avec l’achat de USA Networks, il affronte les géants américains.

“Vivendi Universal est-il encore un groupe français ? “, s’inquiétaient l’an dernier les tenants de l’exception culturelle après la fusion entre Vivendi, Canal Plus et Seagram, propriétaire des studios Universal. Pour Jean-Marie Messier, la question ne se pose plus : “L’exception culturelle française est morte. Nous vivons dans un monde globalisé, où règne la diversité culturelle “, a asséné le PDG du groupe en annonçant, le 17 décembre, depuis les États-Unis, “la création d’une nouvelle ” major ” américaine “. Vivendi Universal Entertainment (VUE) entend jouer dans la cour des AOL Time Warner, Disney et autres Viacom. Elle naît d’une nouvelle fusion : celle de Universal Studios Group et des activités TV et cinéma de USA Networks, jusque-là contrôlées par Barry Diller.“En créant Vivendi Universal Entertainment, nous nous rapprochons un peu plus de notre objectif : faire de Vivendi Universal le leader mondial de la communication “, s’est enthousiasmé Jean-Marie Messier, en présentant, en anglais, cette opération devant toute la presse américaine réunie à New York. Au même moment, une poignée de journalistes français vivaient l’événement à Paris en visioconférence. Tout un symbole.Dans l’immédiat, le rachat de USA Networks va permettre à VU de conforter son rang de numéro 2 mondial (32 milliards d’euros, soit 201 milliards de francs, de chiffre d’affaires dans la communication en 2002), derrière AOL Time Warner.

Échanges d’actions

Déjà propriétaire de 43 % de USA Networks, Vivendi Universal va donc racheter la majeure partie du groupe de Barry Diller, moyennant 10,3 milliards de dollars, payés pour l’essentiel en actions. En échange, ce vétéran des médias (il a notamment dirigé Paramount et Fox TV), a obtenu la présidence opérationnelle de VUE, dont il détiendra 6 % du capital. Il conserve par ailleurs le contrôle de USA Interactive (Home Shopping Network, Ticketmaster, etc.), dont Vivendi Universal possédera 12,5 %. Pour compliquer un peu plus l’opération, un autre Américain, Liberty Media, entre, lui, à hauteur de 3,6 % dans le capital de Vivendi Universal, en échange de sa participation de 20 % de USA Networks…Grands perdants de l’histoire, Edgar Bronfman Jr et Pierre Lescure. Coincé entre J2M et Barry Diller, le premier, qui a démissionné de son poste de vice-président exécutif de VU, pourrait vendre dès 2003 les 6 % que détient encore sa famille dans le groupe. De son côté, le PDG de Canal Plus, qui est “maintenu dans ses fonctions de codirecteur général des opérations de Vivendi Universal “, semble marginalisé. Il veillera “à l’intégration des synergies entre l’Europe et les États-Unis “.Jean-Marie Messier poursuit pour sa part son grand rêve américain. VUE alliera en effet le formidable catalogue de films de Universal Studios Group et les cinq chaînes de télévision contrôlées par Barry Diller : USA Networks, Sci-Fi Channel, Trio, News World International et Crime. Un réseau qui pèse 1,8 milliard de dollars de chiffre d’affaires et touche 84 millions de foyers aux États-Unis. “Nous comblons ainsi la faiblesse relative de Vivendi Universal dans la distribution de programmes aux États-Unis “, s’est félicité Jean-Marie Messier, qui a signé un autre accord en ce sens : moyennant 1,5 milliard de dollars, il va prendre 10 % d’Echostar, un bouquet de télévision par satellite, qui compte 6 millions d’abonnés aux États-Unis.

Une première depuis 20 ans

VUE obtient ainsi un débouché de choix pour ses programmes, tandis que Canal Plus fournira ses décodeurs au bouquet US. Ce deuxième deal pourrait prendre une dimension spectaculaire si Echostar parvenait à boucler sa tentative de rachat de son concurrent Direc TV et de ses quelque 10 millions d’abonnés. En Europe, VU dispose déjà de 15 millions d’abonnés à Canal Plus.Celui qui se définit comme “le moins français des patrons français” est donc en passe de réaliser ce qu’aucun géant de la communication n’est parvenu à concrétiser depuis 20 ans : bâtir un groupe de médias global, maîtrisant la production et la distribution de ses contenus audiovisuels des deux côtés de l’Atlantique… VU tirera ainsi 40 % de son chiffre d’affaires des États-Unis (45 % pour la France et 15 % pour l’Europe). Pour la convergence multimédia, leitmotiv du groupe il y a quelques mois encore, il faudra patienter. Internet ne représente toujours que 2 % de son CA.

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Thierry Del Jésus et Jean-Christophe Féraud