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Vers un éclatement de la grille des salaires

Les augmentations vont en priorité aux spécialistes Internet, mais aussi à des profils plus classiques. Au risque de rompre l’homogénéité de l’ensemble des salaires dans l’entreprise.

La surenchère des salaires due à la pénurie persistante d’informaticiens fait grincer des dents les directions générales et des ressources humaines. Elles n’ont clairement pas d’autres choix, en effet, que d’augmenter certains profils. “La donne est des plus simples, analyse Nicolas Doucerain, gérant du cabinet de recrutement Solic Carrières. Plus les postes sont recherchés, plus ils sont chers !” Une évidence ? Sans doute. Mais le meilleur moyen pour un informaticien d’être augmenté reste d’exercer un métier rare !
Deux catégories de fonctions sont concernées en priorité, et donc susceptibles de bénéficier les premières d’une augmentation significative cette année. Elles sont principalement rattachées à deux services : l’exploitation, d’une part ; les études et le développement, de l’autre. Les administrateurs de bases de données, par exemple, se situent parmi les métiers les plus recherchés. Ils se prévalent généralement de quatre à six ans d’expérience professionnelle et disposent d’un salaire annuel de 300 000 à 340 000 francs, selon Solic Carrières. Du côté des études et du développement, les profils les plus prisés sont, sans surprise, les chefs de projet Internet et intranet. “Des budgets importants ont été mis en place cette année, confirme Nicolas Doucerain. Les spécialistes d’Internet ayant deux à trois ans d’expérience gagnent désormais entre 260 000 et 290 000 francs.”

Mais les profils fonctionnels font également partie des métiers les plus convoités. C’est le cas du chef de projet et du responsable “standards et méthode”, chargé de la standardisation et de la qualité des systèmes d’information. Ils peuvent en effet prétendre, avec sept à dix ans d’expérience, à 350 000 à 450 000 francs annuels. Le second est d’ailleurs, la plupart du temps, diplômé d’une école d’ingénieurs ou doté d’un DESS en systèmes d’information, agrémenté d’une formation ISO 9002. Moins classiques, les chefs de projet “tests et recettes” font aussi l’objet d’une forte demande. Ils obtiennent, en général, entre 210 000 et 280 000 francs. Il faut dire que leur mission prend toujours plus d’importance, puisqu’elle consiste à qualifier et à tester les applications. Selon Nicolas Doucerain, la tendance est même d’ailleurs à la création de départements “tests et recettes” à part entière – en particulier dans le monde très exigeant de la banque.

Les surenchères bousculent les conventions collectives

Enfin, plus surprenant, les ingénieurs développement en architecture client-serveur ont toujours le vent en poupe. “C’est la profession qui va devenir la plus onéreuse, prédit même le gérant du cabinet. En ces temps de pénurie, ces informaticiens trouvent du travail six mois avant même l’obtention de leur diplôme ! Ils sont surtout chassés par les grandes SSII et peuvent prétendre, dès la première embauche, à un revenu annuel d’environ 230 000 francs.” Cette surenchère générée par les SSII pose d’ailleurs de sérieux problèmes aux entreprises utilisatrices. “Bien que la politique d’augmentation des salaires soit fondée sur notre convention collective commune à tous les organismes de la Sécurité sociale, nous sommes contraints d’augmenter certains de nos informaticiens de 5 à 15 %, se plaint ainsi Alain Folliet, DSI de la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf). Il y a un an, nous pouvions encore aligner leurs salaires sur ceux du marché. Mais, aujourd’hui, cet ajustement se révèle difficile à réaliser.”

En raison des tensions sur le marché de l’emploi informatique – il manquerait quarante-cinq mille informaticiens en France, selon Solic Carrières -, les DSI n’ont donc pas d’autre choix que d’augmenter ces profils rares. Mais si les directions générales affichent de sérieuses réticences, c’est qu’elles doivent maintenir un maximum d’homogénéité entre les salaires dans l’entreprise. A la direction générale des impôts (DGI), on a cependant trouvé une solution : un système de primes proposé aux fonctionnaires informaticiens, sans augmentation du salaire fixe. “Les primes sont attribuées en fonction de la qualification, et non des prestations des informaticiens, détaille Daniel Guyot, responsable du budget. Avec certaines limites. Un informaticien est considéré comme un fonctionnaire de catégorie A. En conséquence, sa rémunération ne dépassera pas 321 000 francs.” Reste que certaines entreprises résistent à leurs risques et périls. “La politique de la maison mère au Japon est stricte : pas d’augmentation cette année ! confie Bernard Olivier, DSI de l’industriel MBK. Cela va malheureusement engendrer du turnover.”

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Clarisse Burger avec Vincent Berdot