Passer au contenu

Vers la fin des forums Internet non modérés ?

Pour la première fois, la justice a condamné des webmasters de sites personnels pour cause de propos diffamatoires tenus, sur leurs forums, par des internautes.

En début de semaine, la justice a condamné, par deux fois, les webmasters de sites personnels pour cause de messages diffamants postés sur leurs forums. Ce ne sont ni les personnes ayant publié ces messages ni l’hébergeur qui ont
été incriminés.La première affaire, jugée le 27 mai dernier, opposait l’association des Scouts d’Europe à deux étudiants, auteurs d’un site personnel satirique, appelé Ligue de protection des Scouts d’Europe. Sur le livre d’or, des messages
insultaient l’association, assimilant les scouts à des nazis.L’association a obtenu 0,15 euro de dommages et intérêts, et les webmasters ont été condamnés lundi dernier à 1000 euros d’amende avec sursis par le tribunal correctionnel de Rennes.La seconde affaire concerne Pere-noel.fr contre les responsables du site Defense-consommateur.org. Le président du tribunal de grande instance de Lyon a considéré que les webmasters étaient tenus de surveiller les propos écrits sur
leur forum.
Ils ont été condamnés pour avoir laissé publier des messages diffamatoires et des insultes. La somme réclamée en dommages et intérêts a atteint cette fois 80 000 euros.

Deux jurispridences contradictoires

Ces décisions marquent un tournant dans la jurisprudence française.” Pour la première fois en Europe, un juge a retenu la responsabilité des créateurs d’un forum non modéré pour des propos tenus sur ce forum “, affirme Benoît Tabaka, juriste spécialisé.Les juges ont considéré que c’était
la loi sur la liberté de la presse de 1881 qui s’appliquait. Cette dernière prévoit que le directeur de la publication est responsable civilement et
pénalement en cas de diffamation. En l’absence dudit directeur, c’est le responsable du site qui est responsable.Pourtant, une affaire similaire,
jugée en février dernier et impliquant la société Finance Net, éditrice du site Boursorama, avait eu un résultat très différent.
Le vice-président du tribunal de grande instance de Paris avait alors considéré que l’on était dans le cadre de la loi sur les hébergeurs du 1er août 2000 “, rapporte Lionel Thoumyre, juriste
spécialisé.Cette loi stipule qu’un prestataire Internet ne peut être tenu pour responsable civilement ou pénalement des contenus sur ses services, que si, ayant été
saisi par une autorité judiciaire, il n’a pas agi pour empêcher l’accès à ce contenu.Finance Net ayant supprimé les propos, et mis en place des systèmes d’alerte, le vice-président avait alors considéré que la loi avait été respectée.

Une nouvelle ” affaire Lacambre ” en vue

Ces deux affaires risquent de faire grand bruit. En effet, la majorité des forums sur le Net français ne sont pas modérés. Tous les administrateurs de forums, les webmasters de sites personnels possédant un livre d’or ou un forum et
les éditeurs de journaux en ligne doivent désormais prendre connaissance des risques qu’ils encourent à ne pas contrôler ce qui s’y dit.” Au lieu de saisir la justice pour incriminer l’auteur des propos litigieux, les personnes victimes risquent de se retourner contre les personnes hébergeant ces propos, s’inquiète Benoît Tabaka.
Cette solution risque de causer une seconde affaire “Lacambre” dans le petit monde de l’Internet. “Valentin Lacambre, hébergeur gratuit avec Altern.org, avait été condamné en 1998 pour des photos hébergées sur l’un des sites personnels. A l’époque, le juge avait considéré que le fournisseur d’hébergement était assimilable à un
directeur de la publication et avait donc appliqué la loi de la presse.Les
remous qui avaient suivi cette condamnation avaient conduit le législateur à élaborer la loi du 1er août 2000, afin de protéger les intermédiaires
techniques.Cependant, il existe des limites à la possibilité de poursuivre pour diffamation n’importe quel forum.En effet, la loi de 1881 sur la liberté de la presse est limitée par un délai de prescription. Ainsi, une personne ne peut plus porter plainte pour des propos tenus plus de trois mois auparavant.” Mais il faut connaître très précisément le point de départ de la période soumise à prescription et son terme “, prévient Jean-Claude Patin, directeur de Juritel. ” Il faut
cependant que les webmestres fassent preuve d’un minimum de sérieux car il est difficile de rapporter une telle preuve
 “, conclut-il.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Karine Solovieff