Passer au contenu

Variations artistiques sur CD-Rom

Catherine Nyeki mêle chants et infographies sur CD-Rom. Son ?”uvre, intitulée ” Micros Univers “, invite le spectateur à manipuler et à mettre en scène d’étranges créatures.

Catherine Nyeki est une artiste assez inclassable. Il faut dire que son travail repose sur le concept peu banal de ” scénographie picturale interactive “. En clair, elle mêle infographies, chants et chorégraphies sur CD-Rom. Ce patchwork de disciplines pourrait paraître difficile à ingurgiter par Monsieur Tout-le-monde. C’est pourtant lui que Catherine invite en priorité à pénétrer dans ses Micros Univers. Ce CD-Rom a fait l’objet de plusieurs expositions et, à chaque fois, il n’a pas laissé le public indifférent.
Pour parvenir à hypnotiser et emprisonner le spectateur dans cette étrange galerie virtuelle, l’artiste applique une recette toute simple : l’interactivité. Elle invite le visiteur à s’approprier ses créations en lui proposant de manipuler d’étranges créatures de synthèse, bercées par des mélodies envoûtantes. Pour réaliser Micros Univers, Catherine s’est inspirée du monde de l’infiniment petit, qui la fascine. Les sculptures numériques qui peuplent cet univers virtuel sont le fruit de son imagination, même si certaines formes sont empruntées aux mondes minéral et végétal. La variété et la pureté des sons qui se superposent aux images sont aussi le résultat d’un travail de recherche : Catherine a enregistré des lignes mélodiques inspirées des chants populaires de Hongrie, son pays d’origine. Elle a ensuite retravaillé sa voix à l’aide de logiciels audionumériques.
Le spectateur devient créateur
Pour entrer dans cette galerie d’art virtuelle, le spectateur n’a d’autre solution que de s’emparer d’une souris infrarouge, placée devant un mur d’écrans. Difficile de ne pas se laisser prendre au piège. “Souvent, les gens n’ont jamais touché un micro auparavant. Ce n’est pas important, ils n’ont pas besoin de cela pour se prendre au jeu“. Sans autre soutien que son intuition, le spectateur se fraie, à coups de clics de souris, un chemin à travers ces Micros Univers. L’interface du CD-Rom lui permet de s’immerger en douceur et sans difficulté dans un tel monde : il peut se contenter de contempler chaque sculpture ou choisir de la démultiplier pour la combiner, la manipuler… Il devient ainsi créateur d’un étrange ballet, d’une constellation de formes imaginaires qui se superposent et s’enchevêtrent selon sa volonté. “Le spectateur crée une scène virtuelle, sur laquelle il fait danser ou voler les sculptures. Le chorégraphe, c’est lui “, explique Catherine Nyeki.
La sensualité qui s’en dégage réussit le plus souvent à lui faire oublier que ces Micros Univers ne sont, après tout, qu’un cocktail de créatures de synthèse et, surtout, qu’il se trouve devant un écran d’ordinateur.

“Depuis à peu près deux ans, la micro-informatique intéresse davantage les créateurs “, estime Catherine Nyeki. “Avant, on ne pouvait qu’être frustré par le manque de puissance des machines “. Pour pouvoir travailler correctement, l’artiste n’avait donc d’autre solution que d’acquérir une coûteuse et encombrante station de travail graphique.
Désormais, un Macintosh pourvu d’un processeur G3 suffit pour mener à bien son projet. Mais l’art numérique ne se résume pas pour Catherine à une simple question de performance matérielle.
” Faire sortir l’art des musées “
L’infographiste et professeur à l’Ecole normale supérieure, qui fut aussi décoratrice à la Comédie-Française, estime aussi que “le micro-ordinateur donne infiniment plus de souplesse à la création“. D’ailleurs, ce n’est pas tant la conception de l’?”uvre elle-même que sa perception par le public qui la fascine. Son ?”uvre n’est plus un tableau figé mais “une toile vivante, un espace de découverte qui se compose et se recompose au gré des spectateurs “, s’enthousiasme-t-elle.
Cela fait partie des messages que le professeur Nyeki tente de faire passer à ses élèves. Son cours propose notamment d’analyser comment l’essor des techniques de réalité virtuelle “permet d’explorer de nouvelles façons de voir et de savoir“. Tout un programme pour cette artiste qui mène, à sa façon, un combat pour tenter de “faire sortir l’art des musées“.
Elle y contribuera encore une fois, entre le 17 et le 21 décembre prochain, lors des Nuits savoureuses de Belfort. A l’occasion de ce festival d’art multimédia urbain, ses Micros Univers seront projetés dans la rue sur grand écran. Une reconnaissance supplémentaire pour son CD-Rom, déjà récompensé par le prix M?”bius et le Faust d’Or, qui semble intéresser des éditeurs japonais. En France, il n’a toujours pas trouvé preneur

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Stéphane Barge