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Une… dans le potag-e

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler ?” et parfois crier ?” plus librement…

Compétent, moi ? Pas d’insulte, s’il vous plaît… Je suis un dirigeant, pas un plombier. Pas non plus une secrétaire ni un comptable. La compétence, c’est un truc de gagne-petit. Le syndrome bas de gamme de ceux qui s’enorgueillissent de mettre les mains dans le cambouis et avancent dans la vie la tête baissée sous le capot. Soyons sérieux. Moi, je garde la tête haute, le regard fixé sur l’horizon macroéconomique, laissant tout ce qui est micro à l’armée des nains tatillons qui serrent les écrous dans la salle des machines…
Mon boss n’ose pas parler comme ça, il est trop intelligent. Mais trop intelligent pour ne pas le penser. Dans le groupe, tous les directeurs de département l’imitent, pour bien montrer qu’ils sont directeurs de département. Et ceux qui travaillent sous leurs ordres les imitent, pour bien signifier à ceux qui sont encore au-dessous qu’ils ne sont pas au-dessus. Et ainsi de suite, jusqu’aux start-uppers de base, ceux dont nous venons de racheter le concept et, malheureusement, la supposée compétence. C’est là ?” pardonnez cette expression très vieille éco ?” qu’il y a comme une couille dans le potage.
Mettons les mains dans la soupe, pour en extraire l’objet du délit, et bien nous faire comprendre. La semaine dernière, je rends visite à notre incubateur dernier cri, dans l’immeuble high-tech où nous avons installé notre “ plateforme ” (mon collègue, le directeur du marketing, utilise ce mot sans le comprendre. Moi aussi, d’ailleurs. Jusqu’à ce que j’apprenne par hasard, en parlant ?” par pure politesse ?” avec un vague préposé à l’informatique, qu’il s’agissait d’un méga serveur…). Arrivé à l’incubateur, je préside, en tant que directeur de la communication, une petite réunion cool relax de “training presse” destinée à aguerrir nos start-uppers chéris.
Il s’agit de peaufiner leur phrasé avant la conférence qu’organise le boss la semaine prochaine dans les salons de Ledoyen. Je les entraîne à répondre sans se planter aux questions de ces chiens de journalistes. “Quel est votre burning rate ? ” Silence. Ces ânes ne savent pas qu’il s’agit du taux de gaspillage (le nombre de billets qu’on peut brûler en pub et autres actions d’éclat avant de se faire engueuler par les investisseurs). Les journaleux, qui ne parlent plus que de ça, vont leur pitt-buller les mollets jusqu’à l’os. Mais nos start-uppers ne lisent pas les journaux (ils appellent ça des “ bouquins“, insulte suprême). Quant au jeune responsable de Onvousedite.com (édition online pour aspirants Goncourt), à la question “ Ferez-vous un jour concurrence à Bernard Fixot ? “, il répond, sans hésiter : “Vous vous trompez, il s’appelle Bernard Pivot, pas Fixot.” Textuel. Plus tard, j’ai essayé de rassurer le boss en lui disant qu’au moins, leur site avait une bonne arborescence.
Il me répond fièrement : “ Les plantes vertes dans le hall de l’incubateur, c’est ma femme qui en a eu lidée.

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La rédaction