Passer au contenu

Un employeur condamné pour avoir ignoré les activités en ligne d’un de ses salariés

Lucent Technologies vient d’être condamnée par un tribunal marseillais pour les agissements de l’un de ses salariés sur son site personnel. Une décision qui, si elle était confirmée, motiverait un renforcement de la cybersurveillance au
travail.

Usage privé d’Internet au bureau contre responsabilité des entreprises par rapport à leurs salariés : le débat vient d’être lancé par une condamnation sans précédent. Une entreprise vient, en effet, d’être jugée garante de
l’utilisation détournée d’Internet par l’un de ses employés.Le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille, le 11 juin 2003, a établi la responsabilité de la société Lucent Technologies, dont l’ex-salarié Nicolas B. avait utilisé le matériel et les moyens d’accès à
Internet pour créer, à l’insu de son employeur, un site personnel à contenus diffamatoires à l’encontre de la société autoroutière Escota.Le tribunal n’a pas retenu la demande par Escota d’une indemnité de 200 000 euros. L’entreprise devra uniquement s’acquitter des frais de justice, d’un montant de 4 000 euros. Mais elle est jugée fautive du délit
commis par Nicolas B., qui a pourtant reconnu avoir agi hors du cadre de ses fonctions et avait été licencié sur le champ.

Une décision susceptible de dérives

Pour appuyer sa condamnation, le tribunal met en avant une lacune du règlement interne de l’entreprise. Selon le rapport disponible sur le
site du Forum des droits de l’Internet, ‘ la libre consultation des sites Internet était autorisée et aucune interdiction spécifique n’était
formulée quant à l’éventuelle réalisation de sites Internet ou de fourniture d’informations sur des pages personnelles. ‘
Marie-Françoise Le Tallec, chargée de mission au Forum des droits sur l’Internet, souligne les faiblesses de l’argumentation. ‘ Le jugement n’est pas très précis sur le fond. Il signifierait que l’employeur peut
être condamné à partir du moment où il n’a pas interdit la création et l’alimentation d’un site. Cela présente le risque de voir les entreprises, craignant que leur responsabilité soit engagée, bannir toute utilisation personnelle d’Internet sur le
lieu de travail et revenir ainsi sur l’usage raisonnable souvent pratiqué de cet outil. ‘

Une mise en appel du jugement

Pourtant, l’arrêt Nikon du 2 octobre 2001 donnait raison à un salarié dont le courrier électronique avait servi de preuve dans une procédure de licenciement et reconnaissait
le droit à un usage privatif d’Internet. Dans la mesure où cela ne déborde pas sur sa productivité, l’arrêt autorise l’employé à utiliser Internet à des fins personnelles pendant son temps de travail.Le secrétaire général de Lucent Technologies France, Jean-Marc Gautier, s’insurge contre les contradictions du système : ‘ L’entreprise est en faute si elle enfreint l’usage privatif qu’on voudrait de plus en
plus large. En même temps, on lui demande d’effectuer des contrôles draconiens, de prévoir tous les cas d’utilisation et d’être un assureur permanent des risques. ‘
Selon Marie-Françoise Le Tallec, il ne faut pas donner trop d’importance à ce jugement qui émane d’un tribunal de grande instance de province : ‘ Le jugement devrait être précisé par les juges d’appel ou la
Cour de cassation pour être corrélé avec l’arrêt Nikon. ‘
Ce qui ne saurait tarder, puisque la société Lucent Technologies a l’intention de faire appel pour ‘ interprétation extensive de la
responsabilité de lemployeur ‘
.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Caroline Lebrun