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TVA: traitement de faveur pour les start-up

La direction générale des impôts a annoncé, le 3 janvier, la mise en place d’un dispositif d’accélération du remboursement de la TVA pour les start-up qui dépendent des trois directions parisiennes. Si l’expérience porte ses fruits, elle pourrait être étendue à toute la France.

A l’heure où le gouvernement annonce la création d’une mission pour l’économie numérique et où le tribunal de commerce met en place une chambre spécialisée dans les nouvelles technologies (lire l’encadré ci-dessous), la direction générale des impôts cherche à faciliter les tâches fiscales des jeunes pousses.” Dorénavant, les start-up auront un interlocuteur identifié au sein de leur direction des impôts. Nous espérons que les jeunes entreprises rentreront ainsi dans une relation de confiance avec le fisc, qui fera son possible pour accélérer les procédures, notamment le remboursement de la TVA “, explique Dominique Gibrat, directeur de la communication de la direction générale des impôts
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.Ce traitement de faveur a pour objectif de réduire au minimum les délais de remboursement des crédits sur la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) non imputable des jeunes pousses. En effet, selon la direction générale des impôts, là où la TVA représente une somme acceptable pour une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires digne de ce nom, elle devient un réel fardeau pour une start-up qui concentre son énergie sur son développement, donc sur l’investissement.” Il faut six à neuf mois pour être en ligne, commencer à générer du trafic et voir frémir son chiffre d’affaires. Pendant ce temps-là, les start-up doivent payer la TVA à leurs fournisseurs “, explique Jérôme Traisnel, président de Freever, société qui propose une interface de chat sur téléphone mobile.Il ajoute : ” L’année dernière, Freever a déboursé 600 000 francs en TVA. Cette somme représentait environ 15 % de notre trésorerie d’alors. Total : c’est l’étranglement pour une start-up qui a toujours un besoin urgent de liquidités. “

Une procédure lourde et trop lente

Le problème réside essentiellement dans la lenteur et la lourdeur de la procédure de remboursement. La direction des impôts estime les délais à deux mois. Pourtant, l’expérience montre que le remboursement prend parfois beaucoup plus de temps : ” Dans la société où je travaillais avant, le fisc a mis sept mois à nous rembourser la TVA “, raconte Yoann Poupinet, directeur financier d’ eQuesto, site d’experts en ligne.Même son de cloche du côté de Tradorama, site de vente de produits destockés pour l’entreprise. Bernard Grouchko, son président, s’insurge : ” Il faut de six à neuf mois pour voir un remboursement. Pour la vie d’une start-up, c’est monstrueux. “La procédure est d’autre part très lourde : ” Je suis convaincu que beaucoup de start-up ne récupèrent même pas leur TVA parce qu’ils ne savent pas comment faire. Les créateurs de la nouvelle économie sont souvent jeunes. Ils n’ont pas l’habitude de l’administration et, pour eux, c’est très facile de s’y perdre “, ajoute Bernard Grouchko.Les chiffres viennent confirmer cette impression. Dominique Gibrat donne l’exemple d’une direction des impôts où, sur 47 entreprises créditrices, 9 seulement ont fait une demande de remboursement de TVA. Mais il explique ce phénomène par une habitude française : ” Cette tendance à ne pas vouloir s’occuper des formalités est un trait national, que l’on rencontre aussi chez les artisans ou chez les agriculteurs. Les Hollandais et les Anglais sont très différents dans leur rapport à l’administration. “

Un traitement inégalitaire ?

Si la mise en place du dispositif porte ses fruits, la direction générale des impôts pense étendre le système des correspondants de start-up à tout le territoire. Reste une question de fond : pourquoi les jeunes pousses de la nouvelle économie et pas les autres PME qui auraient, elles aussi, bien besoin d’un coup de pouce ?Pour Dominique Gibrat, les start-up sont structurellement conditionnées par la vitesse : ” Dans la nouvelle économie, ce sont les entreprises rapides qui l’emportent sur les lentes. Dans l’ancienne économie, les gros l’emportent sur les petits. C’est ce changement de paradigme qui nous a fait réagir.”Si la mesure est généralement bien accueillie, certains acteurs de la nouvelle économie, comme Sophie Januel, directrice administrative et juridique de Newsfam, considèrent que cette action est profondément injuste : ” C’est une action discriminatoire. Si l’Etat peut décaisser pour cent start-up, pourquoi pas pour tous les artisans ? “, demande-t-elle.” Bien entendu, il faudrait avoir un correspondant pour tout le monde, se défend Dominique Gibrat. On est dans le pays de l’égalité, mais nous ne voulons pas rester les bras ballants. Il faut respecter et aider les start-up qui sont dans une situation objectivement différente des autres secteurs. “Les recettes de la TVA se sont élevées, selon la direction générale des impôts, à près de 700 milliards de francs en 2000, pour une recette fiscale totale de 1 500 milliards de francs. Si le système était effectivement étendu à toutes les sociétés, les caisses de l’Etat seraient moins pleines, le déficit budgétaire plus important, et l’économie française pourrait être considérée comme moins saine.
Cet argument de la direction des impôts renvoie à l’éternel problème de l’action isolée : faut-il ne rien faire au détriment de tous ou faire un peu au bénéfice de certains ?
(1) Les correspondants start-up sont : Barbara Peyraud à la direction des services fiscaux de Paris centre, tél. : 01 49 26 22 98 ; Jean-Marc Lecuyer à la direction des services fiscaux de Paris est, tél. : 01 44 89 75 32 ; Jean-Loup Combescot à la direction des services fiscaux de Seine-Saint-Denis, tél. : 01 48 96 54 86.

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Mélusine Harlé