Passer au contenu

Transformer les humains en cyborgs d’ici quatre ans, l’énorme défi d’Elon Musk

Mars ne lui suffit plus ! Le patron de Space X veut maintenant partir à l’assaut d’une planète inconnue, notre cerveau. L’objectif est de le connecter à des machines et au Cloud pour bouleverser l’Humanité.

Le futur est à nos portes. Le futur des grands romans de science-fiction et des nanars des années 80 et 90, le fantasme de l’Homme augmenté, transhumain, prochaine étape d’une évolution assistée par ordinateur, comme l’était la conception ou le dessin autrefois. Il y a quelques semaines, Elon Musk, visionnaire et entrepreneur un peu fou, dévoilait Neuralink, sa nouvelle société destinée à produire des interfaces homme-machine. Comprenez des implants qui permettraient de connecter notre cerveau à des ordinateurs localement, ou, mieux encore, au Cloud. Un rêve humide de Ray Kurzweil, sur le point de devenir réalité.

Homme et machine

Le patron de Tesla et Space X a donné davantage de détails sur sa nouvelle structure et ses ambitions, et s’il n’avait pas placé sous les feux de la rampe la voiture électrique et décroché la Lune, on aurait de la peine à y croire. C’est d’ailleurs toujours un peu le cas, de même que les dernières annonces de Facebook dans le domaine nous laissent un peu dubitatifs. Quoi qu’il en soit, entouré d’une équipe qu’il a recrutée lui-même, Elon Musk a confié ses intentions au génial site de vulgarisation Wait But Why.

Et Neuralink se voit chargé de produire, d’ici quatre ans seulement, ses premiers implants cérébraux capables de communiquer sans fil. Evidemment, il ne s’agira pas de permettre à n’importe qui de devenir un cyborg… mais plutôt d’offrir une solution à des personnes souffrant de sévères dommages cérébraux (lésions cancéreuses, AVC, etc.)

Monsieur Tout-le-Monde devra attendre, mais pas beaucoup plus longtemps, si l’on en croit Elon Musk, puisque les implants pour les « valides » pourraient être disponibles d’ici huit à dix ans. On est presque raccord avec les prédictions de l’inoxydable Ray Kurzweil.

La voie non intrusive

La tâche demeure toutefois colossale, car l’ambition de Neuralink est de rendre à terme les électrodes les moins intrusives possibles. Cela signifie que l’objectif est d’éviter l’obstacle de l’opération chirurgicale qui complique les choses :

  • en rendant les implants plus inquiétants pour le grand public,
  • en impliquant l’intervention de neurochirurgiens rares,
  • en augmentant les coûts.

Pour tenter de répondre à ces points, Elon Musk envisage la mise au point d’un robot similaire aux Lasik utilisés pour les opérations de l’œil, qui permettrait de réduire les coûts et d’automatiser l’opération.

Une loi de Moore pour nos neurones

Néanmoins, cette phase pourrait n’être finalement que l’aboutissement d’un long chemin, l’ultime obstacle. Car il va d’abord falloir que les équipes d’Elon Musk arrivent à résoudre de nombreux problèmes. Et en premier lieu celui de la bande passante permettant une véritable connexion du cerveau à une machine.

Pour l’heure, les expériences réalisées permettent de mesurer l’activité de 500 neurones de manière simultanée, ce qui nécessite environ 200 électrodes. Petit souci, pour franchir un cap significatif et permettre les usages dont rêve Musk, il faudrait pouvoir enregistrer l’activité d’un million de neurones. En étant un peu plus modeste, 100 000 neurones pourraient marquer une étape importante, en tout cas suffisante pour initier une petite révolution.

Or, augmenter le nombre de neurones étudiés n’est pas chose facile. C’est là qu’intervient une sorte de loi de Moore. Parfois appelée loi de Stevenson, du nom d’un chercheur qui a établi une analyse de l’évolution du nombre de neurones pouvant être surveillés simultanément depuis une cinquantaine d’années, elle établit que le nombre de neurones enregistrés double tous les 7,4 ans. A ce rythme, explique Tim Urban de Wait But Why, il faudra attendre la fin du siècle pour atteindre le fameux million. Les équipes d’Elon Musk ont donc du pain sur la planche.

Cerveau IA.jpg

Encore quelques obstacles…

Autre gigantesque problème : pour proposer un service accessible au grand public, les chercheurs de Neuralink envisagent un système de communication sans fil. Les puces implantées devront ainsi être capables de communiquer et de recevoir un grand nombre de données sans qu’un câble ne relie le crâne de l’utilisateur à une machine, ce qui est le cas actuellement. Un choix qui pose de nombreux défis, dont la question de l’amplification et de la conversion du signal, ou plus simplement de la compression des flux de données. Sans oublier évidemment qu’il faudra alimenter tout cela… par induction.

Tous ces composants électroniques devront en outre être biocompatibles – le corps humain tolère assez mal les intrus – et ne pas prendre trop de place, sauf à déformer la boîte crânienne. Un million d’électrodes de taille actuelle représenterait la taille d’une balle de baseball. Les chercheurs d’Elon Musk vont devoir trouver un moyen de miniaturiser leurs composants. Une fois encore, les nanotubes de carbone sont sur les rangs des solutions idéales potentielles.

La miniaturisation n’est donc pas une option, mais il faudra aussi miniaturiser tout en augmentant les performances. Car les puces actuelles enregistrent seulement l’activité électrique. Pour permettre une réelle interaction entre l’homme et la machine, il faudra non seulement que ces électrodes puissent enregistrer les neurones mais également les stimuler, interagir avec eux chimiquement, mécaniquement et électriquement.

Et un petit dernier pour la route

Reste un dernier tout petit – minuscule – obstacle. Personne ne sait encore réellement comment fonctionne le cerveau humain. Néanmoins, Flip Sabes, spécialiste des interfaces cerveau-machine, et cofondateur de Neuralink, semble balayer ce problème. « S’il était nécessaire de comprendre le cerveau pour interagir avec lui de manière substantielle, nous aurions un problème. Mais il est possible de décoder toutes ces choses dans le cerveau sans vraiment comprendre les dynamiques de son fonctionnement », affirme-t-il. Sauvé ? Pas complètement.

Si on peut enregistrer et « comprendre » les signaux dans une certaine mesure, on ne sait en revanche pas comment parler aux neurones, surtout quand on ne les compte plus par centaines mais en millions.

Il faudrait des capacités de calcul énormes et des IA incroyablement bien pensées pour réussir à établir une charte du « langage » cérébral, une sorte de correspondance entre certaines activités neuronales et des commandes spécifiques.

L’Humanité 2.0 ?

Avec ce nouveau projet, Elon Musk entend autant créer une structure économiquement viable et innovante qu’un déclencheur d’une révolution de fond. Une révolution qui se fera évidemment par étapes, au fil des progrès technologiques. Elle permettrait à l’Humanité de franchir un nouveau cap. Elon Musk parle même de « télépathie consensuelle » pour dessiner d’un concept le changement dans les communications que promet sa société. Un concept qui donne bien toute la mesure de l’impact potentiel de son projet mais qui met également bien en lumière tout le chemin qui reste à parcourir, l’énorme montagne à renverser, les colossaux enchaînements de bonds technologiques à enchaîner. La route est encore longue vers l’Humanité 2.0. Mais doit-on s’en plaindre ?

Source :
Wait But Why

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Pierre FONTAINE