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Tout à 10 francs

Un logiciel gratuit ? Une prestation de conseil soldée à -50 % ? C’est possible, il suffit de savoir devenir une référence.

Quoi de plus gratifiant pour un acheteur, un directeur informatique, un chef de projet que d’annoncer qu’il a obtenu un rabais substantiel ? Le patron, heureux, va pouvoir faire des économies. Enfin, le service informatique devient raisonnable ! Enfin, on va avoir un peu d’argent pour investir ! Mais comment faire pour négocier un bon arrangement avec son fournisseur ? Réponse : devenir une référence.Première ruse au grand marché du logiciel pas cher : profiter de la naïveté du nouveau venu. Fournisseur venant juste de s’implanter en France, éditeur nouvellement créé ou société composée d’ingénieurs, vous allez pouvoir jouer ici sur la méconnaissance de l’interlocuteur commercial. Dans les deux premiers cas, il recherchera son premier client, celui qu’il pourra montrer pour marquer son nouveau territoire. Le troisième est plus pervers et, dans un sens, bien français : la culture du fournisseur est technique et vous allez tourner ses difficultés à vendre à votre avantage…Deuxième ruse, utilisée à satiété par les grands distributeurs et très vite popularisée chez les gros clients en général : profiter du rapport de force. Vous êtes gros et connu, il est petit et faible. Ce profil se montre quasiment prêt à payer pour que votre nom figure en tête de sa liste de références. C’est comme ça que France Télécom, Alcatel, EDF-GDF, etc. ?” la liste est longue, il suffit de regarder les sites des fournisseurs ?” deviennent les clients de tout le monde. Utilisent-ils les logiciels ? C’est une autre histoire.Troisième astuce : profitez et faites profiter de votre image. Vous êtes beau et original, il est laid et quelconque. C’est de cette façon que les premières start-up Internet ont acquis des systèmes impressionnants, voire surdimensionnés, en parfaite incohérence avec leurs capacités budgétaires. Mais travailler pour elles, c’était prouver que l’on pouvait faire preuve de rapidité, d’efficacité, bref, que l’on pouvait assurer dans l’e-business. Aujourd’hui, pas sûr que cela marche aussi bien mais ce genre de modèle est reproductible.Ce jeu de la négociation peut griller ceux qui s’y essaient. Vous, le client, risquez de rejouer malgré vous le mythe de Faust. Certes, vous allez truster les premières places des listes de références de vos fournisseurs ?” ou pseudo-fournisseurs ?” mais au prix de votre âme. Ou, plus prosaïquement, de votre place. Car devenir une référence, c’est avant tout se montrer. C’est aussi accepter certains compromis.Ainsi, ne comptez pas sur un support pointu si vous ne payez pas. Attendez-vous à multiplier les projets pilotes, les logiciels et matériels ” pas chers ” l’étant souvent uniquement dans le cadre de tests mais beaucoup moins lorsqu’il s’agit de déploiements en grandeur nature. Préparez aussi votre plus belle cravate car il est vraisemblable que vous allez devoir participer aux séances de témoignages client, voire à de multiples rencontres avec la presse. Votre tête partout, c’est pour demain ! Sans parler des cadres contractuels de telles pratiques : flous ou carrément inexistants.En somme, le marché discount, le ” tout à 10 francs “, la grande braderie de l’informatique, force à naviguer en eaux troubles. Si vous n’y êtes pas à l’aise, préférez les contrats béton, chers et à votre avantage. Vous n’aurez pas droit aux compliments du patron mais, de toute façon, il est habitué à ce que vous lui coutiez cher. Et vous, vous endormirez tranquille, dans la joie béate et ouatée de systèmes qui tournent. Peut-être même serez-vous satisfait d’avoir payé deux fois plus cher que les autres.Prochaine chronique lundi 19 novembre* Philippe Billard est chef denquête à 01 Informatique

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Philippe Billard