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Tous espionnés : Surveillance électronique planétaire

Duncan Campbell, qui révéla l’existence d’Echelon, décrit comment, par qui et pourquoi nous sommes espionnés en permanence. Vendu au prix d’une place de cinéma (40 francs), ce livre se lit comme on regarde un film d’horreur : d’abord on a peur, puis on voit les trucages. Et à la fin, on ne sait plus très bien.

Au début de Surveillance électronique planétaire, le lecteur apprend que les télécommunications mondiales sont écoutées depuis 1947 (p. 17) par une organisation internationale (Etats-Unis, Canada, et Royaume-Uni). Cette surveillance ne se limite pas à une ou deux lignes téléphoniques. Non. Téléphone, radio, câbles sous-marins, liaisons satellites, tout est espionné. Bien qu’il ait souvent changé de nom, ce réseau d’espionnage nous est connu sous le nom d’Echelon.L’énoncé de ces quelques faits et l’ampleur de la man?”uvre font froid dans le dos. D’autant que le style de Duncan Campbell, loin des reportages fleuve à l’américaine, joue la brièveté et la précision. Des phrases courtes jusqu’au laconisme, des paragraphes brefs, beaucoup d’informations et peu de mots.

Un remarquable inventaire

Duncan Campbell n’essaie pas de vendre des gadgets à la James Bond. Il connaît bien les techniques mises en ?”uvre. Il rappelle qu’il n’existe pas de système de reconnaissance vocale fiable (p. 142), qu’il est impossible de capter des émissions électromagnétiques sur une fibre optique (p. 57), que la reconnaissance d’écriture la plus performante est mise en échec par un simple texte manuscrit. Bref, Duncan Campbell nous met les points sur les ” i ” : espionner demande du personnel et des finances, ce n’est pas le fait abstrait de quelques machines ronronnant dans leur coin.Alors, l’auteur nous parle de lieux, d’effectifs, d’implantations, d’argent, de votes de budgets. Il décrit des techniques, des réussites, des échecs aussi. Il raconte comment Echelon est utilisé au profit des entreprises américaines contre l’Europe. Il nous précise que la police n’y accède guère, moins en tout cas que l’armée et les politiques.

Un réseau utilisé pour la guerre économique

Duncan Campbell est très minutieux. Il détaille le fonctionnement d’Echelon : collecte de l’information, traitement, distribution, type d’utilisation… C’en est même fastidieux. A l’horreur du début succède la lassitude. Echelon se réduit à un inventaire : bases d’écoute, noms de dirigeants, rappels de faits, apartés techniques. Bref, après l’horreur, le lecteur voit les ficelles, les effets spéciaux, la grosse machinerie un peu triste.On n’en saura pas plus sur les motivations, ni des commanditaires ni des individus préposés aux basses ?”uvres. On n’en saura pas plus sur les méthodes mises en ?”uvre pour cacher, cinquante ans durant, l’existence d’un dispositif d’espionnage planétaire global.Et puis, selon la règle qui préside aux bons films d’horreur, le livre boucle la boucle et nous rappelle que la description de l’horreur ne suffit pas à maîtriser l’horreur.

Echelon condamné ?

Surveillance électronique planétaire verse dans l’espoir à quelques pages de la fin. Le rythme de l’évolution technologique est tel que les organismes d’espionnage ne peuvent plus suivre, avance Duncan Campbell ; le chiffrement (échanges codés d’informations) nous met à l’abri, tout cela coûte trop cher. Bref, l’horrible réseau Echelon, ce serait fini, ça ne pourrait plus durer.Personnellement, cette note d’optimisme ne m’a pas convaincu. Je lui trouve presque un air de manipulation : Echelon enterré ? Mais les codes, ça se casse, l’argent, ça se trouve, les technologies, ça se développe. Pourquoi donc les Etats qui nous ont espionnés durant des années cesseraient-ils d’un coup ? Ce livre veut nous rassurer ? C’est inquiétant. Comme dans les films d’horreur, les monstres sont morts, disparus, oui, mais dans le cimetière, quelque chose bouge encore, quelque chose quon ne fait que deviner.Duncan Campbell, Surveillance électronique planétaire, éditions Allia, 40 francs.

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Renaud Bonnet