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Thierry Breton (France Télécom)

‘ Rien n’est jamais gratuit, même avec Internet. ‘

Deux ans après son arrivée à la tête de France Télécom, Thierry Breton poursuit sa stratégie d’opérateur intégré et de relance de l’innovation, tout en s’interrogeant sur la mutation de son modèle
économique.01 Réseaux : N’êtes-vous pas inquiet de la multiplication des condamnations (tribunal de commerce de Paris, Conseil de la concurrence, Commission de Bruxelles) à l’encontre de France
Télécom ?
Thierry Breton : C’est la loi du genre, et les faits incriminés sont bien antérieurs à mon arrivée. Prenez le régime, contesté par Bruxelles, de la taxe professionnelle : c’est une décision de Michel
Charasse, alors ministre du Budget, lors du changement de statut de 1990. France Télécom reversait alors, bon an mal an, 14 milliards de francs au budget général de l’Etat. Certains parlaient même de collecteur d’impôt déguisé.
Aujourd’hui, nous faisons tout pour respecter scrupuleusement la loi. Même si la concurrence est un peu artificielle, je m’en suis fait une philosophie…Dans quel état avez-vous trouvé France Télécom lors de votre arrivée ?Je ne suis pas procureur, mais j’ai trouvé beaucoup de manipulations, du fait d’un nombre restreint de personnes, ainsi qu’une certaine acculturation économique. Rien qu’entre MobilCom et NTL – qui ont
mobilisé 25 milliards d’euros -, c’est déjà deux fois le Crédit Lyonnais ! L’Etat et Francis Mer (alors ministre de l’Economie et des Finances) sont donc venus me chercher. Ensuite, il ne fallait pas leur
demander, pas davantage qu’aux banques, de mettre de l’argent.À l’époque, il avait été envisagé de procéder à une augmentation de capital autour de 3 euros par titre. Autant dire que les banques auraient pris le contrôle de la maison. Je me suis donc donné deux mois pour faire
l’état des lieux et définir une nouvelle stratégie, sachant qu’il était crucial que les deux opérations soient effectuées simultanément. Il a également fallu faire accepter tout cela au corps social sans mettre en cause les personnes.Il fallait aussi relancer la dynamique de l’innovation alors que le Cnet avait été laissé en friche durant de longues années… Ensuite, il a fallu s’attaquer à la réintégration des filiales, Orange puis Wanadoo, pour
recréer un opérateur intégré.Pourquoi cette volonté farouche de recréer un ‘ opérateur intégré ‘ ?Parce qu’on n’arrivait pas à mettre les synergies en ?”uvre et qu’il y avait un malentendu avec les dirigeants et les actionnaires d’Orange, qui pensaient être à la tête d’un second Vodafone,
alors que France Télécom en détenait 86 % !Si l’on veut que les utilisateurs ne soient plus prisonniers d’un système de communication, il faut nécessairement une intégration globale. C’était auparavant impossible, puisque tout cela était géré par des
serveurs différents, avec des carnets d’adresses différents. Ce processus d’intégration est en cours, afin d’offrir un continuum réseau fixe, Wi-Fi, WiMAX, UMTS, etc. Toutes les nouvelles technologies sont à prendre en
compte.Comment voyez-vous l’évolution du haut-débit ?Du fait de l’ADSL et du dégroupage, la France est le pays le moins cher d’Europe pour le haut débit ! Soixante départements ont, par ailleurs, signé la convention ‘ départements innovants ‘ depuis le début de
l’année, et 96 % de la population française sera desservie à 4 Mbit/s d’ici à la fin de 2005. Quand on parle de ‘ fracture numérique ‘, je ne comprends donc pas de quoi il s’agit ! À court terme, nous
offrirons également du 6, 10, 12 et 18 Mbit/s.Et les usages, comment vont-ils évoluer ?Il faut mettre les clients au centre de leur propre univers (avec des tarifs préférentiels en fonction de leurs usages spécifiques) et recréer dans le fixe le même environnement que dans le cellulaire. Même si c’est complexe à
mettre en ?”uvre, nous nous efforçons d’offrir des accès indifférenciés quel que soit le type de réseau, tout en nous mobilisant sans cesse autour de l’innovation.La montée en puissance du protocole IP bouleverse l’économie des réseaux. Comment comptez-vous retomber sur vos pieds, alors que l’une de vos principales sources de revenus, la voix, s’amenuise quand elle ne
devient pas gratuite ?
Détrompez-vous, rien n’est jamais gratuit, ni la voix sur IP, ni l’accès à Internet ! Même avec l’IP, tout a un coût, et les mentalités devront évoluer sur ce point. De toute manière, un business plan doit, par
définition, être remis en cause en permanence. Surtout dans un environnement technologique, où les modèles économiques sont sans cesse en mutation.

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Henri Bessières et Thierry Outrebon