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Test du cahier numérique reMarkable 2 : un concentré d’intelligence presque parfait

Basée sur une technologie d’encre numérique monochrome, la reMarkable 2 est la première « tablette » pensée pour écrire et étudier qui soit pleinement convaincante. En se concentrant sur l’essentiel, les équipes de la jeune marque scandinave ont fait mouche.

Qui peut le moins, vous amène à faire plus. Ce pourrait être le slogan de la tablette reMarkable 2, une tablette à encre électronique moyen format. Si on parle de faire moins, c’est que la seconde génération de tablette des Scandinaves de reMarkable ne se disperse pas : point de jeux vidéo, de lecture audio/vidéo ou de navigation Web, l’appareil sert à consulter et saisir du texte. Et c’est notamment cette concentration sur les fondamentaux qui font sa réussite.

Des technologies matérielles matures

Propulsée par un petit processeur ARM à deux cœurs, la tablette offre une surface utile de 10,3 pouces pour une définition de 1872×1404 pixels, soit une résolution de 226 points par pouces. L’image est donc très précise pour de l’encre électronique (technologie E-Ink Carta). L’appareil dispose d’une prise USB-C pour la recharge et la connexion PC (un peu artisanale), du Wi-Fi et d’un système de connexion pour les accessoires du type protection d’écran. 

Pas de couleurs, non plus, l’écran est en nuance de gris, pas de super processeur mais une puce économe en énergie, pas d’Android mais un système maison (sans doute basé sur Linux). La reMarkable 2 s’appuie sur des technologies matures et stables, et les ingénieurs logiciels de l’entreprise ont réalisé un travail… remarquable. Pour de l’encre électronique, le temps de réponse est excellent et permet de profiter d’une vraie expérience d’écriture. Car outre la consultation de documents, la tablette permet aussi de prendre des notes. Un domaine dans lequel toutes les tablettes et autres solutions que nous avons testées au fil des années se sont tout simplement plantées – pas au point, trop lent, synchronisation difficile, technologies propriétaires, etc.

Stylet(s) magique(s)

Allons droit au but : l’expérience d’écriture sur la reMarkable est quasi équivalente à celle du papier. Voire, dans le cas des manchots dans notre genre (ratures,  fautes d’orthographe, etc.), elle s’avère meilleure puisque les gribouillis s’effacent d’un coup de gomme logicielle. Notez que si le temps de latence de l’écriture manuscrite est très court, il n’en va pas de même en ce qui concerne la navigation et le clavier virtuel, plus poussifs, plus proches de l’expérience classique des écrans e-ink.

Il existe deux stylets qui diffèrent par une fonction (et un prix) : affiché à 99 euros soit 40 euros de plus que la version normale, le « Marker Plus » intègre une gomme virtuelle sur la seconde extrémité.
Mais du point de vue de la saisie en elle-même, il n’y a aucune différence entre les deux modèles. La version gomme ne l’impose donc qu’aux dessinateurs, croqueurs et autres compositeurs. Car les modèles de cahiers sont nombreux et variés.

Des dizaines de modèles de cahiers

Entre le temps où nous avons initialement reçu la tablette et l’écriture de ce test, plusieurs mois après, les équipes ont ajouté quantité de nouveaux modèles, notamment dédiés à la musique. A l’heure actuelle, la reMarkable 2 propose 47 modèles de cahiers, allant des tablatures de guitare basse, en passant par des partitions de piano, jusqu’au cahier ligné, plusieurs semainiers, des grilles, des listes et même des storyboards (à une, deux ou quatre cases).

Du côté minimaliste, le cahier blanc est évidemment de la partie, quand du côté plus exotique du spectre, on retrouve les pages pointillées voire un système de cases isométriques.
En clair, il devrait y en avoir pour tous les besoins. Le cas échéant, nul doute que les développeurs peuvent implémenter de nouveaux formats pour peu que les voix se fassent entendre.

Force de la saisie manuelle

Le clavier c’est bien, mais la prise de notes manuscrites a un autre impact, notamment sur la mémoire. De plus, pour qui a pris des habitudes de notation pendant ses études, la saisie au stylet peut s’avérer bien plus rapide et efficace. Le phi grec minuscule (φ) qui permet de résumer le mot « physique », les ent en exposant pour les adverbes, etc. nombreuses sont les astuces manuscrites qui peuvent faire gagner du temps par rapport à une saisie via clavier, même simplifiée.

La mémoire visuelle est plus efficace dans le cas du feuilletage de notes manuscrites, grâce notamment à la position spatiale des éléments (marges, haut de page), mais aussi leurs formes, puisqu’on peut faire des schémas avec un stylet – bonne chance pour ajouter rapidement des formes sous Word !

Pour peu que le débit de votre cours/conférence/etc. ne soit pas trop rapide et que votre écriture naturelle soit potable, la reconnaissance de caractères fonctionne par ailleurs plutôt convenablement ce qui permet d’envoyer (moyennant une connexion Internet active), la conversion de ses prises de notes.

Cette reMarkable 2 a été utilisée sur le long terme et dans un cadre plutôt professionnel : prise de notes pendant les (avalanches) de conférences de presse en télé/visio phonie, préparation de formats vidéo, lecture de PDF techniques, etc. Sa grande force ? Contrairement aux blocs-notes, cahiers, feuilles volantes et autres morceaux de papier qu’on égare ou oublie, la reMarkable peut propulser ses notes dans le cloud.

Du papier connecté

Les capacités connectées de la tablette nous ont déjà sauvé la mise à plusieurs reprises, notamment pour remettre la main sur des données ou des citations précises d’interlocuteurs.
Si vous avez pris la peine de configurer la connexion Wi-Fi sur votre tablette et que vous fassiez un peu attention à la synchroniser de temps en temps, tous vos cahiers sont synchronisés dans le cloud. En installant l’application reMarkable sur votre PC, vous pouvez donc avoir accès à tous les documents de votre tablette. De quoi terminer en temps et en heure des articles, ce alors même que vous avez oublié le précieux objet chez vous.

Cette connectivité n’est pas limitée au PC puisqu’il existe une application mobile Android/iOS qui offre les mêmes fonctionnalités. Bon point côté sécurité : il faut passer une procédure d’authentification par code envoyé par email pour valider la connexion. Mais il y a quand même une incertitude sur la nature du stockage des fichiers – nature du prestataire cloud et chiffrement.

Plus douée pour les PDF que les EPUB

Pour qualifier cet appareil, nous avons tour à tour employé les termes de tablette ou cahier, jamais celui de liseuse, ce alors même que lecture et l’annotation de PDF est confortable grâce à un système de calques – modulo la mise en page native des fichiers. La raison est que si l’usage « professionnel » en PDF est agréable, la lecture de livres est moins riche que sur une vraie liseuse.

Outre l’absence de rétroéclairage, la reMarkable 2 souffre, dans l’usage livre, d’une absence de mode bibliothèque efficace. De plus, la lecture des fichiers ePub se fait de la même manière que la prise de note ou la lecture de PDF : la tablette est en mode édition, propose les outils d’écriture, de calques, etc. Mais pas de marque-page par exemple ni de section « en cours de lecture ». Et au lieu de présenter la couverture des livres, l’interface affiche un aperçu de la page ouverture (pas toujours facile pour retrouver son livre !
Les options de mise en page (taille et nature des polices, réglages des marges, etc.) sont présentes, mais minimalistes. La lecture ne pose aucun soucis et l’écran est très bien défini et confortable, mais l’expérience est moins riche qu’avec une « vraie » liseuse.

Concernant la navigation, en ePub mais aussi en PDF, comptez un peu de temps lorsque vous passez en mode « Page Overview » : dans cette présentation par vignettes, il faut que la tablette créer les aperçus pour chaque page. Autant vous dire que la création a pris un peu de temps pour Earth Portrait 6th Edition, un ouvrage universitaire de géologie de plus de mille pages, bardées d’images.

Si les vignettes sont créées une fois pour toutes, la navigation reste assez lourde – il faut préférer une lecture linéaire, utiliser l’index interactif ou le champ de recherche pour aller plus vite. L’expérience est ici convenable, mais une amélioration de la vitesse de défilement serait la bienvenue.

Avec sa mémoire intégrée de 8 Go (6,41 Go effectifs) impossible à étendre par le biais d’un emplacement Micro SD, on aurait pu croire que l’équipe a joué la carte de la sécurité pour intégrer un ou des services de gestion de PDF avec DRM. Ce n’est hélas pas le cas, puisque la tablette ne prend même pas en charge Adobe Digital Edition. Ce qui la prive, par exemple, des PDF d’éditeurs scientifiques comme Elsevier ou McMillan. Espérons que reMarkable pallie cette limite au plus vite. En attendant, le cassage de DRM devient une obligation pour les étudiants, professeurs, chercheurs, scientifiques et autres professions qui ont besoin de lire des PDF protégés.

Absence de rétroéclairage et stockage limité

Il existe des maniaques du stockage local, des humains qui se disent qu’il vaut mieux transporter le plus de documents possibles hors ligne pour éviter de dépendre du cloud : les survivalistes, les flippés des attaques nucléaires, les partisans d’une moindre consommation énergétique, les amoureux de la pensée hypertextuelle, qui ricochent de livres en ouvrages, et l’hurluberlu qui rédige ses lignes (qui conjugue plusieurs des pathologies mentionnées ici).

Aussi, si les 6,41 Go de stockage peuvent suffire à de nombreuses personnes, les maniaques dans notre genre qui achètent des publications en PDF (l’excellent magazine cycliste 200, les collections de documentations des différents packs de Humble Bundle, etc.), qui aiment à avoir leur bibliothèque calibre (750 Mo dans mon cas) et/ou qui ajoutent des papiers scientifiques toutes les semaines, peuvent rapidement avoir à jongler avec les documents. Une limite qui aurait pu être évitée avec un simple emplacement Micro SD.

Autre limite, cette fois plus compréhensible : l’absence de rétroéclairage. Outre la préservation de la durée de vie de la batterie – qui tient facilement une à deux semaines, selon les usages –, sa non-implémentation permet de réduire les coûts et de rester dans le domaine de l’analogique « naturel », c’est-à-dire dépendant de la lumière extérieure – au contraire des tablettes à écran LCD/OLED. Mais nous aurions préféré avoir le choix.

Concentrés sur les objectifs

Les équipes de reMarkable auraient pu ajouter un lecteur audio, notamment pour les audiobooks. Et pourquoi pas le support du Bluetooth ou une prise jack, pour sortir le son ? Et puisque le stylet est si bon, pourquoi pas un sudoku ou des mots croisés tant qu’on y est ? Ou des fils RSS, puisque la connectivité Wi-Fi est de la partie ! Vu le potentiel de la machine, beaucoup d’éléments peuvent être ajoutés et c’est par choix que l’entreprise ne les a justement pas intégrés pour ne pas tomber dans le « piège de l’iPad ».

L’omnipotence de la tablette d’Apple – sans conteste la meilleure des tablettes – est sa plus grande faiblesse pour un usage académique. L’étudiant, le professeur, le chercheur, le journaliste, etc. tous sont des humains qui répondent aux mêmes besoins, pulsions. Telle cette bascule (involontaire) du traitement de texte à celui de Clash of Clans ! Et qui n’a jamais commencé une recherche documentaire sur Wikipédia pour finir, une heure plus tard, par lire la biographie d’un doubleur polonais de voix canines des films soviétiques des années 60 ? Et comment jeter un « simple coup d’œil » à Twitter sans finir par dérouler un fil de discussion sur la fabrication des épées scandinaves au Xe siècle par le talentueux Docteur Pierre Al Chaize alias @docteurbagarre ?

En se concentrant uniquement sur ses objectifs de lecture, d’annotation et de prise de notes, l’équipe de cette reMarkable 2 a volontairement limité son champ des possibles. Lui permettant ainsi de demeurer imperméable aux évasions et digressions numériques. Une magnifique démonstration de l’intelligence par la sobriété qui fait de la reMarkable 2 le meilleur cahier/livre numérique jamais créé.

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