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Téléphonie mobile : la ligne est brouillée

Du GSM à l’UMTS et sa promesse d’une large gamme de services, la transition est laborieuse. Un mouvement freiné par le coût des licences et du déploiement.

Il y a un an, c’était encore l’euphorie : opérateurs et surtout équipementiers rivalisaient d’imagination pour nous expliquer les services merveilleux qu’allait nous apporter la troisième génération de mobiles (3G), le fameux UMTS (Universal Mobile Telecommunications System). Aujourd’hui, la tendance est plutôt au réalisme. On ne voit pas réellement arriver l’UMTS de façon massive avant 2004. Certains affichent même un réel pessimisme. Ainsi Peter Cochrane, ancien directeur de la recherche chez BT, qui affirme que l’Europe s’est tiré une balle dans le pied.Le passage du GSM (2G) à l’UMTS (3G) suppose, en effet, le déploiement complet d’un nouveau réseau. Mais, avant même de le réaliser, les opérateurs ont dû mettre la main au portefeuille et acheter les licences. Beaucoup d’entre eux ont dépensé des fortunes pour en acquérir ?” jusqu’à 50 milliards d’euros en Allemagne ?”, tandis que dans d’autres pays, comme en Suède, elle était gratuite. Drôle de disparité pour une Europe qui veut marcher d’un même pas.La France, qui se voilait la face devant le système des enchères pratiqué en Allemagne et en Grande-Bretagne, a fait sa sélection sur dossier (concours de beauté). Mais elle a quand même réclamé 4,95 milliards d’euros par licence. Du coup, seuls deux candidats (France Télécom et Cegetel) se sont présentés.Il y a quelques jours, Bercy a abaissé le montant du prix des licences à 629 millions d’euros et indiqué qu’il prélèverait une part variable – 1 à 2 % – des recettes liées à la norme UMTS, en plus du ticket d’entrée. Jugeant les nouvelles conditions plus favorables, Bouygues a laissé entendre qu’il pourrait alors devenir lui aussi candidat.Un élément important si l’on se souvient que le mobile GSM n’a réellement décollé qu’avec l’arrivée d’un troisième acteur (Bouygues Telecom, déjà).Au prix de la licence, il faut ajouter le coût de déploiement d’un réseau. Il varie d’un pays à l’autre. Toutefois, les experts estiment qu’en France il reviendra à peu près à une vingtaine de milliards d’euros. En effet, pratiquement rien ne pourra être repris du GSM.

Un c?”ur de réseau mieux adapté aux données

L’UMTS fonctionne dans une bande de fréquences différente de celle du GSM : 2 GHz, au lieu des 900 et 1 800 MHz pour le second. Il est fondé sur une autre technique de transmission, le WCDMA (Wideband Code Division Multiple Access), au lieu du TDMA (Time Division Multiple Access). Enfin, le c?”ur du réseau de transport est fondé sur la commutation de paquets, plus adaptée aux données (avec, pendant encore un moment, la commutation de circuits en parallèle), tandis que celui du GSM, système à vocation uniquement vocale au départ, est basé sur la commutation de circuits.Heureusement, le passage du GSM à l’UMTS se fera par étapes. La principale sera le GPRS (General Packet Radio System) ou 2,5G : il garde, grosso modo, la partie radio du GSM (mêmes fréquences et principe du TDMA), mais le c?”ur de réseau adopte la commutation de paquets ?” au moins pour les données, la voix étant dirigée vers le réseau GSM traditionnel. L’étape suivante sera peut-être l’Edge (Enhanced Data Rate for Global Evolution), évolution ultime de la 2G : 2,5G+. Cette technologie reprend le c?”ur de réseau du GPRS et le même spectre de fréquences, mais elle met en ?”uvre une nouvelle modulation radio, qui multiplie par trois le débit. Celui-ci peut atteindre une bande passante théorique de 384 Kbit/s ?” en réalité, 140 Kbit/s ?”, comme l’UMTS. L’Edge permettra donc d’offrir des services de type 3G. D’où sa position singulière dans le schéma de transition entre 2G et 3G : technologie finale pour les opérateurs n’ayant pas de licence UMTS (mais attention à la saturation des fréquences 900 et 1 800 MHz), technologie intermédiaire pour opérateur visant à terme l’UMTS (*).Le passage à la 3G a évidemment pour but d’améliorer les performances ?” surtout pour les applications de données, qui, prédisent les experts, constitueront l’essentiel du trafic avec la messagerie multimédia, la navigation web, les jeux et les applications professionnelles. En GSM, le débit était de 9,6 Kbit/s, avec facturation au temps de connexion (comme le téléphone filaire) et la nécessité de se connecter pour échanger du trafic. Avec l’UMTS, les constructeurs ?” toujours optimistes ?” parlent de 384 Kbit/s dans une première phase et de 2 Mbit/s par la suite (les experts tablent plutôt sur 144 Kbit/s au début). Mais, surtout, la facturation se fera au volume de données transmis et le terminal sera toujours en ligne, comme avec le câble ou l’ADSL (plus besoin de se connecter pour savoir, par exemple, si l’on a reçu des messages). Le GPRS offrira les mêmes avantages que l’UMTS, mais à un débit théorique de 170 Kbit/s ?” en fait, de 40 à 50 Kbit/s en pratique.

UMTS : un véritable système informatique

Techniquement, la grande différence entre le GSM et l’UMTS réside dans la partie radio. Sans entrer dans le détail, supposons que plusieurs personnes veuillent parler à un interlocuteur commun (station de base ou relais radio, nommé Node B en UMTS). En TDMA, chacun parle à son tour. En fait, dans l’échelle de temps, chaque communication occupe un créneau (slot), et elle utilise tout le spectre de fréquences du canal. En CDMA comme en WCDMA (la différence venant de la largeur de la bande de fréquences ?” de 5 MHz en WCDMA, contre 1,75 MHz en CMDA et 200 kHz en GSM), tout le monde parle en même temps. Mais chaque correspondant est identifié ?” par exemple, par son timbre de voix. Concrètement, chaque communication est repérée par un code (qui correspond au timbre de la voix dans ce cas). C’est pourquoi dans le cas d’un fort trafic, dans le “brouhaha” général, la station de base ne parvient plus à différencier les codes ; elle demande alors aux mobiles d’abaisser la puissance d’émission. Les abonnés les plus éloignés sortent de sa couverture radio (diminution du nombre d’interlocuteurs), et ils sont repris en charge par d’autres stations de base ?” sans, évidemment, que l’usager s’en rende compte. Cet exemple montre une autre différence entre le GSM et l’UMTS : ce dernier est beaucoup plus complexe. D’où une planification du réseau très ardue. Et, comme tous les systèmes de télécommunication modernes, il s’apparente à un véritable système informatique.Pour l’utilisateur, l’arrivée de l’UMTS se traduira par de nouveaux terminaux, que l’on ne verra guère avant la fin de 2002, ceux pour le GPRS étant tout juste disponibles. Personne ne sait aujourd’hui exactement ce qu’ils seront. Les constructeurs en sont réduits aux hypothèses, partant du principe que, pour le grand public, les applications tourneront surtout autour de la messagerie multimédia, du commerce électronique depuis des mobiles, les jeux et les loisirs, tandis que, côté professionnel, la bande passante de plus de 100 Kbit/s ouvrira un vaste champ d’applications. La localisation facile et précise de l’utilisateur permettra des services encore plus personnalisés. En conséquence, ces terminaux seront plus ou moins spécialisés, plus ou moins puissants, et le mariage avec les assistants électroniques se resserrera. La gamme s’étendra du terminal à vocation téléphonique première, doté de capacités informatiques limitées, jusqu’au terminal informatique surtout utilisé pour les applications de données. Du coup, la guerre fait rage entre Microsoft, Palm et Symbian pour imposer son système d’exploitation et, surtout, montrer que ses interfaces sont les mieux adaptées à cette nouvelle génération.Enfin, la 3G n’est pas encore là que déjà on parle de la 4G. Plus qu’une nouvelle technologie, il s’agit d’une nouvelle architecture, tout IP, qui engloberait également les technologies de réseaux locaux sans fil (801.11a et Hiperlan2), avec la possibilité de passer de façon transparente d’un environnement à l’autre. On parle également d’une évolution du WCDMA vers une version HSPA (High Speed Downlink Packet Access) offrant un débit de 10 Mbit/s. Mais celle-ci ne devrait pas voir le jour avant 2010, voire 2015.(*) Le passage du GPRS à l’Edge sera d’autant plus facile que les stations de base GSM/GPRS seront de deuxième génération : ” Edge ready “, comme disent les constructeurs.

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Jean-Pierre Soulès