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Téléphones mobiles : vingt scientifiques appellent à la prudence

Réuni autour de David Servan-Schreiber, auteur d” Anticancer ‘, un collectif de scientifiques tente de sensibiliser la population aux dangers sanitaires liés à l’utilisation excessive des portables.

Les 55 millions d’abonnés au téléphone portable en France courent-ils un danger ? Le risque est suffisant pour que vingt scientifiques, dont d’imminents cancérologues français et étrangers, lancent un appel à la prudence
quant à l’utilisation excessive des mobiles. L’exposition à leurs ondes favoriserait à long terme le développement de cancers.Plus précisément, ‘ les études les plus récentes, qui incluent des utilisations de téléphones portables pendant plus de dix ans, montrent une association probable avec certaines tumeurs bénignes (neurinomes
du nerf acoustique) et certains cancers du cerveau, plus marquée du côté d’utilisation de l’appareil ‘,
assènent les signataires, réunis autour du psychiatre David Servan-Schreiber, auteur d’Anticancer
(1). Parmi eux, on compte le professeur Henri Pujol, ancien président de la Ligue nationale contre le cancer. Le collectif publie également une liste de dix recommandations destinées à limiter les risques liés à l’utilisation des téléphones
mobiles.Depuis plusieurs années déjà, diverses études tendent à démontrer la nocivité possible de ces appareils sur la santé. En France, en début d’année, l’université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand avait démontré des réactions de stress sur
des plants de tomates exposés aux ondes des téléphones portables. Un rapport américain publié en 2007 va plus loin (le Rapport BioInitiative, qui compile les résultats de plus de 1 500 études). Il affirme que l’utilisation excessive des
mobiles augmenterait le risque de leucémie chez l’enfant, ainsi que le développement de troubles neurologiques comme la maladie d’Alzheimer. Des études que les opérateurs et équipementiers remettent en cause pour leur manque de rigueur.

‘ Rien de nouveau sur le plan scientifique ‘

Du côté de l’Association française des opérateurs mobiles (Afom), on minimise l’impact de l’initiative de ce collectif de scientifiques. ‘ Cet appel se base sur des études existantes et n’introduit rien de
nouveau sur le plan scientifique. ‘
Les opérateurs se retranchent derrière la position du ministère de la Santé, lequel concluait en ce début d’année 2008 : ‘ Aucune preuve scientifique ne permet
aujourd’hui de démontrer que l’utilisation des téléphones mobiles présente un risque notable pour la santé, que ce soit pour les adultes ou pour les enfants. ‘
Le ministère a pourtant opté pour le principe de
précaution et a notamment recommandé aux parents de ne pas exposer leurs enfants aux ondes de ces téléphones.Aujourd’hui, les signataires vont bien plus loin que leur autorité de tutelle. Et évoquent un possible risque sanitaire. ‘ Nous sommes aujourd’hui dans la même situation qu’il y a cinquante ans pour
l’amiante et le tabac ‘,
expose au Journal du dimanche, Thierry Bouillet, cancérologue, directeur de l’Institut de radiothérapie du Centre hospitalier universitaire Avicenne, à Bobigny.Une comparaison que rejette l’Afom : ‘ Au niveau des risques sanitaires, tabac et téléphonie mobile n’ont rien à voir. Il s’agit pour le tabac d’un risque quasi épidémiologique, alors que pour l’utilisation
du portable, le ministère de la Santé reconnaît la possibilité d’un risque dit faible. ‘
L’étude Interphone menée par 13 pays européens pourrait permettre de trancher. Ses résultats définitifs, qui sont attendus depuis plus de deux ans, pourraient être publiés d’ici à la fin de l’année. L’Agence française de
sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, saisie par la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, devrait également remettre ses conclusions ‘ sur les risques liés à l’exposition aux
radiofréquences ‘.
Ses précédents rapports avaient conclu, en 2003 et 2005, au faible danger des téléphones portables et à l’absence de nocivité des antennes relais. Plus localement, le Conseil de Paris a annoncé ce lundi 16 juin qu’il allait
commander une étude comparative pour ‘ limiter les risques sanitaires éventuels liés à l’exposition du Wi-Fi ‘, notamment déployé dans les
bibliothèques de la Capitale.

Dix recommandations pour un usage raisonné

Mais, pour les signataires, il n’est plus temps d’attendre les conclusions de nouveaux rapports. ‘ Nous avons assez d’informations pour recommander aux personnes d’utiliser avec modération et en prenant le plus
de précautions possibles leurs portables ‘,
confiait ce lundi matin au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC (2), Annie Sasco, directrice de l’équipe d’épidémiologie pour la prévention du cancer à
l’Inserm de Bordeaux.Ecouter les interviews de Annie Sasco.
Les signataires de l’appel ont émis dix recommandations, disponibles sur le site de
David Servan-Schreiber. Certaines sont de bons sens, comme ‘ l’utilisation d’un kit
Bluetooth ‘.
D’autres radicales : ‘ ne pas laisser les enfants de moins de 12 ans utiliser un mobile sauf en cas d’urgence ; communiquer par SMS plutôt que par la
voix ‘.
Voire difficilement applicables : ‘ rester à plus d’un mètre d’une personne en communication ‘, etc.Pour l’Afom, toutes les précautions nécessaires sont déjà prises : ‘ Nous fournissons depuis 2002 des oreillettes dans tous les packs de mobiles et avons mis au point une plaquette d’informations diffusée en
ligne et dans nos points de vente. ‘
Pour l’heure, ces conseils ne sont pas encore diffusés directement dans tous les packs des opérateurs. ‘ Nous sommes en train de mettre en place cette
mesure ‘,
assure-t-on à l’organisme.Deux associations,
Priartem et Agir pour l’environnement, ont profité de cet appel pour redemander l’interdiction de la commercialisation de téléphones
portables spécifiques aux enfants.Ecouter l’interview de Stephen Kerckhove, délégué général de ‘ Agir pour l’environnement ‘
(1) Editions Robert Laffont (2007)


(2) RMC est une radio du groupe Nextradio TV, maison mère de 01net.

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Hélène Puel