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Tarmac et technologies à Toulouse

À Blagnac, l’informatique est partout. Des systèmes de contrôle des robots soudeurs de carlingue aux bancs d’essai de l’électronique embarquée. Reportage chez Airbus.

Lorsque l’usine d’assemblage de l’A380 sera achevée, l’aéroport de Blagnac, près de Toulouse, sera définitivement encerclé par les ateliers géants d’Airbus. En un cercle parfait, les hangars et différents bureaux du constructeur aéronautique occuperont au total 500 hectares, soit l’équivalent de Monaco. C’est sur cette surface que la plupart des gros et moyens porteurs d’Airbus sont assemblés, à partir d’éléments en provenance de différents pays d’Europe. Notamment grâce au succès de l’A320, Airbus est devenu un constructeur majeur, captant près d’une commande sur deux dans le monde.Ici, si tout est technologique, le métier est resté passionnel, comme aux temps héroïques. “On peut sans problème faire venir une équipe la nuit ou le week-end lorsqu’un problème est à résoudre d’urgence”, explique ainsi le porte-parole du site. Car chaque minute compte. Les clients sont pressés. Tout retard se traduit par une renégociation de la facture. Lorsque l’unité de compte est la dizaine de millions de dollars, cela peut aller vite. Et à Blagnac, en ces temps ternis par la catastrophe du 11 septembre, les calculs sont vite faits. Parce qu’il n’y a pas de petits profits, la visite de ce lieu littéralement monumental est même sous-traitée à un tour opérateur. On y croise donc des touristes, mais aussi des clients en délégation et des techniciens à vélo.

De l’immensité de la réalité…

Dans l’enceinte de l’atelier Clément Ader, où sont assemblés les A330 (séries 200 et 300) et A340 (séries 300, 500 et 600), deux impressions frappent d’emblée le visiteur. D’abord la taille du lieu. Construire des avions nécessite de l’espace. À cette échelle, un gymnase fait figure de chambre de bonne. Lorsqu’un avion sort de l’atelier après avoir été “mis sous tension” comme une vulgaire machine à laver et repeint aux couleurs de la compagnie cliente, la porte qui lui permet de sortir à l’air libre est plus haute que l’Arc de Triomphe. “Quand François Mitterrand a inauguré le bâtiment, les 1 500 personnes qui l’accompagnaient ressemblaient à un petit groupe d’individus perdu au fond d’une pièce”, se souvient le porte-parole.Moins anecdotiques sont les technologies employées par l’aéronautique moderne pour assembler les appareils et tester les systèmes avioniques. Ainsi, l’opération qui consiste à riveter les pièces de la carlingue est assurée par des robots. Le technicien moderne ne joue plus de la riveteuse, il contrôle les opérations robotisées sur un écran d’ordinateur. L’intérieur de l’appareil, bien avant la pose du décorum auquel les passagers sont habitués, laisse voir le cerveau d’un Airbus, à l’arrière du cockpit. Un meuble électrique (dont Latécoère est l’un des fournisseurs) laisse deviner les 21 kilomètres de câblage électrique, les 50 000 interconnexions et les 60 calculateurs qui participent au bon fonctionnement de l’ensemble. Si cette architecture fonctionne avec une bonne maîtrise du risque de panne, c’est qu’il existe aussi, loin des ateliers d’assemblage, une salle où tous les éléments de l’avion sont testés. Bienvenue dans la loge de l’“ironbird”. Ce terme anglo-saxon désigne un avion entièrement dépecé, dont il ne reste plus que l’arête centrale, relié à plusieurs types de simulateurs abrités dans de fausses cabines de pilotage (pour les essais, les entraînements et l’intégration d’équipements). Pilote et ingénieur, Alain Delattre a notamment fait une partie de sa carrière aux débuts de Concorde. Si ses cheveux blancs trahissent un âge antérieur aux débuts de l’ère PC, il sait résumer, aussi à l’aise qu’un vendeur de chez Surcouf, l’intérêt qu’il y a à doter un poste de pilotage d’écrans LCD ?” c’est-à-dire plats et à cristaux liquides ?” car “ils sont plus fiables, chauffent moins, sont moins encombrants, consomment moins d’électricité et sont moins lourds “.À l’étroit dans un cockpit factice rivé au sol, de jeunes ingénieurs prennent des notes. Le simulateur, équipé d’écrans LCD, donne une incroyable impression de réalité, celle d’être en approche d’une piste que l’on discerne au loin. Il faut se retourner de temps à autre pour se rappeler que l’on n’est pas dans un avion. Ce simulateur (relié à l’ironbird) a pour fonction de vérifier le fonctionnement de l’appareil dans différents types de situation. Ce jour-là a été programmé l’atterrissage d’un avion “très dégradé”, victime de quatre pannes cumulées, soit une occurrence “très peu probable”, croit bon de préciser Alain Delattre. Chaque opération fait ensuite l’objet d’un debriefing qu’il n’est pas permis de rapporter. Tout juste remarque-t-on l’attention extrême des participants à l’expérience de simulation.

… à la vérité des simulateurs

Voilures repliées, l’ironbird ne vole pas vraiment. Il permet de tester ce qui ne serait pas possible de faire en vol sans risquer la vie des pilotes. Mais là, dans cet atelier, la symbiose entre ceux qui font le pilotage et ceux qui maîtrisent les lignes de codes se réalise pour de vrai. Le contrôle informatique d’un vol doit encore ?” préséance oblige ?” céder l’appréciation de la navigation au commandant de bord. Cest ce que les passagers préfèrent. Et le client est roi.

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Philippe Bonnet