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Supercalculateurs, radiographie et laser pour simuler la bombe atomique

Le programme Simulation matérialise la volonté française de maintenir sa capacité nucléaire sur le long terme après l’arrêt des essais physiques.

Depuis quarante ans, la France fonde sa politique de Défense nationale sur la dissuasion nucléaire. Or, les têtes nucléaires actuelles arriveront en fin de vie dans les prochaines années ; elles devront donc être renouvelées. L’un des enjeux essentiels du programme simulation, défendu par Jacques Chirac, est de fournir aux futures équipes de concepteurs les outils permettant de maîtriser tous les domaines de fonctionnement d’un engin nucléaire sans recourir à de nouveaux essais réels – abolis depuis la signature du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (Tice) en septembre 1996.“Afin de garantir, sans essais nucléaires, la fiabilité et la sûreté des armes, notre recherche porte sur l’élaboration d’engins robustes, peu différents de ceux déjà testés, explique Didier Besnard, directeur du programme simulation à la Direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique (CEA/DAM). La simulation vise à reproduire par le calcul les différentes phases du fonctionnement d’un engin nucléaire en s’appuyant sur les résultats validés lors de la dernière campagne d’essais réels en 1996.”Pour cela, le CEA doit réaliser de nombreuses études de physique de pointe, pour lesquelles des moyens expérimentaux et numériques importants sont développés : la machine radiographique Airix, destinée à observer les objets denses en mouvements rapides ; un laser de très grande puissance (Mégajoule), qui étudie les plasmas thermonucléaires ; et un supercalculateur parallèle Tera, qui simulera le fonctionnement des armes.Entièrement financé par la Défense nationale, ce programme, qui s’étale sur quinze ans (1996-2010), repose sur un budget global de plus de 25 milliards de francs, dont 6,5 milliards sont réservés à la construction du laser Mégajoule et 500 millions alloués à la machine radiographique Airix. La DAM, en charge de ce programme, est responsable de la conception, de la fabrication et de la maintenance des têtes qui équipent les missiles des forces nucléaires océaniques et aéroportées. Cela pour un budget annuel d’environ 6 milliards de francs. Elle rassemble actuellement quelque quatre mille cinq cents collaborateurs sur les seize mille que compte le CEA.

De nouveaux logiciels de simulation numérique

L’un des axes de développement du programme inclut la mise au point de nouvelles générations de logiciels de simulation numérique, fonctionnant sur des ordinateurs dont la puissance devra se chiffrer en téraflops – 1 téraflop correspond à 1 000 milliards d’opérations par seconde. “Les résultats – très instrumentés – des essais nucléaires de 1995-1996 sont cruciaux. Ils permettent de capitaliser la connaissance accumulée au cours des années afin de créer une nouvelle génération de logiciels. Les ordinateurs commencent seulement aujourd’hui à atteindre la puissance de calcul nécessaire à ce programme. Raison pour laquelle la simulation numérique ne s’est pas imposée plus tôt “, souligne Didier Besnard.Quatre ans après son lancement, le programme simulation a franchi en fin décembre 2000 deux étapes importantes. L’installation de radiographie Airix (basée en Champagne à Monronvilliers), désormais opérationnelle, fournira par génération de rayons X des photographies d’une grande précision spatiale et temporelle de l’évolution dynamique des matériaux. Par ailleurs, deux versions intermédiaires du supercalculateur Tera ont été testées – l’une d’une puissance de 35 gigaflops (35 milliards d’opérations par seconde), et l’autre de 0,5 téraflops. Ces versions d’architecture SMP (Shared Memory Processors) préfigurent le supercalculateur de 5 téraflops dont devrait disposer le programme à la fin de l’année. L’objectif est d’atteindre 100 téraflops en 2010. Une chose est sûre : l’engagement nucléaire français servira à toute l’Europe.

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Miriam de Scorbiac