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Sulfureuse pianiste

” Il y a des films qui font peur : on croit qu’ils vont tout vous prendre. On a tort : ce sont ceux qui vous…

Il y a des films qui font peur : on croit qu’ils vont tout vous prendre. On a tort : ce sont ceux qui vous donnent tout. ” Sur Festival-cannes.org, (www. festival-cannes.org, dans la rubrique Vidéos, taper Cérémonie de clôture), on réécoute avec délectation l’éloquente Isabelle Huppert, le soir de la remise des prix du 54e Festival de Cannes. L’actrice vient de décrocher le prix d’interprétation féminine pour La Pianiste. Elle est comblée, soulagée aussi. La comédienne préférée de Claude Chabrol, star intouchable du cinéma d’auteur, n’a pas pris tant de risques pour rien, pas flirté avec la mode porno chic sans y décrocher, elle aussi, ses palmes. Car La Pianiste, qui sort ce mercredi sur les écrans, est un film sulfureux.Jugez plutôt : une Autrichienne de 40 ans (Isabelle Huppert), professeur de piano, vit avec une mère possessive et névrotique (Annie Girardot), comble ses frustrations dans les peep-shows et joue au jeu du maître et de l’esclave avec un de ses élèves (Benoit Magimel), initié par elle aux pires pratiques sadomasochistes. Ombre et lumière, bourgeoisie et débauche, Freud et Schubert…Le film puise à loisir dans les complexités de la culture autrichienne, celle du du réalisateur, Michael Haneke, et surtout d’Elfriede Jelinek, l’auteur du roman qui inspira le scénario. Il faut lire l’interview de cette romancière venimeuse (sur www.mk2.com, rubrique La Pianiste, cliquer sur D’après le roman de…) pour saisir à quel point la ” grande musique “, suprême fierté des Autrichiens, est aussi source d’aliénation, et même de névrose pour les femmes pianistes, qui sacrifient tout à sa perfection, à commencer par leur sexualité. Une vie d’ascétisme et de perversité rentrée, bien rendue dans les deux extraits à voir sur Allocine.fr (inscrire le nom du film dans la rubrique Vidéos et bandes annonces du site www.allocine.fr). Une vie de soumission et de violence, qui constitue la sève du film d’Haneke, comme de ses précédents opus. L’excellent Ecrannoir.fr retrace la carrière du réalisateur autrichien (www.ecrannoir.fr/real/ monde/haneke.htm), dont tous les longs métrages ont défrayé la chronique, à l’instar de Funny Games, sadique jusqu’à l’éc?”urement.Pourquoi tant de provocation ? Pourquoi cette fascination pour la violence ? Les interviews données à Cannes n’apportent aucune réponse définitive. “Je ne donne jamais le mode d’emploi aux spectateurs“, s’amuse le réalisateur. Même les dialogues de La Pianiste, que Mk2.com a la bonne idée de livrer dans leur intégralité, jouent la duplicité et l’ellipse. C’est donc vous, courageux spectateurs, qui déciderez, après 130 minutes en salle obscure, si les cinéastes actuels (à l’instar de Catherine Breillat ou Virginie Despentes) ont raison de nous montrer toujours un peu plus les déviances de notre époque. Vous qui devrez applaudir à ce miroir âpre et cru, ou le rejeter.
La Pianiste, de Michael Haneke, en salles le 5 septembre.

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Sophie Janvier-Godat